Nier l’inflation est le plus grand risque

Axel Botte, Ostrum AM

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La Fed nie les risques croissants d'inflation, rendant les marchés boursiers d'autant plus sensibles aux rendements américains à long terme.

©Keystone

L’inflation est là. L’indice des prix à la consommation américain a réagi avec un mois de retard à l’accélération des prix à la production et des prix des importations publiée en mars. En effet, l’inflation ressort à 4,2% sur un an et 3% en avril, hors éléments volatiles. 

Une inflation temporaire?

La Fed insiste sur le caractère transitoire de la poussée inflationniste, mais rien n’est moins sûr. La réouverture de l’économie permet aux secteurs les plus affectés par la pandémie de retrouver des marges de manœuvre pour relever leurs prix, d’autant que les finances des ménages sont au beau fixe grâce au redressement de l’emploi. Les prix du transport aérien remontent ainsi de 10% en avril. Les prix des hôtels et des voitures de location suivent le même schéma. 

Il est évident que les prix arbitreront les priorités compte tenu
du temps et des investissements nécessaires à l’extraction minière.

Concernant les matières premières, les pressions inflationnistes importantes sont liées à la nécessaire transformation du modèle productif face au défi climatique. Ainsi, l’agence internationale de l’énergie estimait récemment que la transition vers un modèle de développement plus durable, reposant sur l’électrification du parc automobile et sur l’essor des énergies renouvelables, requerra 40 fois plus de lithium en 2040 qu'en 2020, 20 fois plus de nickel, sept fois plus de manganèse ou encore deux et demi fois plus de cuivre. 

Il est évident que les prix arbitreront les priorités compte tenu du temps et des investissements nécessaires à l’extraction minière. A ce titre, l’inflation n’est pas qu’un phénomène transitoire. 

Dans l’attente du tapering

La conférence de Jackson Hole, fin août, sera très attendue. La réduction du QE débutera au plus tôt en octobre, au plus tard début 2022. La hausse des points morts d’inflation au plus haut depuis 2005 – au-delà de 2,8% sur l’échéance cinq ans – remet clairement en cause le scénario de la Fed et interroge sur le ciblage de l’inflation moyenne. 

Les taux réels (-1% à dix ans) sont en outre beaucoup trop bas relativement au potentiel de croissance. Le T-note, après un bref retour sous 1,5% suite à la publication des chiffres du mois d’avril sur l’emploi, tutoie désormais le niveau d’1,65%. La pentification de la courbe traduit, d’une part, l’attentisme de la Fed et, d’autre part, les risques à terme d’un resserrement plus brutal. Le spread 5s30s s’est élargi avant de se stabiliser après les adjudications solides de dix et 30 ans. Autour de 2,4%, les niveaux de rendement à 30 ans devraient attirer une nouvelle demande finale. 

La hausse hebdomadaire des points morts
en Europe est plus forte qu’aux Etats-Unis.

En zone euro, l’optimisme des investisseurs représenté par la hausse du ZEW tire les taux vers le haut. Le Bund s’échange à -0,12% et les chiffres hebdomadaires du PEPP semble indiquer que la BCE s’accommode du mouvement de taux indissociable du renforcement des anticipations d’inflation. La hausse hebdomadaire des points morts en Europe (+14bp sur le swap d’inflation à dix ans) est même plus forte qu’aux Etats-Unis (+8pb). Le rythme d’achat diminue déjà à 16,3 milliards contre 20 milliards d’euros après la déclaration de la BCE du mois de mars. Les tensions sur le Bund reflètent également l’émission du 30 ans allemand vert pour 6 milliards d’euros. La demande chiffrée à 27 milliards d’euros réduit le spread à -2pb face à l’obligation nominale miroir. Les flux de couverture ont pesé sur le marché. La pentification de la courbe allemande contribue à tendre les taux français au-delà des seuils psychologiques. Le niveau de 1% sur l’OAT à 30 ans déclenche des intérêts des assureurs. Le taux à dix ans italien rejoint également 1% avant les émissions de jeudi. De manière générale, les souverains périphériques restent bien orientés. On observe aussi un net resserrement des swap spreads. L’asset swap du Bund rétrécie de 4pb sur la semaine. Les investisseurs ont sans doute privilégié les swaps pour couvrir la faiblesse des actions. On relève d’importants flux receveurs de 15 ans.

Ajustement des valorisations

Les marchés américains subissent des prises de profits concentrés sur les valeurs technologiques de croissance sensibles aux tensions sur les taux à long terme. Le Nasdaq a ainsi subi une correction de 5%. Le flux de bonnes nouvelles avec les publications trimestrielles ne constitue plus un frein à un ajustement des valorisations. L’environnement économique reprend le dessus. En début de semaine, 47% des actions du S&P 500 s’échangeait au plus haut depuis 52 semaines. La technologie européenne n’échappe plus à la dynamique américaine. En Europe, les rotations sectorielles s’accélèrent au profit des institutions financières et pétrolières. Les cours s’inscrivent en baisse de 2% cette semaine, un mouvement encore insuffisant pour considérer les valorisations attrayantes.

Le crédit en zone euro reste bien orienté. Le spread moyen ressort à 84pb contre Bund. La liquidité du marché s’avère satisfaisante malgré la faiblesse marquée du Nasdaq. Les indices synthétiques n’ont pas réagi à la hausse de la volatilité des actions, perçue comme une problématique de valorisation plutôt qu’un risque de crédit. L’iTraxx XO se tend néanmoins de 5pb sur la semaine. Le marché du high yield semble stable malgré un marché primaire très actif. La qualité de crédit est relativement élevée, de sorte que les émissions B et CCC se font plus rares. Le segment BB est soutenu par les rehaussements de notations.

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