Les actions profitent de la baisse des rendements obligataires

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Il y a dix jours, le S&P 500 a grimpé de 5,9%, sa meilleure performance depuis un an. On peut attribuer ce rebond au ton plus mesuré de la Fed, ainsi qu’à la détente du marché de l’emploi.

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Les emprunts d’Etat ont également rebondi. Les bons du Trésor américain à dix ans ont vu leur rendement diminuer d’environ 30 points de base (pb), les investisseurs étant devenus plus optimistes quant à la possibilité d’une baisse plus précoce et plus rapide des taux directeurs l’an prochain. Les cours des contrats à terme sur les fonds fédéraux reflètent une baisse d’environ 75 pb d’ici la fin 2024, contre 50 pb avant la dernière réunion du comité de politique monétaire de la Fed.

Même si la banque centrale américaine n’a pas exclu une poursuite du resserrement monétaire, ses responsables ont opté pour le statu quo après onze relèvements de taux depuis mars 2022. Son président, Jerome Powell, a estimé que «le risque d’en faire trop par rapport au risque d’en faire trop peu se rapproche de l’équilibre».

Le vendredi qui a suivi la réunion de la Fed, la publication des chiffres de l’emploi a montré que les créations d’emplois ont été divisées par deux en octobre par rapport au mois précédent, tandis que le salaire horaire moyen a enregistré sa plus faible progression depuis la mi-2021.

Ces chiffres ont rassuré les investisseurs qui redoutaient qu’une surchauffe du marché de l’emploi – synonyme d’inflation alimentée par des hausses de salaires excessives – n’empêche une baisse des taux directeurs pendant une bonne partie de l’année prochaine.

A quoi faut-il s’attendre?

La confiance est revenue sur les marchés à peine une semaine après que le S&P 500 a creusé ses pertes à plus de 10%, un seuil qui correspond à la définition courante d’une correction. Cette correction reflétait largement la crainte que la Fed ne maintienne des taux durablement plus élevés, favorisant ainsi une hausse des rendements obligataires qui concurrencerait les actions. Le rebond du S&P 500 il y a dix jours reflète l’amélioration du moral des investisseurs sur plusieurs fronts. Explications.

1. La réunion de la Fed du 1er novembre a alimenté l’espoir d’une fin effective du cycle de resserrement monétaire aux Etats-Unis

Le choix du statu quo en matière de taux pour le deuxième mois consécutif était attendu. Mais le ton du communiqué diffusé dans la foulée de la réunion s’est avéré plus mesuré que prévu. En particulier, les responsables de la Fed ont observé que «le durcissement des conditions financières» pèserait sur l’économie, faisant ainsi écho aux déclarations de certains d’entre eux, qui ont récemment estimé que la progression des rendements du Trésor américain pourrait atténuer la nécessité de nouvelles hausses des taux directeurs.

Le taux d’épargne, qui flirte toujours avec ses plus bas historiques, devrait augmenter à mesure que la confiance s’effrite.

Evidemment, en soulignant le durcissement des conditions financières, les responsables de la Fed risquent d’engendrer leur assouplissement à mesure que les rendements obligataires baisseront. Dans l’ensemble, l’issue de la réunion conforte dans l’idée que les taux sont proches de leur sommet et que les marchés sont allés un peu vite en besogne en anticipant un scénario de taux durablement plus élevés.

2. La trajectoire haussière des rendements a été enrayée par la décision du Trésor américain de lever le pied sur les émissions d’obligations à échéance plus lointaine

Cette décision fait suite à la plus forte hausse des rendements à dix et trente ans depuis 2007. Les adjudications d’obligations à long terme seront tout de même amenées à augmenter, mais moins que prévu, le Trésor privilégiant l’émission de titres à deux et à cinq ans. Même si ce changement ne suffira pas à enrayer la hausse des taux longs, il montre que les responsables sont désireux de prendre des mesures pour éviter une hausse trop rapide des taux pour les obligations à échéance plus lointaine.

Plus généralement, la Fed et le Trésor devraient veiller au bon fonctionnement du marché des bons du Trésor étant donné les répercussions qu’un dysfonctionnement aurait sur la stabilité financière. Alors qu’un ralentissement économique se profile en 2024, le rendement des bons du Trésor américain à dix ans devrait tomber à 3,5% d’ici juin 2024, contre 4,6% à l’heure actuelle.

3. Les indicateurs économiques américains restent contrastés, mais les investisseurs sont focalisés sur les signes de ralentissement

L’indice manufacturier ISM (Institute for Supply Management) pour le mois d’octobre est tombé à 46,7, au plus bas depuis juillet après trois mois de redressement de l’activité. Les récents chiffres de l’emploi aux Etats-Unis ont mis en évidence la plus forte hausse de la productivité depuis trois ans, éloignant ainsi le spectre d’une spirale prix-salaires. En outre, les demandes d’allocations chômage augmentent depuis six semaines d’affilée, ce qui suggère que les Américains qui perdent leur emploi ont plus de mal à en trouver un autre.

Certes, de nombreux indicateurs économiques résistent encore. Néanmoins, la croissance devrait ralentir dans les mois à venir à mesure que l’impact des relèvements passés de taux directeurs pèsera plus lourdement sur les marchés sensibles aux taux d’intérêt comme l’immobilier et l’automobile.

Les ménages doivent faire face à la suppression des allocations pour garde d’enfants, à la restriction du nombre de bénéficiaires du régime d’assurance-maladie Medicaid et à la fin du moratoire sur les remboursements de prêts étudiants Par ailleurs, le taux d’épargne, qui flirte toujours avec ses plus bas historiques, devrait augmenter à mesure que la confiance s’effrite.

Les résultats publiés récemment par les entreprises technologiques ont confirmé la bonne tenue des dépenses d’infrastructures de l’IA.

4. La récente baisse des rendements devrait soutenir les actions en général et, en particulier, celles à duration longue comme les valeurs de croissance

Cela devrait notamment être le cas des principales valeurs technologiques et de croissance américaines – les «sept magnifiques» – qui sont les fers de lance du rebond des actions en 2023. Dernièrement, cette poignée de titres s’est retrouvée sous pression après la publication de résultats mitigés pour le troisième trimestre, qui a douché l’optimisme quant à leur dynamique bénéficiaire.

Malgré des chiffres globalement bons, les résultats et les objectifs du constructeur automobile Tesla et du géant de l’internet Alphabet se sont révélés décevants. Toutefois, une baisse des rendements obligataires atténuerait la pression sur les valeurs à duration longue, dont la valorisation est plus sensible au taux d’actualisation des bénéfices futurs.

5. La valorisation des actions commence à devenir plus attrayante du fait de la correction essuyée

Il y a dix jours, le S&P 500 était valorisé à hauteur de 17 fois les bénéfices prévus dans douze mois. Abstraction faite des «sept magnifiques», ce ratio était plus proche de 15. Ces multiples semblent assez raisonnables au regard de l’atterrissage en douceur de l’économie que le scénario de référence de la Recherche d’UBS envisage.

Il est encore trop tôt pour savoir si la récente amélioration des conditions est durable. Néanmoins, on peut tabler sur une performance positive pour les actions sur un horizon de six à douze mois grâce à un atterrissage en douceur de l’économie américaine, d’autant que le bénéfice par action des entreprises de l’indice S&P 500 devrait augmenter de 9% en 2024.

Comment investir?

Dans un contexte de ralentissement de l’inflation et de la croissance, ainsi que de stabilisation des taux directeurs aux Etats-Unis, la Recherche d’UBS affiche toujours une préférence pour les obligations de qualité, étant donné le niveau de rendement global actuel et la probable appréciation du capital. On privilégiera les obligations high grade (emprunts d’Etat) et investment grade, et une position neutre à l’égard des obligations à haut rendement et des obligations des marchés émergents.

L’avis de la Recherche d’UBS est neutre sur les actions mondiales. Même si on décèle un potentiel de hausse sur l’horizon de prévision (par exemple, aux Etats- Unis, le S&P 500 devrait atteindre 4500 points d’ici juin 2024 et 4700 points d’ici décembre 2024), les marchés devraient faire du surplace dans l’immédiat, avec des fluctuations marquées compte tenu de l’incertitude quant à l’évolution de la politique monétaire. On recommandera de privilégier les pans de marché restés à la traîne pendant le rebond cette année, comme les actions émergentes.

S’intéresser à l’intelligence artificielle

Compte tenu de la pression vendeuse qui s’exerce dernièrement sur le secteur technologique, les investisseurs qui envisagent d’accroître leur exposition devraient s’intéresser aux bénéficiaires de l’intelligence artificielle (IA) qui ont été malmenés, par exemple les valeurs internationales du secteur des semi-conducteurs.

Les résultats publiés récemment par les entreprises technologiques ont confirmé la bonne tenue des dépenses d’infrastructures de l’IA et confortent la prévision de la Recherche d’UBS d’un vif rebond des chiffres d’affaires l’an prochain. Alors que la demande d’IA fait tache d’huile, on appréciera toujours les segments de milieu de cycle comme les logiciels et Internet.

Les nouveaux outils de productivité plus performants fondés sur l’IA, tels que les co-pilotes ou les outils de conception générative, devraient stimuler l’adoption de cette technologie dans les trimestres à venir et feront grimper le chiffre d’affaires direct de l’IA.

Dans l’ensemble, l’environnement actuel devrait permettre aux investisseurs de commencer à faire fructifier leur argent dans un portefeuille équilibré composé d’actions, d’obligations et d’investissements alternatifs qui, en plus des belles perspectives de rendement pour ces différentes classes d’actifs, présente des avantages du point de vue de la diversification.

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