Biden: un moment Reaganien?

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

La saison des résultats apporte son lot de bonnes surprises. Près des deux tiers des sociétés du S&P 500 ont publié et 86% d’entre elles battent le consensus.

©Keystone

La Fed continue de voir le verre à moitié plein, écartant d’un revers de manche les risques inflationnistes à court terme. De fait, la politique monétaire de la Fed restera longtemps contrainte par la taille des besoins de financement publics à venir. Le soutien budgétaire conjoncturel est désormais complété par un double programme fédéral pluriannuel visant une profonde refonte du rôle de l’Etat. Le changement de politique est d’une ampleur comparable à celui de la présidence de Ronald Reagan en 1981. La posture accommodante de la Fed demeure néanmoins favorable aux actifs risqués d’autant que les résultats du premier trimestre traduisent un net redressement de la profitabilité. Les taux remontent sous l’effet de flux d’allocations d’actifs. Les spreads sont globalement inchangés. Le dollar reste la valeur d’ajustement même si la hausse des taux américains tend à atténuer la pression vendeuse.

Des pressions qui se diffusent dans l’économie

L’économie américaine affiche une croissance annualisée de 6,4% au premier trimestre. Les dépenses d’équipement et de R&D témoignent de la confiance des entreprises. La vigueur de la demande des ménages portée par la vaccination et les transferts engendre des déséquilibres externes et une pression sur les chaines de production. Le déstockage et la dégradation du solde extérieur amputent ainsi la croissance de 3,6pp entre janvier et mars. Le restockage et la reprise en Europe s’ajouteront à la dynamique intérieure au cours des prochains mois. La perception du risque inflationniste se nourrit d’anecdotes rapportant les pénuries de composants et les hausses de prix des intrants. Le coût du travail augmente également à hauteur de 0,9% au premier trimestre. 

L’économie reste soumise à la dominance budgétaire
face aux propositions sans précédents de Joe Biden.

Quoiqu’en dise la Réserve fédérale, ces pressions se diffusent dans l’économie. Celle-ci reste soumise à la dominance budgétaire face aux propositions sans précédents de Joe Biden. Outre le programme conjoncturel de 1’900 milliards de dollars voté en mars, l’action publique serait déclinée aux travers de deux plans de 2’250 milliards sur huit ans et 1’800 milliards de dollars sur dix ans visant notamment la transition imposée par le changement climatique et l’accès des ménages à la santé et à l’éducation. L’étroitesse de la majorité démocrate à la Chambre et, plus encore, au Sénat laisse perplexe quant à la capacité de l’administration de faire passer son programme au Congrès. 

Les Républicains utiliseront sans doute l’arme du plafond de la dette cet été pour restreindre la capacité d’action de Joe Biden. En outre, la hausse de la pression fiscale sur les entreprises repose en partie sur l’extraterritorialité du fisc américain et le relèvement des impôts sur les plus-values et les revenus frappera en premier lieu les ménages aisés dans des états majoritairement démocrates. L’adoption de ces plans ne se fera pas sans heurts.

En Europe, les publications économiques sortent en ordre dispersé. Les enquêtes d’avril sont meilleures qu’attendu compte tenu des mesures sanitaires. Cela étant, la zone euro s’est contractée de 0,6% au premier trimestre malgré un rebond en France (+0,4%). L’inflation remonte à 1,6%.

Les rachats de positions vendeuses par les comptes spéculatifs
se sont poursuivies limitant la pression haussière sur les taux.

Sur les marchés financiers, le rendement du T-note se tend de 8pb sur la semaine écoulée. Les adjudications du début de semaine ont rencontré une demande médiocre. Cela étant, les rachats de positions vendeuses par les comptes spéculatifs se sont poursuivies limitant la pression haussière sur les taux. Le statu quo de la Fed atténue de fait l’effet d’annonce de l’American Families Plan de 1’800 milliards de dollars. Le T-note à dix ans s’échange autour d’1,65% sans mouvement de courbe notable.

Les banques européennes se distinguent grâce au rebond des taux

En zone euro, les émissions de dettes souveraines continuent de peser sur le marché. Le Bund se dégrade vers -0,20%, ce qui entraine un écartement de 3pb des spreads périphériques. Les autres segments du marché du crédit amortissent mieux la hausse des taux. Le crédit IG euro se resserre d’1pb à 84pb. Le marché primaire s’allège quelque peu notamment sur les non-financières. Les émissions de dettes financières atteignent 100 milliards d’euros en 2021, un niveau comparable à 2020. On observe une tendance à la compression sur le BBB et les secteurs à beta élevé (hybrides). 

En revanche, les indices des CDS sont sans tendance en avril, à 50pb, malgré quelques flux de couverture. Quant au high yield, les spreads diminuent de 17pb sur le mois d’avril. Le marché primaire reste très actif. Les émissions totalisent déjà 45 milliards d’euros en 2021 (26 milliards en net) contre 103 milliards sur l’année 2020. Une thématique d’étoiles montantes se développe à mesure que le marché intègre les perspectives de relèvement dans la reprise. Le potentiel de rattrapage des notations BB par rapport au BBB est conséquent. La compression des spreads B vs. BB semble à l’inverse s’essouffler. Enfin, à l’instar de l’iTraxx IG, le Crossover évolue dans une fourchette étroite de 35p depuis novembre.

La saison des résultats apporte son lot de bonnes surprises. Près des deux tiers des sociétés du S&P 500 ont publié et 86% d’entre elles battent le consensus. La croissance annuelle ressort à 52% avec des chiffres d’affaires agrégés en hausse de 11%. La consommation discrétionnaire, les matières premières et les financières se distinguent. En Europe, les trois-quarts des publications surprennent à la hausse. Les valeurs bancaires (+7% la semaine passée) profitent du rebond des taux au détriment des cycliques, qui semblent avoir totalement intégré la reprise.

A lire aussi...