Méfiez-vous de l’eau qui dort!

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

Sur fond de volatilité écrasée, les actifs risqués se sont bien comportés. Mais il faut rester prudent: les signes de nervosité du marché s’accumulent.

Les politiques monétaires continuent de dicter le taux directionnel

Au cours de l’été, les marchés des taux se sont encore éloignés des fondamentaux économiques. Le T-note américain reste ancré sous 1,4% par une Fed qui cherche désespérément le moyen le plus indolore de sortir d’une politique monétaire en net décalage avec la réalité économique. L’inflation supérieure à 5% commence à peser sur la confiance des ménages. Le caractère transitoire de la hausse des prix est en débat alors que les tensions dans les chaînes de production mondiales ne semblent pas se résorber. La croissance forte aux Etats-Unis est à peine perturbée par l’émergence du variant delta. Les prix des actifs sont généralement jugés excessifs.

Le rendez-vous de Jackson Hole était évidemment dans toutes les têtes. Plusieurs membres non-votants du FOMC (dont Bullard, George, Kaplan) penchent pour anticiper la réduction du soutien monétaire. Jerome Powell a jusqu’ici distillé des indices d’une prochaine diminution du programme mensuel d’achat d’actifs, qui pourrait débuter au 4T 2021. Une baisse linéaire semble s’imposer comme l’assurance d’un impact minimal sur la volatilité des marchés. En effet, l’annonce surprise de Ben Bernanke en mai 2013, bien que très en amont de la réduction effective du quantitative easing, avait provoqué une forte hausse des taux d’1,6% à 3% sur le 10 ans américain.

Les inévitables précautions de langage contribuent à maintenir une prime de terme très faible sur les marchés de taux américain. Fin août, elle était même redevenue négative de 17pb selon les estimations de la Fed de New York. La crise afghane explique en partie la recherche de sécurité qui s’exprime par des rachats de Treasuries.

La situation budgétaire n’est pas sans incidence sur les marchés de taux.

La suspension du plafond de la dette s’est terminée au 31 juillet. La capacité d’emprunt de l’Etat américain est réduite. Le Trésor est contraint de puiser dans sa trésorerie pour financer des dépenses fédérales de l’ordre de 600 milliards de dollars chaque mois. Le compte du Trésor s’affichait à 310 milliards de dollars fin août. Or l’objectif est de maintenir un volant de liquidités de 800 milliards de dollars environ en vitesse de croisière. Le Trésor recourt à des mesures extraordinaires pour financer ses dépenses, mais n’aura plus de visibilité au-delà de la mi-octobre. Le spectre du défaut technique resurgira. 

L’effet de la politique monétaire a sans doute été amplifié par un consensus vendeur largement répandu, motivé sans doute par la hausse effrénée des marchés d’actions et l’embellie économique. Les investisseurs finaux, pris à contrepied, n’avaient d’autre option que de couvrir leurs pertes dans la hausse du marché en rachetant leurs positions. On observe également un retour sur le dollar visible au travers d’un net regain d’intérêt des non-résidents pour les Treasuries. Le dollar s’est très bien tenu au cours de l’été (1,175$ au 26 août) peut-être à cause des délais dans l’adoption des plans budgétaires ambitionnés par l’Administration Biden. 

L’inflation jugée transitoire par la Fed reste un thème central pour les marchés de taux américains.

La hausse des prix des biens durables pèse désormais sur la confiance. Le coût du logement en hausse constante depuis 18 mois réduit l’accès à la propriété et, in fine, renchérit les loyers. Les tensions sur les prix de l’énergie (gaz naturel) reviennent également. Certes, l’inflation a probablement atteint son pic à 5,4% en juillet (CPI), mais le comportement des entreprises change de sorte que les prix s’ajustent désormais à la persistance des tensions sur les coûts. Les points morts de marché ont peu évolué mais reste dans le haut de la fourchette observée depuis le printemps. Les swaps d’inflation à 10 ans terminent le mois d’août au-delà de 2,5%.

Premiers déboursements du plan de relance européen

Seules l’Italie et la Grèce requerront la totalité des prêts et des subventions, mais d’autres pays (Portugal, Pologne, Chypre…) emprunteront une partie des montants proposés par l’UE. L’Espagne se laisse jusque 2023 pour solliciter ou non ces prêts européens. Les spreads sont restés globalement sans tendance au cours de l’été. Le BTP italien à 10 ans a évolué dans une marge étroite entre 100pb et 110pb en juillet-août. La maitrise de la situation sanitaire et le regain de croissance permettent d’envisager un redressement des comptes publics et une diminution des besoins de financement. Les Trésors sont généralement en avance sur leurs programmes annuels alors que les fonds européens et l’amélioration des recettes fiscales réduisent le risque de tensions des spreads. Les notations pourraient aussi s’améliorer, la Grèce notamment pourrait voir sa note relevée d’un cran à l’automne. Il faudra néanmoins que la BCE revoit ses critères d’inclusion à l’APP pour maintenir ses achats de GGBs au-delà de mars 2022. Gageons que l’institution trouvera le moyen de maintenir des conditions financières favorables.

Marché actions, pas si optimistes que ça

Le bilan des deux mois d’été est plutôt positif pour l’ensemble des bourses mondiales. Le MSCI monde gagne plus de 3% et la majorité des bourses mondiales s’inscrit en hausse.

Les marges ont très bien tenu, ce qui explique les surprises sur les bénéfices.

Les fondamentaux ont continué à supporter les marchés avec des données économiques qui confirment la reprise même si elles ont beaucoup moins surpris à la hausse que pendant les mois précédents. La saison des résultats a elle aussi été de très bonne tenue, sur l’indice EuroStoxx le chiffre d’affaires est 4,5% au-dessus des attentes alors que les bénéfices sont 31% plus élevés.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les marges ont très bien tenu, ce qui explique les surprises sur les bénéfices. Ceci malgré la progression du prix des input pour les entreprises qui aurait dû jouer en sens inverse. C’est donc un signe que les entreprises ont pu faire passer cette hausse sur leurs produits finis et qu’elles ont donc du pricing power. 

L’exception provient évidement de la Chine, où les indices ont dévissé, surtout à la suite des décisions réglementaires sur les géants de la tech. Il faut toutefois remarquer que la sous performance de ce secteur avait commencé avant.

Si les marchés en surface semblent positifs, dans une ambiance très «riskon», certains détails montrent une attitude beaucoup plus nerveuse.

Ainsi, dans ce contexte de volatilité écrasée, les actifs risqués se sont bien comportés. Les actions sont en hausse et les spreads de crédit très stables. Il faut néanmoins se méfier de l’eau qui dort, car les signes de prudence du marché s’accumulent. Avec des valorisations tendues, voire extrêmement tendues dans certains cas, et une croissance qui a clairement passé sont point haut, il est effectivement difficile de trouver des leviers pour permettre aux marchés de trouver un second souffle.

A lire aussi...