Les gérants de fortune suisses indépendants favorisent les actions américaines

Yves Hulmann

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Selon le baromètre VSV Investment Pulse, les valeurs américaines sont les titres les plus surpondérés par les GFI en 2024, avant même les actions helvétiques.

Basée sur les réponses fournies par 161 gérants de fortune suisses indépendants, l’enquête VSV Investment Pulse, réalisée pour la troisième année consécutive, livre des indications parfois constantes d’une année à l’autre, parfois marquées par d’importants changements. L’enquête, réalisée en collaboration avec l’Association suisse des gérants de fortune VSV-ASG, la Haute Ecole de Lucerne (Lucerne University of Applied Science and Arts) ainsi qu’avec Vanguard en qualité de sponsor et partenaire, montre que les préférences des gérants de fortune indépendants en matière d’allocation d’actifs peuvent varier considérablement d’une année à l’autre. Ainsi, alors que les actions suisses étaient la seule classe d’actifs surpondérée par les gérants en 2023, elles le sont toujours cette année mais un peu moins que les valeurs américaines.

«Dans l’enquête 2024, seules quatre classes d’actifs sont surpondérées: les actions américaines et suisses ainsi que les obligations d’entreprises américaines et européennes.»

Il s’agit d’un changement important si l’on considère que les actions américaines étaient encore fortement sous-pondérées en 2023, plus encore que les actions européennes. En tout, parmi treize classes d’actifs analysées par l’étude, seules quatre classes d’actifs sont surpondérées selon l’enquête de 2024: à savoir, les actions américaines et suisses ainsi que les obligations d’entreprises américaines et européennes. D’une année à l’autre, le changement positif le plus marqué concerne les actions américaines, relèvent les auteurs de l’étude. Même si l’enquête ne précise pas de quelles actions américaines il s’agit, on peut raisonnablement supposer que les titres appelés les «7 magnifiques» ont joué un rôle dans l’essor des actions américaines dans l’étude de cette année, a commenté Manfred Stüttgen, professeur de banque et finance auprès de la Lucerne University of Applied Sciences. Dans le sens inverse, les actions émergentes ont été encore légèrement davantage sous-pondérées cette année qu’elles ne l’étaient déjà en 2023.

L’investissement direct reste privilégié pour les actions suisses ainsi que pour les obligations d’Etat et d’entreprise helvétiques

Mieux investir soi-même dans ce que l’on connaît le mieux. Tel pourrait être la devise appliquée par les gérants de fortune suisses indépendants lorsqu’on leur demande comment ils mettent en œuvre leur allocation d’actifs dans différents marchés. En 2024, il ressort que les gérants de fortune indépendants investissent directement dans les actions suisses ainsi que dans les obligations d’Etat et d’entreprise européennes. C’est le cas aussi, bien que de façon un peu moins marquée, pour les emprunts d’Etat européennes et américaines ainsi que pour les obligations d’entreprise de ces deux régions. En revanche, les gérants indépendants préfèrent recourir à des fonds ou des ETF lorsqu’il s’agit d’investir dans des actions de pays émergents ou issues de la région Asie-Pacifique (y compris Japon), tout comme pour les obligations émergentes ou à haut rendement.

La tendance à la gestion passive s’accentue pour presque toutes les classes d’actifs

S’il y a un nombre à peu près équivalent de classes d’actifs qui sont investies par le biais de stratégies actives et passives, l’étude montre qu’il y a un glissement vers les stratégies passives l’ensemble des classes d’actifs liées aux actions. En 2024, les gérants de fortune indépendants investissent le plus souvent de manière active uniquement pour les actions suisses et européennes ainsi que pour les obligations d’entreprise issues du Vieux Continent ou des Etats-Unis.

Pour effectuer des investissements passifs en actions, les gérants indépendants privilégiaient à 60% le recours à des ETF en 2024 (48% en 2023), comparé à un dixième pour les fonds indiciels et alors que 30% des sondés ont indiqué utiliser ces deux sortes d’instruments.

Inclure les critères ESG? Oui, mais à la demande des clients

La prise en compte des critères de durabilité par les gérants n’a que peu varié par rapport à l’an précédent. Ainsi, seuls 20% des gérants de fortune suisses indépendants ont répondu cette année que leurs processus d’investissement intégraient d’emblée les critères de durabilité. C’est moins qu’en 2023 (25%) et identique à l’enquête de 2022 (20%). A noter toutefois que cette proportion est un peu plus élevée chez les gérants de fortune indépendants suisses de plus grande taille, soit ceux qui gèrent plus de 200 millions de francs d’actifs sous gestion. A l’inverse, près du tiers (32%) des gérants de fortune ont indiqué ne pas inclure les critères ESG (environnement, social et de gouvernance) dans leur processus d’investissement, une proportion inchangée par rapport à 2023 et comparé à 25% en 2022. Entre ces deux pôles, le pourcentage le plus élevé des répondants, soit 48% (43% en 2023) indique n’inclure les critères ESG qu’à la demande des clients.

L’investissement direct nécessite davantage de ressources

Comment expliquer la part relativement faible des gérants de fortune indépendants qui tiennent compte d’emblée des critères ESG dans leur processus de placement? Manfred Stüttgen évoque l’aspect des coûts et des ressources disponibles chez les gérants de fortune indépendants: «Lorsque l’on investit directement dans des titres, le processus d’investissement qui intègre les critères ESG est plus fastidieux à réaliser que si l’on recourt à des fonds qui ont déjà un label en lien avec la durabilité. Si un gérant investit dans des titres individuels, il doit encore ensuite apporter la preuve qu’il s’agit de placements durables, ce qui nécessite de disposer des données nécessaires», analyse-t-il.

Roger Bootz, responsable pour la Suisse chez Vanguard, souligne aussi cet aspect: «Si l’on investit dans des titres individuels, les données relatives aux placements ESG ne sont pas automatiquement disponibles. Ce processus de documentation peut s’avérer très coûteux. Avec des fonds, le sigle ESG est déjà disponible, ce qui simplifie le travail pour le gérant.»

Oliver Maas, le responsable des activités globales pour la Suisse alémanique auprès de l’Association suisse des gérants de fortune VSV-ASG, évoque aussi l’aspect des coûts mais également la volonté des clients pour les aspects de durabilité: «Lorsque le client souhaite avoir des investissements durables, il peut les obtenir. Il s’agit ensuite de voir comment les coûts supplémentaires sont répartis entre les deux parties». 

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