Pour quelques (trillions de) dollars de plus

Axel Botte, Ostrum AM

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Le plan Biden de 2’250 milliards de dollars et l’emploi américain font oublier les difficultés européennes.

©Keystone

Les marchés entament le deuxième trimestre en trombe. Les prises de profits et les transactions bilancielles en amont de la clôture trimestrielle ont rapidement laissé place à une reprise des expositions risquées. La pause dans le rebond du billet vert témoigne d’une nouvelle réduction de l’aversion au risque. Les volumes peu étoffés avant le weekend pascal ont accentué le mouvement haussier. Le S&P 500 s’adjuge 2,8% en quatre séances, brisant le plafond des 4’000 points. Le repli des taux (T-note sous 1,70%) avant le weekend traduit le rachat des positions vendeuses bénéfique au Nasdaq et aux valeurs de croissance. Le crédit américain efface son retard de performance vis-à-vis des marchés européens. Toutefois, la tendance à la compression reprend sur les indices de CDS avec la diminution de la volatilité. Le high yield demeure bien orienté.

La reprise de risque se nourrit des derniers indicateurs conjoncturels encourageants. La reprise mondiale justifie un relèvement de la production de l’Opep+ de 2 millions de barils par jour entre mai et juillet. L’Arabie Saoudite réaugmentera sa production d’1 million. Les capacités américaines se redressent (11 millions de barils), également répondant aux prix plus élevés (WTI à 62 dollars). Parallèlement, l’ISM manufacturier est au plus haut depuis 1983. La plupart des secteurs font état d’un niveau de demande élevé et de tensions le long des chaînes de production. Les délais d’approvisionnement, le prix des matières premières et les difficultés de recrutement sont les symptômes d’une surchauffe pourtant invisible dans les indices de prix. Les créations d'emplois de mars s’élèvent à 916'000 après les révisions de janvier et février (+156’000). Le taux de chômage diminue à 6% et le sous-emploi (U6) baisse à 10,7% (-0,4 pp). Les heures travaillées augmentent sensiblement, conformément au message des enquêtes. 

La force de frappe de l’Administration Biden est sans précédent
et contraste avec l’immobilisme qui prévaut en Europe.

Cela devrait néanmoins retenir l’attention des autorités monétaires et budgétaires au moment où Joe Biden annonce un premier programme de dépenses d’infrastructures. Le plan chiffré à 2’250 milliards de dollars comporte quatre volets. Le transport (650 milliards) comprend des crédits pour la reconstruction urgente des ponts et 174 milliards dédiés à l’électrification du parc automobile. L’inclusion des communautés pénalisées par le manque d’investissement public passé est une priorité. L’amélioration de la qualité de vie (650 milliards) visera la distribution d’eau et une meilleure connectivité aux réseaux de télécommunications. Le secteur manufacturier recevra 580 milliards, dont 180 milliards fléchés vers la recherche et le développement. Enfin, le dernier volet concerne l’accompagnement des personnes âgées et en situation de handicap pour 400 milliards. A noter: à la mi-avril, un second programme portant sur l’accès à la santé et à l’éducation sera dévoilé. 

La force de frappe de l’Administration Biden est sans précédent et contraste avec l’immobilisme qui prévaut en Europe. La situation sanitaire oblige à des mesures restrictives et la vaccination reste insuffisante pour entrevoir une issue. Les enquêtes manufacturières sont pourtant très bien orientées. Le PMI composite de la zone euro ressort à 62,5 en mars, même si une contraction du PIB au deuxième trimestre en France parait désormais inévitable. Pis, le plan de relance européen n’a été ratifié que dans 13 des 27 Etats membres. La cour constitutionnelle allemande examine le texte et des situations de blocage apparaissent en Slovaquie, en Pologne, en Hongrie, voire aux Pays-Bas. Le folklore européen habituel, en somme. Ces délais occasionneront des retards pour le versement des premières tranches d’aides prévues initialement au troisième trimestre. Cela complique aussi le calendrier de financement de l’UE.

La BCE cherche activement à immuniser
le Bund des tensions sur le T-note.

Les taux américains ont marqué de nouveaux sommets pour 2021 à 1,77%. Les rachats de positions vendeuses ont ramené le T-note autour d’1,67% en clôture jeudi. Outre le weekend pascal, la fin de l’exemption des avoirs en Treasuries du SLR bancaire au 31 mars 2021 n’aura pas forcément les conséquences redoutées, la Fed ayant ouvert des consultations à ce sujet. L’amélioration des perspectives conjoncturelles favorise l’aplatissement de la courbe à mesure que les marchés remettent en cause la politique monétaire américaine. Les intérêts acheteurs se sont manifestés à partir de 2,50% sur le 30 ans (2,33% désormais). La remontée des taux hypothécaires pèse désormais sur la demande de refinancement, réduisant la demande receveuse de swaps à long terme et contribuant à un nouvel élargissement des swap spreads (- 15 pb à 30 ans). 

En zone euro, le rythme hebdomadaire des achats avoisine désormais 20 milliards d’euros. La BCE cherche activement à immuniser le Bund des tensions sur le T-note. Les spreads souverains sont stables, malgré des prises de profits sur les dettes ibériques en fin de trimestre. Les Bonos espagnols s’échangent à un spread de 65 pb à 10 ans. Le mois d’avril affichera un solde d’émissions très négatif et l’accélération du PEPP créera une pression à la baisse des rendements. Concernant le crédit, les spreads sur l’IG américain ont effacé leur sous-performance vis-à-vis du crédit européen. La hausse des emprunts en euro des émetteurs américains a contribué à ce rééquilibrage. Les marchés européen et américain se traitent à des niveaux de spreads équivalents (90 pb). Au plan mondial, la qualité de crédit IG s’améliore, avec 1,32 rehaussement pour chaque dégradation. Le high yield poursuit son resserrement et les indices synthétiques traduisent la recherche de rendement. Sur les actions, le repli du T-note propulse le Nasdaq et le S&P à des niveaux record. Les banques européennes souffrent de nouveau de la politique de QE de la BCE, mais la thématique cyclique et le rebond de la technologie, malgré des valorisations tendues, porte l’Euro Stoxx 50 au-delà des 3900 points.

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