Still I Wait – Multi Asset Navigator d’Unigestion

Florian Ielpo, Unigestion

3 minutes de lecture

Inflation et exubérance: des risques à l’horizon.

En l’espace de quelques semaines, un nombre croissant de données a signalé un changement significatif des forces macroéconomiques influant sur les marchés financiers. Nos Nowcasters et nos Newscasters ont révélé un risque d’inflation allant de neutre à élevé. Ce message n’est pas négatif en soi pour les marchés des actions: l’inflation reste un indicateur de croissance. Si l’on ajoute à cela les niveaux de valorisation actuels et un sentiment positif aux extrêmes, les cartes se brouillent à court terme, ce qui nous empêche d’aller au maximum de notre allocation pro-croissance. Pour cela, nous devons attendre.

ET MAINTENANT?

Le risque inflation continue d’augmenter aux Etats-Unis

Notre Nowcaster d’inflation mondiale est devenu positif pour la première fois en presque un an le 18 janvier, atteignant un creux en mai 2020 à des niveaux survenant historiquement que 5% à 10% du temps. Un premier élément explique cette hausse: plusieurs facteurs de surprise de l’inflation américaine ont commencé à augmenter rapidement. Nos indicateurs d’inflation US sont devenus positifs à la mi-décembre, avant d’accélérer leur hausse dans les premiers jours de janvier. Cette accélération mérite d’être soulignée: elle reflète les enjeux de la situation actuelle. Tout d’abord, la rapidité de la reprise a déplacé le «pricing power» des consommateurs vers les producteurs. Cela a conduit à une accélération rapide de la composante «choc de l’offre» de notre indicateur surprise de l’inflation. La demande est forte et l’offre est limitée en raison de la pandémie: cela devrait faire grimper encore les chiffres de l’inflation

D’autre part, les attentes en matière d’inflation continuent de se redresser: alors que les breakevens d’inflation ont déjà fortement augmenté, les enquêtes auprès des consommateurs montrent maintenant un risque d’inflation croissant. Les enquêtes de l’université du Michigan et de la Fed de Cleveland vont toutes dans le même sens: l’inflation pourrait surprendre dans les mois à venir. Il est intéressant de noter que les indicateurs de la Cleveland Fed prévoient une hausse de l’inflation à moyen terme, mais une inflation encore faible à court terme. Ainsi, l’inflation ne semble pas être un problème à court terme mais plutôt un élément essentiel de la situation économique à moyen terme.

Pays émergents: Les signes de déséquilibre entre l’offre et la demande se multiplient

L’inflation semble également augmenter dans le monde émergent, notamment en Chine et au Brésil. Il y a deux raisons principales à cela, toutes deux essentielles dans le contexte actuel. Premièrement, les coûts de production ont récemment augmenté. Il s’agit moins de l’impact des prix du pétrole que de l’impact de la hausse des métaux industriels. Depuis son point bas en mars 2020, le prix du cuivre a augmenté de 70%, des niveaux inégalés depuis 2017. Le «pricing power» étant transféré aux producteurs, cette augmentation des coûts de production n’est pas une bonne nouvelle: elle signifie au fond des prix plus élevés à moyen terme, si la demande reste forte. L’inflation alimentaire est également en plein essor: à titre anecdotique, le prix du soja et du riz a fortement augmenté en janvier (+5%), tandis que l’ail (un ingrédient largement utilisé dans l’alimentation asiatique) a vu son prix grimper de 15% depuis son plancher de 2020. Là encore, la demande est en hausse et l’offre est limitée. Bien que nous n’attachions normalement que peu d’importance à l’inflation alimentaire dans les pays émergents en termes d’investissement, nous pensons que c’est une indication supplémentaire des limites actuelles de l’offre et des risques que cela représente pour l’inflation future.

Un sentiment de marché exubérant

La hausse de ce risque d’inflation n’est pas en soi négative pour les actifs de croissance dans leur ensemble. C’est plutôt le cas pour les actifs obligataires, car le crédit souffre généralement pendant ces périodes de revalorisation du risque d’inflation, avec des ratios de Sharpe qui tournent autour de -0,5. Toutefois, comme nous l’avons détaillé la semaine dernière, ce n’est pas forcément négatif pour les actions (avec un ratio de Sharpe proche de zéro pendant ces périodes). Le facteur qui maintient une certaine retenue dans notre biais de croissance proactive est le mélange «exubérance du marché /valorisations élevées».

Si le mois de janvier est historiquement plutôt positif pour les marchés actions – on retiendra janvier 2018 et ses conséquences – cette année semble faire preuve d’une certaine exagération, dans la lignée de décembre dernier. Sur la période 1999-2021, le S&P500 et l’indice MSCI All-Countries ont augmenté de 55% et 54% sur l’ensemble des mois de janvier. En 2021, ces chiffres sont passés à 70% et 73% respectivement au 21 janvier: un quart de jours seulement de trading négatif au début de l’année, signe d’un engouement plutôt déraisonnable des investisseurs pour les marchés actions. Ce constat, associé aux valorisations élevées et aux très fortes attentes de croissance pour 2021, suscite des interrogations. Les analystes prévoient une croissance des ventes de 8% dans l’univers du S&P500 en 2021, soit 2% de plus qu’en 2017, alors que la pandémie semble loin d’être résolue pour le moment. Ce «pricing de perfection» nous enjoint aujourd’hui à ne pas ajouter beaucoup plus à notre allocation pro-croissance. Compte tenu de la solidité des fondamentaux macroéconomiques, nous maintenons et accentuons notre biais positif, mais la valorisation et le sentiment suscitent de plus en plus d’inquiétudes chez nos gestionnaires. La situation macroéconomique reste bonne, mais nous ne sommes pas en 2017, et c’est ce que reflète notre positionnement dynamique à ce jour.

Changements hebdomadaires

  • Notre «World Growth Nowcaster» a de nouveau baissé la semaine dernière, dans la plupart des pays à l’exception de la Chine et du Royaume-Uni.
  • Notre «World Inflation Nowcaster» n’a cessé d’augmenter la semaine dernière : la hausse du risque d’inflation a été l’un des principaux moteurs du positionnement de nos stratégies au cours des 4 dernières semaines.
  • Les tensions sur les marchés ont diminué la semaine dernière, les volatilités et les spreads de crédit baissant. Malgré la tournure baissière de vendredi, notre indicateur reste dans des territoires très orientés vers la croissance.
Sources: Unigestion. Bloomberg, au 25 janvier 2021

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