La peur du delta

Axel Botte, Ostrum AM

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Le plongeon des taux américains a provoqué un épisode de volatilité sur les marchés d’actions. Cette correction a été vite effacée.

©Keystone

Les marchés financiers forment des anticipations parfois erratiques sur le cycle économique. La publication d’un indice ISM des services inférieurs aux attentes (60,1 en juin) aura suffi à raviver les craintes de ralentissement de l’activité, d’autant que la propagation du variant delta inquiète. Face à la résurgence des cas de contaminations, plusieurs pays du sud de l’Europe ont pris des mesures, afin de limiter les flux touristiques. Cependant, la violence du mouvement de taux américain provient principalement de facteurs techniques et la respiration des marchés actions en milieu de semaine s’avère finalement limitée. Le S&P 500, en net rebond vendredi, marque ainsi un nouveau sommet historique en séance. 

Le dollar est reparti à la baisse en fin de semaine, alors que le yen semblait un temps retrouver son statut de valeur refuge. L’euro hésite avant de rebondir vers 1,19 dollar. En zone euro, le rally du Bund, vers -0,34% jeudi, tiré par des achats de contrats à terme, a initialement élargi les spreads souverains avant l’intervention des investisseurs finaux et des banques rachetant à bon compte les dettes périphériques. Le crédit traitait plus faiblement, dans le sillage d’indices iTraxx retrouvant un peu de sensibilité à la hausse de la volatilité implicite. Les spreads témoignent aussi de prises de profit sur le high yield, voire la dette émergente.

Les indicateurs anticipent une forte croissance
aux Etats-Unis au deuxième trimestre.

L’activité a probablement crû à un rythme annualisé compris entre 8% et 10%, grâce au rebond des dépenses en services prenant le relai de la consommation de biens et de l’investissement résidentiel, limités désormais par les pressions sur les prix. La hausse sans précédent de 35 milliards de dollars du crédit à la consommation en mai présage de révisions à la hausse sur les ventes au détail. Dans ce contexte, la baisse de 4 points de l’ISM des services restera anecdotique. L’enquête rappelle les pressions constantes sur les chaînes de production et les prix payés, ainsi que les difficultés de recrutement. L’emploi retombe sous le seuil de 50, malgré quelque 850’000 emplois créés en juin. 

En zone euro, la BCE a communiqué sa revue stratégique. L’objectif d’inflation est désormais symétrique autour de 2% et les prix de l’immobilier seront mieux pris en compte. La BCE n’aura toutefois pas le même degré de tolérance que la Fed autour de la cible de prix. Les risques climatiques auront une place centrale dans la politique monétaire par le développement de nouveaux modèles estimant la résilience de l’économie, du secteur financier, et donc de la transmission de la politique monétaire. Des indicateurs de suivi des actifs «verts» permettront d’estimer l’exposition du secteur financier à ces risques. Les critères d’acceptation des collatéraux et d’inclusion dans le CSPP seront aussi révisés en fonction des risques climatiques.

Le plongeon du 10 ans américain sous 1,30%
a pris de court une majorité d’intervenants.

L’accélération baissière semble provenir de gestions algorithmiques acheteuses de contrats à terme, forçant la réduction de positions vendeuses consensuelles parmi les investisseurs finaux. La faible liquidité après le week-end prolongé aux Etats-Unis, un marché primaire à l’arrêt cette semaine, ont aussi favorisé ce rapide mouvement. Outre ces aspects de positionnement, il semble qu’il subsiste un manque considérable de collatéral dans le système. Les échéances de T-bills au mois de juillet s’élèveront à plus de 1’100 milliards de dollars et les adjudications de titres courts préfigurent une nouvelle contraction de l’encours. Par ailleurs, pour la première fois depuis février, les flux obligataires aux Etats-Unis se redressent avec près de 18,5 milliards de dollars investis cette semaine. 

La hausse du pétrole vers 75 dollars, rendue possible par l’absence d’accord pour une hausse de la production au sein de l’Opep+, a seulement permis de maintenir les points d’inflation chahutés par le fort aplatissement de la courbe, à l’instar de la plupart des thématiques de reflation, notamment sur le marché des changes. En zone euro, le Bund a été entraîné par le contrat T-note traitant sous -0,30% pour la première fois depuis avril. Le 30 ans français (5 milliards d’euros de mai 2053 à 0,84%) a rencontré une bonne demande, malgré le désintérêt relatif des assureurs recherchant des rendements supérieurs à 1%. Les obligations italiennes ont initialement subi les ventes de contrats BTP, avant que des intérêts finaux ne contribuent à resserrer la prime italienne (106 pb à 10 ans). Les dettes ibériques s’écartent de 4 pb cette semaine.

Le sentiment de prudence sur le crédit ne s’est pas traduit
par un réel élargissement des spreads.

Le soutien du CSPP, quoique réduit à moins d’un milliard d’euros ces deux dernières semaines, suffit à assurer une légère surperformance vis-à-vis du crédit en dollars. Le marché primaire totalise encore dix milliards d’euros d’émissions, dont deux milliards d’euros éligibles au CSPP qui trouvent preneurs sans prime par rapport au secondaire. Le marché du high yield ignore la volatilité de l’iTraxx XO et une activité primaire toujours soutenue, avec sept transactions cette semaine. Le spread de la classe d’actifs s’élargit toutefois, cette semaine. Les courbes de spreads demeurent très plates sur le segment BB.

Les marchés d’actions ont donc connu un épisode de volatilité en milieu de semaine dernière, réagissant avec retard à la tendance du T-note. La séance de vendredi a effacé cette faiblesse passagère, de sorte que le Nasdaq reprend 1% en quatre séances. En zone euro, les flux vers les fonds actions semblent ralentir. La baisse des rendements pèse sur les valeurs bancaires. Les pétrolières sont en repli de plus de 3% malgré un baril de Brent à 75 dollars, à l’instar des secteurs liés au tourisme. L’Europe surperforme les marchés asiatiques soumis au fléchissement des indicateurs chinois.

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