Source: Carmignac, Bloomberg, juillet 2024.
Le graphique ci-dessus illustre, aux États-Unis, la déconnexion inhabituelle entre les perspectives du consensus pour la croissance bénéficiaire des grandes capitalisations et la croissance économique. La croissance bénéficiaire est attendue à +10% cette année et l’an prochain alors que la croissance nominale (incluant l’inflation) de l’économie est attendue entre +4 et +5%.
À moyen terme, la croissance des résultats des entreprises a tendance à converger vers la croissance nominale d’une économie. Cela s'explique par plusieurs facteurs: les entreprises font partie intégrante de l'économie et leur performance est donc étroitement liée à l'activité économique; la croissance de la productivité contribue à la fois à la croissance économique globale et à l'amélioration des résultats des entreprises; et enfin les résultats nominaux des entreprises intègrent également l'effet de l'inflation sur les prix de vente et les coûts. Un écart de 5 à 10 points de pourcentage entre les deux sur un à deux ans est donc une anomalie. Dans le cas présent, comment réconcilier l’anticipation d’une nette hausse des profits des entreprises et celle d’une économie en croissance molle et en désinflation, contribuant à une croissance nominale faible?
La croissance forte des résultats attendus des entreprises repose pour une large part sur – mais pas seulement – les secteurs technologiques en vogue, notamment celui de l’intelligence artificielle. Il est permis de penser qu’à un certain point la croissance exponentielle des profits des acteurs du secteur s’essouffle (le secteur au sens large représente la moitié de la hausse des bénéfices de l’ensemble de l’indice S&P 500). Les perspectives bénéficiaires globales, alors seulement soutenues par des secteurs plus dépendants du cycle économique, pourraient décevoir et contribuer à la convergence vers le bas des profits et de la croissance économique.
Ce contexte invite à privilégier les valeurs qui procurent une grande visibilité et à réduire les investissements sur les valeurs les plus courues, et de fait plus sujettes au risque de déception, au bénéfice de valeurs et de segments défensifs. En tout état de cause, la hausse des marchés très concentrée sur un nombre trop restreint de valeurs doit nous amener à une diversification en faveur de valeurs et de secteurs aujourd’hui peu mis en avant.
La reconvergence des profits et de l’économie peut aussi s’envisager par un rattrapage de la croissance à la hausse. Après tout, celle-ci a déjà commencé à surprendre par sa résilience et sa capacité à transformer une récession que beaucoup anticipaient en un atterrissage en douceur. Pourquoi donc ne continuerait-elle pas à nous surprendre par sa vigueur future? L’élection désormais de plus en plus vraisemblable de Trump à la présidence américaine devrait donner lieu à une politique de croissance par l’offre, à la façon de ce qu’avait mis en œuvre Reagan au début des années 1980. Cette politique se matérialiserait par des baisses d’impôts pour les entreprises, de la dérégulation, de l’investissement industriel. Elle serait donc rapidement accompagnée par un surcroît d’inflation qui concourrait aussi à une hausse de la croissance nominale.
Cette hypothèse a ses mérites. Sa validation impliquerait une prolongation du cycle de croissance, favorable aux secteurs boursiers qui y sont corrélés, mieux capables que d’autres de s’accommoder de taux d’intérêt plus élevés dus à une inflation plus élevée.
Au même titre que pour l’hypothèse de déception relative à la croissance bénéficiaire future, il convient d’être particulièrement vigilant sur les niveaux de valorisation pour construire un portefeuille adapté à l’environnement qui se dessine et aux risques que ce dernier entraîne dans son sillage.