Des marchés dans l’attente des banques centrales

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

L’emploi américain valide le scénario de tapering annoncé cet été.

La reprise se renforce dans la plupart des régions du monde, à l’exception du Japon. La réouverture des secteurs pénalisés par la pandémie permet cette inflexion. Mais la question de la croissance est devenue secondaire à ce stade. La spéculation effrénée sur les petites valeurs américaines (AMC Entertainment dernièrement), alimentée par les investisseurs individuels, rappelle que la question essentielle pour les marchés financiers reste la stratégie des banques centrales pour infléchir l’excédent de liquidités. 

Plusieurs banques centrales ont déjà pris des mesures dans ce sens, au Canada, en Nouvelle-Zélande ou dans les pays émergents. La Chine encadre l’appréciation du Renminbi. Néanmoins, sur le dollar, la monnaie créée et les transferts publics poussent les taux courts toujours plus bas. Le recours à la facilité de reverse repo de la Fed, à hauteur de 600 milliards de dollars, témoigne de la réaction des intervenants à la glissade des T-bills en territoire négatif. 

Toute communication hasardeuse d’une banque centrale
serait susceptible d’engendrer des prises de profits.

La BCE fait face au même dilemme alors que l’inflation revient à 2% et que le débat fait rage au sein du Conseil au sujet du calibrage des mesures d’urgence. Mis à part les épisodes de casino boursier évoqués plus haut, la volatilité reste cependant limitée sur les actifs risqués. L’asymétrie de la volatilité implicite sur le S&P 500 indique toutefois une forte demande de couverture à la baisse des cours. Toute communication hasardeuse d’une banque centrale serait en effet susceptible d’engendrer des prises de profits. En revanche, les spreads de crédit restent inertes, y compris sur les notations spéculatives.

La situation conjoncturelle s’améliore

Les pressions sur les chaines de production sont toujours plus fortes et les anecdotes abondent quant aux difficultés de recrutement. Les enquêtes ISM, au-delà de 60 dans les deux secteurs, sont sans ambiguïté quant au niveau de la croissance courante aux Etats-Unis. La croissance américaine se situera ainsi entre 8 et 10% au deuxième trimestre. Les créations d’emploi s’élèvent à 559’000 en mai, en progrès par rapport au mois d’avril. Le taux de chômage baisse de 0,3pp à 5,8% de la population active. 

En zone euro, les enquêtes prédisent une accélération de l’activité après la rechute observée cet hiver. Le déploiement du plan de relance désormais attendu pour juillet constitue un motif d’optimisme supplémentaire. En Chine, la PBoC vise à atténuer les pressions sur la devise en imposant une hausse de 2% des réserves obligatoires en dollars. Les flux étrangers vers les actions et les obligations en CNY continuent en effet de s’accumuler.

Le T-note continue d’osciller autour de 1,6%

Le marché était toutefois acheteur en fin de semaine avec une clôture à 1,56%. Les 559’000 emplois créés en mai apparaissent en effet compatibles avec l’annonce d’une réduction graduelle des achats d’actifs au cours de l’été. Ce scénario semble faire consensus. Certains membres de la Fed (Kaplan non votant cette année) évoquent déjà une diminution du soutien au marché hypothécaire comme un premier geste. Il n’est nul besoin de stimuler la demande d’investissement résidentiel mais le plus probable reste une réduction concomitante des interventions sur les Treasuries (80 milliards de dollars par mois) et les MBS (40 milliards de dollars). Il est intéressant de noter que le recours accru à la facilité de reverse repo de la Fed implique déjà une plus forte circulation des titres sur les marchés. La Fed prendra en outre toutes les précautions de langage nécessaire pour éviter une réédition du Krach de 2013. L’effet de surprise en sera grandement diminué. 

Le marché du high yield reste bien orienté malgré le déluge
d’émissions annoncé pour les deux prochaines semaines.

En zone euro, la réunion de la BCE le 10 juin prochain cristallise les anticipations. Un rapide calcul indique que des achats hebdomadaires à hauteur de 17 milliards d’euros permettent d’utiliser l’intégralité de l’enveloppe du PEPP à l’horizon de mars 2022. Compte tenu de la baisse saisonnière du QE en août et en décembre, ce niveau autorise de maintenir un rythme conforme aux dernières semaines pour encore quelque temps. C’est l’une des raisons pour lesquelles les spreads souverains ont eu tendance à se resserrer d’autant que le Bund réplique le mouvement du T-note après la statistique d’emploi (-4pb sur la journée à -0,21%). Le BTP italien à dix ans s’échange ainsi autour de 108pb. La hausse du déficit français de 47 milliards d’euros est sans incidence sur le programme d’émissions de l’AFT inchangé à 260 milliards d’euros, d’où l’absence de tensions sur les spreads OAT. Les émissions longues ont d’ailleurs été bien reçues par le marché (2044, 2055, 2072). 

L’Union européenne s’apprête à dévoiler son programme de financement. Les premiers versements seront effectués dès juillet, ce qui donnera lieu à des émissions de T-bills et d’obligations durant la seconde moitié du mois de juin.

Le marché du crédit reste stable

Les indices synthétiques impriment un ton positif avec un léger resserrement sur l’ITraxx IG alors que l’obligataire est étale. L’activité primaire s’est réduite avec huit milliards d’euros émis environ dont un tiers d’obligations vertes. Aux Etats-Unis, la revente des avoirs de la Fed (SMCCF 13 milliards de dollars) en crédit n’aura pas eu aucun impact sur les spreads. Le marché du high yield reste bien orienté malgré le déluge d’émissions annoncé pour les deux prochaines semaines. La recherche de rendement de la part des institutionnels et la faible probabilité de défaut compriment les spreads sous 300bp.

Quant aux actions, les indices européens progressent d’1% sur la semaine. Les rotations observées demeurent très liées à la dynamique des taux de sorte que l’ajustement des taux après l’emploi américain a de nouveau profité à la thématique croissance, dont la technologie et les dossiers de qualité. A l’inverse, les cycliques et les bancaires sont pénalisées. Il est à noter que la balance des flux demeure très favorable aux actions européennes. En outre, le versement des dividendes sera mis à profit pour investir en cas de repli des cours.

A lire aussi...