Les règles budgétaires et leur impact conjoncturel

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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Alors que le plafonnement de la dette n’a pas freiné l’évolution de la dette aux Etats-Unis, le frein à l’endettement a peut-être été trop efficace en Suisse.

©Keystone

Il est toujours surprenant de constater l’importance que nous attachons, sur les marchés financiers, à chaque mot prononcé par les banques centrales, tandis que notre veille de la politique fiscale des pays reste sporadique. Pourtant, la politique fiscale est déterminante dans la capacité de croissance de l’économie, en comparaison à la politique monétaire qui se limite, en général, à œuvrer en faveur de la stabilité des prix (une condition nécessaire mais pas suffisante pour la croissance).

Le Fonds monétaire international (FMI) a recensé quelque 90 pays dans le monde qui appliquent actuellement des règles budgétaires relative à la politique fiscale. Ces règles peuvent limiter l’évolution de la dette du pays, et/ou contraindre l’évolution des dépenses de l’Etat. Les règles limitent la tendance à cumuler les déficits budgétaires qui contribuent à une hausse sans fin de l’endettement. In fine, les pays qui appliquent des règles budgétaires crédibles et efficaces vont bénéficier des taux de financement moins élevés, les investisseurs étant plus confiants en ce qui concerne la gestion fiscale.

La dette US a atteint 22'000 milliards de dollars,
soit un tiers de toute la dette souveraine mondiale.

Une règle bien connue est le plafonnement de la dette américaine. Le Congrès américain stipule le montant autorisé. Une fois atteint, le Trésor américain ne peut plus émettre d’obligations ou d’autres instruments de dette, et les dépenses de l’État doivent être financées uniquement par les revenus (impôts). Le plafond de la dette est un exemple de règle budgétaire n’ayant pas réussi à freiner l’évolution de la dette, qui a atteint 22'000 milliards de dollars aux Etats-Unis en février 2019, soit l’équivalent d’un tiers de toute la dette souveraine mondiale. La limite d’endettement avait été suspendue jusqu’au 1 mars 2019. Actuellement, le gouvernement fonctionne sous une autre règle, nommée «Gephardt» qui implique que toute action budgétaire est accompagnée par une action correspondante concernant la dette.

En Suisse, le frein à l’endettement a peut-être été trop efficace. Entériné dans la Constitution (article 126) depuis 2003, avec un taux d’approbation de la population de 85% en 2001, la règle bénéficie d’une légitimité exemplaire. Son principe: les dépenses ne doivent pas dépasser les recettes sur un cycle économique complet. La formule autorise un déficit en période de récession, compensé par des surplus en période d’expansion. Une majorité qualifiée au parlement peut toutefois voter une exception à la règle dans des situations exceptionnelles. La couverture de la règle fiscale suisse ne s’étend pas aux dépenses sociales tels que les retraites et le chômage. Ainsi, la règle ne stimule pas directement la maîtrise de l’évolution de ce type de dépenses qui ont augmenté de 5,3 milliards de francs suisses en 2005 à 8 milliards de francs suisses en 2015. 

Il serait judicieux d’intégrer le niveau des taux d’intérêts
dans le calcul de la dette autorisée.

Depuis son application, le frein à l’endettement génère des excédents et semblerait ainsi occasionner des surplus structurels plutôt que cycliques. Ce phénomène tend à alimenter le débat sur son fonctionnement. Le Département fédéral des finances devrait émettre un rapport sur le sujet d’ici la fin du mois de mars. Une solution serait de diminuer l’imposition en Suisse, mesure que le pays pourrait clairement s’offrir, contrairement aux Etats-Unis. Par ailleurs, le champ d’application devrait être étendu à l’ensemble du budget fédéral. Finalement, il nous semblerait judicieux d’intégrer le niveau des taux d’intérêts dans le calcul de la dette autorisée. Il est en effet dommage de passer à côté des recettes budgétaires que la courbe des taux actuelle offre, affichant des taux négatifs à l’horizon de 15 ans. 

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