Sobriété et innovation au menu

Anne Barrat

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Pour Suzanne Senellart, Mirova, «la transition énergétique suppose à part égale un remplacement des énergies fossiles par des renouvelables et une sobriété énergétique.»

Le semi-fiasco de la COP26 ne remet pas en question la marche forcée vers des économies moins gourmandes en énergies, vers la mobilité verte, vers des technologies innovantes de substitution et de rénovation. Tout au plus le rythme auquel cette marche conduira vers l’avènement d’une économie circulaire et durable sera-t-il moins rapide qu’espéré. Ce qui ne doit en aucun cas décourager les efforts des gouvernements et de l’ensemble des agents économiques explique Suzanne Senellart, gérante senior chez Mirova.

«La COP26 n’a pas réussi à trouver un nouveau souffle, commente-t-elle. Sur le plan des engagements internationaux, 3 pays sur 4 (représentant seulement 50% des émissions) ont annoncé un renforcement de leurs engagements par rapport à 2015. Il ne fait pas de doute que les plans de marche de décarbonisation des grandes puissances économiques Europe, Etats-Unis, Chine, vers 2030 et 2050 ne seront pas remis en question. A l’échelle internationale, les attentes étaient moindres, en particulier en raison de l’absence d’engagements des grands pays pollueurs (Russie, Australie). Nous observons malgré la difficulté des grandes négociations internationales, que les changements depuis 2015 sont immenses. Les sujets climat et biodiversité sont désormais au cœur de tous les discours et stratégies.»

«Le dénouement de la COP26 vient acter avant tout le manque de solidarité vis-à-vis des pays émergents.»
Souveraineté avant solidarité

Et d’ajouter: «Le dénouement de la COP26 vient acter avant tout le manque de solidarité vis-à-vis des pays émergents, qui ont besoin de financer la transition d’une part, et de compensations financières pour les effets du changement climatique qu’ils subissent de plein fouet, d’autre part. La question des financements cristallise depuis toujours les négociations entre pays riches et pays émergents. Cependant, le dialogue va continuer sur les sujets des compensations, notamment sur les modalités de financement des pays les plus vulnérables.» Si la solidarité entre les pays émergents et les moins polluants a été sacrifiée aux intérêts locaux et régionaux, la souveraineté énergétique sort elle renforcée. Si toutes les régions clés pour la décarbonisation, c’est-à-dire l’Europe, les Etats-Unis, et l’Asie ont des ambitions alignées, la manière de les réaliser trouve une réponse avant tout locale. Ainsi, les déceptions ont été régionales, tout comme le sont les progrès et les solutions. A ce jeu-là, l’Europe a un leadership incontestable, que ce soit dans le périmètre de la transition, que dans son rythme et son état d’avancement. Sans oublier la capacité d’innovation et le niveau de prise de conscience par ses habitants des économies d’énergie nécessaires pour arriver au Net Zéro, qui contribuent également à en faire la référence mondiale.

50% substitution, 50% réduction, 100% innovation

C’est de ce couple substitution/réduction que dépend la réussite de la transition énergétique à coûts maîtrisés. Il ne s’agit pas seulement de remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables, ce dont tout le monde est d’autant plus convaincu que preuve a été faite que des énergies renouvelables coûtaient moins chères, il faut également réduire la consommation d’énergie, un effort qui doit concerner tous les agents économiques. L’innovation est la clé de ces deux exigences, qui requièrent la mise œuvre de nouvelles solutions dans des domaines aussi variés que les énergies elles-mêmes (éoliennes on et offshore, hydrogène vert) et leur stockage – un des principaux défis des énergies renouvelables –, le recyclage, le bâtiment (rénovation, isolation, …), l’agriculture, etc. Avec un grand point d’interrogation sur le nucléaire: «Le nucléaire, commente Suzanne Senellart, reste un sujet au cœur d’une intense négociation, entre les pays farouchement opposés, et obéissant souvent à des intérêts politiques et ceux qui le défendent. Il est difficile de savoir quelle position adoptera la taxonomie européenne. Le nucléaire reste tout de même une solution de transition décarbonée dont les risques sont maitrisés en Europe, et permet l’avènement des énergies renouvelables à grande échelle.» 

Privilégier les financements privés par des investisseurs permettrait de réorienter les aides publiques vers les besoins de solidarité.
Les aides publiques, freins à la transition?

Un autre point d’interrogation concerne le financement de ce besoin immense d’innovation. Le financement public en particulier, dont on peut se demander s’il est un accélérateur ou un frein. «Un paradoxe qui donne à réfléchir est celui des aides financières à la transition énergétique: alors qu’on a pu observer le manque de financement en faveur des pays pauvres, les Etats-Unis s’apprêtent à annoncer de nouvelles subventions aux énergies renouvelables, qui sont d’ores et déjà rentables aux Etats-Unis. En 2021, le ralentissement des installations reflète une attitude attentiste de la filière énergies renouvelables, dans l’attente d’une manne financière pour améliorer la rentabilité.» De là à penser que privilégier les financements privés par des investisseurs, il n’y a qu’un pas, qui permettrait de réorienter les aides publiques vers les besoins de solidarité évoqués plus haut, et réconcilier solidarité et souveraineté.

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