Agitation des marchés après la publication des chiffres de l’emploi aux USA

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Ces données ont accentué l’incertitude quant à un nouveau tour de vis de la Réserve fédérale américaine (Fed). Décryptage.

© Keystone

Après la récente publication, il y a une dizaine de jours, des chiffres de l’emploi aux Etats-Unis, les marchés d’actions et d’obligations ont été volatils. En effet, ces données ont accentué l’incertitude quant à un nouveau tour de vis de la Réserve fédérale américaine (Fed). Décryptage.

Dans un premier temps, les actions américaines ont cédé pas moins de 0,9% après l’annonce de 336'000 créations d’emplois salariés en septembre, le chiffre le plus élevé depuis le début de l’année, quasiment deux fois supérieur à la prévision du consensus des économistes.

Ce chiffre a accentué la crainte que les taux directeurs restent durablement élevés, voire que la Fed les relève encore d’ici la fin 2023. Les rendements du Trésor américain à dix ans et à trente ans ont ainsi atteint en cours de séance leur plus haut niveau depuis seize ans, à 4,88% et 5,05%, respectivement.

Le redressement des marchés

Les marchés d’actions et d’obligations se sont ressaisis par la suite. Le S&P 500 a terminé la séance du vendredi 6 octobre en hausse de 1,2%, avec à la clé une progression de 0,5% sur l’ensemble de la semaine en question qui lui a permis de rompre avec une série de quatre semaines dans le rouge. Les raisons de ce redressement ne sont pas tout à fait claires.

Au-delà des nombreuses créations d’emplois en septembre, la progression annuelle du salaire horaire moyen de 4,2% est la plus lente depuis juin 2021, ce qui entretient l’espoir d’une décrue de la pression inflationniste liée aux augmentations de salaires. Les investisseurs ont également été rassurés par l’annonce d’un accord entre les constructeurs automobiles américains et le syndicat United Auto Workers, qui devrait éviter de nouvelles grèves.

Le rebond des actions a permis d’enrayer la baisse de près de 8% du S&P 500 depuis son point culminant de la fin juillet. Le marché des bons du Trésor s’est également stabilisé: après avoir grimpé de 16 points de base (pb) en cours de séance, le rendement à dix ans a clôturé à 4,78%, soit une hausse de seulement 6 pb. Il a tout de même augmenté de 17 pb sur l’ensemble de la semaine visée et d’environ 67 pb depuis le début du mois de septembre.

Après plusieurs mois de données suggérant une détente graduelle, le dernier chiffre des créations d’emplois salariés suggère de nouveau une demande de main d’œuvre excessive.
Regain des tensions géopolitiques

Déjà mis à mal par les fluctuations de taux importantes, les marchés financiers internationaux sont maintenant confrontés au regain de tensions géopolitiques avec l’attaque surprise du Hamas . Israël effectue depuis des frappes aériennes en guise de représailles.

Dans les jours à venir, on pourrait avoir une idée plus précise de la durée de ce conflit mais, dans l’immédiat, on prévoit une hausse des cours du pétrole et de l’or, ainsi qu’un afflux de capitaux vers les valeurs refuge traditionnelles comme le yen. Les répercussions sur le dollar et sur les rendements du Trésor américain sont plus complexes : une escalade du conflit risque de nuire à la conjoncture macroéconomique, mais aussi d’alimenter l’inflation en cas de perturbation de l’approvisionnement en pétrole issu de la région.

Des chiffres de l’inflation encourageants

Dernièrement, dans un contexte d’incertitude persistante quant à la politique de la Fed, il avait été conseillé aux investisseurs de se préparer à des fluctuations et à des turbulences sur les marchés. Les récentes statistiques économiques mitigées confortent cet avis, même si la probabilité d’une nouvelle hausse des taux de la Fed en décembre s’est récemment amenuisée.

D’une part, les chiffres de l’inflation aux Etats-Unis publiés dernièrement sont rassurants pour les banquiers centraux. Le baromètre de l’inflation préféré de la Fed – l’indice des dépenses de consommation personnelles hors alimentation et énergie – est ressorti en hausse de seulement 0,1% en août en glissement mensuel (sa plus faible progression mensuelle depuis 2020).

Mais des chiffres de l’emploi qui le sont moins

En revanche, les tout derniers indicateurs du marché du travail sont moins réjouissants. Après plusieurs mois de données suggérant une détente graduelle, le dernier chiffre des créations d’emplois salariés suggère de nouveau une demande de main d’œuvre excessive.

En plus des 336'000 créations d’emplois recensées en septembre, les chiffres des deux mois précédents ont été revus à la hausse, de 119'000 au total. La moyenne mobile sur trois mois des créations d’emplois a ainsi grimpé à 266'000, contre 150'000 après le rapport sur l’emploi du mois d’août, enrayant ainsi une tendance à la baisse.

Même si on peut avoir quelques doutes quant à la fiabilité des chiffres du rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) sur les postes vacants, sa dernière édition est également cohérente avec un marché de l’emploi tendu : le nombre d’offres d’emploi a grimpé de 690'000 pour atteindre 9,61 millions en août.

De meilleures perspectives pour les actions

Néanmoins, les perspectives pour les actions devraient finir par s’améliorer. La saison de publication des résultats du troisième trimestre devrait mettre en évidence une amorce de redressement des bénéfices. On observe également un reflux des rendements obligataires, dont la récente hausse avait miné le moral des investisseurs en actions.

La forte hausse des rendements du Trésor américain est certainement en grande partie imputable à des facteurs techniques qui se dissiperont. En particulier, avec le passage de l’assouplissement quantitatif au resserrement quantitatif, la Fed (qui était un acheteur de poids) s’est retirée du marché, tandis que les émissions ont augmenté pour financer le déficit budgétaire grandissant.

Toutefois, si cette tendance à la hausse des rendements perdure, la Fed interviendra sans doute pour préserver la stabilité financière en assurant le bon fonctionnement du marché des bons du Trésor. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que les fondamentaux économiques se concrétisent.

Que l’atterrissage de l’économie se fasse en douceur ou dans la douleur, l’activité économique aux Etats-Unis et dans le reste du monde devrait ralentir et l’inflation s’atténuer l’an prochain, ce qui est de nature à stimuler la demande d’obligations de qualité.

Comment investir?

Dans ce contexte incertain, la Recherche d’UBS reste neutre à l’égard des actions mondiales et préfère accentuer l’exposition aux pans du marché restés à la traîne depuis le début de l’année 2023, notamment la version équipondérée de l’indice S&P 500, les valeurs décotées et les actions émergentes.

Les obligations présentent probablement un meilleur profil risque/rendement, notamment celles de grande qualité qui arrivent à échéance dans cinq à dix ans. On entrevoit une poursuite de la décrue de l’inflation et un ralentissement de la croissance mondiale.

La Recherche d’UBS envisage un rendement de 3,5% d’ici douze mois pour les bons du Trésor américain à dix ans dans son scénario de référence, de 4% dans son scénario optimiste et de 2,75% dans son scénario pessimiste (marqué, entre autres, par une récession aux Etats- Unis). Elle reste optimiste à l’égard du pétrole brut qui devrait osciller dans une fourchette de 90 à 100 dollars le baril dans l’immédiat, puis se stabiliser à près de 95 dollars vers la fin de l’année.

Renforcer son portefeuille

Le moment se prête bien à un renforcement des portefeuilles équilibrés et diversifiés. Malgré les risques qui pèsent à court terme sur les marchés d’actions, le scénario de référence envisage un rendement non négligeable pour toutes les classes d’actifs (liquidités, obligations, actions et actifs alternatifs) sur un horizon de six à douze mois, ainsi qu’à plus long terme.

Les investisseurs auraient ainsi l’occasion de profiter des opportunités attrayantes qui se présentent dans toutes les classes d’actifs, de se positionner pour bénéficier de rendements durables dans les années à venir et d’atténuer l’effet des risques potentiels.

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