Prévoyance: les importants devoirs automnaux des conseils de fondation

Francis Bouvier & Bruno Férolles, BCV

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Les responsables des institutions de prévoyance doivent répondre à des réflexions de fond engendrées par la normalisation sur le front des taux.

Au-delà des fluctuations des marchés, une ère apparemment plus saine s’ouvre pour les caisses de pensions. Le retour de l’inflation et le maintien, espérons-le, durable des taux d’intérêt en territoire positif permettent une certaine normalisation des pratiques en matière d’investissement et de l’examen du passif des institutions. Ce changement de focale est cependant lourd en questions à résoudre. Ceci alors même qu’intervient un autre passage obligé: une transparence accrue en matière d’analyse des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Autant d’éléments au menu des discussions de cet automne au sein des conseils de fondation, mais aussi avec leurs gérants de fortune.

Rapport ESG

Côté communication tout d’abord, les institutions de prévoyance sont appelées à écrire un nouveau chapitre de leur histoire dès le printemps prochain. Sur recommandation de leur association faîtière, l’ASIP, elles fourniront un rapport permettant à leurs assurés de mieux comprendre de quelle manière le placement de leurs avoirs aborde la problématique ESG. Si beaucoup de caisses se sont déjà lancées dans l’exercice, le mouvement devrait se généraliser et surtout s’uniformiser. La capacité à remplir ce rapport ESG dépend aussi de la capacité des gérants de fortune à fournir des données standardisées, voire agrégées.

Normalisation durable des rendements?

Côté gestion de l’actif ensuite, il s’agit d’évaluer l’implication, dans la durée, de la normalisation des taux sur la stratégie d’allocation du portefeuille. Autrement dit, d’estimer notamment si le retour des rendements obligataires et l’évolution de l’immobilier, deux classes d’actifs fortement pondérées au sein des institutions de prévoyance, permettront une adaptation de la gestion des rentes au-delà des fluctuations conjoncturelles.

Essentielles pour les institutionnels – environ un tiers du portefeuille –, les obligations ont retrouvé de l’intérêt auprès des comités de placement. Si la plus grande partie de la hausse des taux lancée en 2022 est effectuée, les banques centrales resteront sur la défensive tant que l’inflation n’accélère pas son repli vers leur objectif de 2%. Une inflation qui devrait cependant rester tenace en raison d’éléments structurels, comme la transition énergétique, une redistribution des flux commerciaux mondiaux ou encore un marché de l’emploi tendu.

Un relèvement du taux technique engendrera, par ailleurs, une libération de réserves, dont la redistribution peut être source de tensions entre rentiers et assurés actifs.

Dans cet environnement volatil, les emprunts à courtes et moyennes échéances peuvent répondre à certains besoins en matière de rendement, tout comme les titres comprenant davantage de risques. La demande pour les titres dits plus sûrs, à l’instar des obligations de la Confédération à 10 ans, reste importante. Un repli prononcé des taux longs pourrait intervenir si l’inflation se rapprochait des objectifs des banques centrales et si le tassement de l’activité se transformait en forte récession. Ce qui n’est pas notre scénario pour l’heure.

Autre actif incontournable des portefeuilles institutionnels, l’immobilier peut compter sur des fondamentaux solides. L’immigration nette reste positive alors que la construction de bâtiments ralentit. La demande en logements demeure ainsi supérieure à l’offre. L’immobilier indirect suisse a, lui, retrouvé des niveaux de valorisation plus acceptable depuis sa correction de 2022. Quant à l’immobilier direct, il pourrait subir une baisse des valorisations au gré de sa localisation. Un parc diversifié et bien situé permet de limiter ce risque. Le relèvement du taux hypothécaire de référence soutient les rendements et peut contribuer à immuniser contre les effets de l’inflation. À noter encore que l’entretien de ce parc ne doit pas être négligé, car les contraintes de rénovation liées aux objectifs énergétiques et climatiques peuvent peser sur les rendements.

Adaptation des taux techniques et de conversion?

Côté gestion du passif enfin, les espérances de rendements futurs permettront une adaptation – ou pas – du taux technique, pierre angulaire de la gestion actuarielle de la prévoyance. De cette décision dépend l’évolution des taux de conversion. La tendance est désormais à la stagnation et elle pourrait repartir à la hausse.

Un relèvement du taux technique engendrera, par ailleurs, une libération de réserves, dont la redistribution peut être source de tensions entre rentiers et assurés actifs. À moins qu’elles ne servent au maintien d’un degré sain de couverture de la caisse.

Tout en se souvenant qu’elles n’ont aucune obligation légale, les caisses se détermineront sur l’adaptation des rentes à l’aune de leurs possibilités financières. Adapter oui, mais comment? Une indexation implique des réserves supplémentaires, donc un besoin supplémentaire de financement. Le versement unique, s’il a un coût unique pour la caisse, ne doit cependant pas hypothéquer son avenir.

Quant aux assurés actifs, ils ne doivent pas être oubliés, même si l’adaptation des taux techniques et de conversion ainsi que le retour des taux d’intérêt en territoire positif devraient mettre fin à la phase de redistribution à leur désavantage.

Les réponses à ces réflexions automnales de fond qui attendent les responsables des institutions de prévoyance dépendent ainsi de leur vision de l’évolution de l’inflation, de la démographie de la caisse et de sa situation économique. Sans oublier, bien sûr, de ses attentes en matière de rendements.

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