Private equity: rendements élevés pour le capital de croissance

Brian Dudley, Adams Street Partners

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Un différentiel de financement et une innovation en plein essor stimulent les perspectives du capital-risque de croissance.

Depuis plus de 50 ans, l'écosystème des sociétés en phase de croissance a traversé plusieurs cycles de marché. Durant cette période, nous avons connu des phases propices à l'investissement et d'autres qui l'étaient moins. En général, chaque période est globalement déterminée par deux facteurs indépendants.

Le premier, c’est le climat d'évaluation, qui dépend de la demande de capitaux, de l'offre correspondante et du sentiment du marché public. Le second, c’est la demande – et l'état – de l'innovation technologique. L'amélioration du climat d'évaluation et la solidité des tendances sous-jacentes en matière d'innovation permettent de créer l'un des meilleurs environnements d'investissement pour les entreprises en phase de croissance depuis des années. La crise bancaire actuelle crée également des perturbations sur le marché qui sont susceptibles d'accélérer le déséquilibre entre l'offre et la demande de capitaux.

Une demande potentiellement record pour le capital-développement

Les opérations de capital-risque à tous les stades, mais surtout au stade de la croissance, ont chuté de façon spectaculaire en 2022, surtout par rapport à l'activité euphorique de l'année précédente. La baisse du volume des transactions pour les entreprises en phase de croissance s'explique en partie par le fait que de nombreuses sociétés ont évité de lever des fonds dans le contexte récent de volatilité et d'incertitude. Cependant, cette situation devrait changer pour deux raisons.

Premièrement, de nombreuses entreprises ont retardé la levée de fonds au cours des 12 à 18 derniers mois, soit en réduisant leurs dépenses, soit en contractant des lignes de crédit qui deviennent désormais moins attrayantes en raison de la hausse des taux d'intérêt. Elles devront probablement lever des capitaux avant la fin de 2023 ou au cours de 2024 car elles vont manquer de liquidités. Elles peuvent aussi vouloir profiter d'un environnement plus favorable à la collecte de fonds parce qu'elles ont atteint – ou dépassé – l'évaluation de leur dernier tour de table, qu'elles ont trouvé leur «frontière efficiente» en matière de croissance par rapport à la rentabilité, ou parce qu'elles se trouvent désormais dans une position concurrentielle plus favorable.

Deuxièmement, un marché actif du capital-risque en phase de démarrage a financé un énorme pipeline d'entreprises prometteuses et très innovantes au cours des dernières années, dont beaucoup finiront par «passer» dans le paysage du financement en phase de croissance. Cette dynamique semble vouloir annoncer qu'à la fin de 2023, et au-delà, aura lieu la proverbiale «rupture du barrage» de la demande de financement pour les entreprises en phase de croissance.

La hausse des taux d'intérêt a entraîné une compression des multiples sur les marchés publics pouvant aller jusqu'à 60% dans certains secteurs.
Moins de sources de capital de croissance

Du côté de l'offre, le segment en phase de croissance attire depuis longtemps un large éventail d'investisseurs non traditionnels, comme fonds souverains, les family offices et les sociétés de capital-risque. Cette cohorte a pris une part croissante du volume d'opérations de capital-risque en phase finale au cours des dernières années, atteignant un pic d'environ 50% en 2021, contre environ 24% en 2012.

Au vu de l'évolution des marchés privés qui tendent à se diriger vers des délais de sortie plus longs – en partie parce que l'introduction en bourse n’est plus aussi évidente que par le passé, beaucoup de ces investisseurs non traditionnels quittent notamment le marché des entreprises en phase de croissance. Leur part dans le volume d'opérations de capital-risque à un stade avancé a aussi diminué en 2022, une tendance qui devrait se poursuivre en 2023 et au-delà. Leur retrait réduit le pool de capitaux disponibles pour les entreprises en phase de croissance, alors que la demande a dépassé l'offre d'environ 26 milliards de dollars au quatrième trimestre 2022.

La récente crise bancaire pourrait exacerber ce déséquilibre – bien que temporairement – dans un contexte d'inquiétude accrue quant à la résilience financière de certains émetteurs de dette, ce qui pourrait conduire à une plus grande prudence dans l'offre de capitaux au secteur.

La correction des marchés cotés crée des valorisations attrayantes sur les marchés privés

La poursuite de la croissance à tout prix qui a prévalu en 2020 et 2021 a conduit à des valorisations très élevées sur les marchés privés et publics. Toutefois, la hausse des taux d'intérêt a entraîné une compression des multiples sur les marchés publics pouvant aller jusqu'à 60% dans certains secteurs. Lorsque les multiples d'évaluation des marchés publics s'ajustent à la hausse ou à la baisse, il est logique que les multiples d'évaluation des marchés privés évoluent de la même manière. Si les valorisations privées s'ajustent presque toujours plus lentement et plus modestement, nous continuons de penser que nous entrons dans un climat de valorisation bien plus acceptable que celui que nous avons connu depuis le début de la décennie.

Les tendances technologiques sous-jacentes restent robustes

Malgré cette révision des valorisations, les tendances technologiques sous-jacentes restent saines, comme l'illustre une prévision du cabinet Gartner selon laquelle les dépenses mondiales en logiciels atteindront près de 1,3 trillion de dollars en 2026, contre 807 milliards de dollars l'année dernière.

Même les secteurs technologiques plus matures conservent une marge de manœuvre importante pour continuer à améliorer l'efficacité de la chaîne de valeur dans les opérations, la valeur et l'engagement des clients, et l'évolutivité des produits, entre autres. En outre, l'inflation ayant un impact sur tous les secteurs, la demande de logiciels va probablement augmenter. Comme l'a précisé la CEO de Microsoft, Satya Nadella, «dans un environnement inflationniste, la seule force déflationniste est le logiciel».

Le taux d'innovation continue de s'accélérer

Le nombre de brevets délivrés est un indicateur raisonnable de la santé de l'innovation. Au cours de ses 171 premières années d'existence, l'Office américain des brevets a délivré 3,3 millions de brevets. Après l'invention du semi-conducteur, il a fallu 38 ans pour doubler ce chiffre. À l'ère d'internet, des smartphones, de l'informatique en nuage, de l'intelligence artificielle, de l'automatisation et de la robotique, l'Office des brevets continue d’établir des records annuels. En 1889, Charles H. Duell, le commissaire de l'Office américain des brevets, avait déclaré que l'Office des brevets allait bientôt réduire sa taille et finir par fermer, car «tout ce qui peut être inventé l'a été». Et pourtant, le rythme de l'innovation continue de s'accélérer. La nature composite de la technologie signifie que chaque vague d'innovation bénéficie de la précédente, ce qui conduit à une création de valeur plus importante pour les entreprises et les consommateurs axés sur la technologie, ainsi que pour leurs investisseurs, au cours des décennies suivantes.

Ce sont là des ingrédients qui ont le potentiel de générer des rendements élevés dans le capital de croissance au fil des cycles à venir.

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