Les énergies renouvelables font preuve de résilience

Céline Tercier, Natixis Investment Managers

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Les énergies renouvelables sont enfin considérées comme des atouts essentiels par les décideurs et les investisseurs.

L’importance récente des énergies renouvelables dans le mix énergétique est révélatrice du fait qu’elles sont devenues essentielles au fonctionnement des économies. Les décideurs politiques aussi bien que les investisseurs en sont conscients. Ainsi, malgré les effets de la pandémie, il est peu probable que les investissements dans les énergies renouvelables et les performances qu’elles génèrent ne soient remis en cause. Au contraire, les arguments en leur faveur ont été renforcés. De nombreux investisseurs entrevoient les opportunités qui s’offrent à eux. Etant donné que l’énergie et les transports sont les principaux responsables des émissions de CO2 (69% des émissions totales provenant de l’utilisation de combustibles fossiles), il est probable que les énergies renouvelables, la mobilité verte et les bâtiments dotés d’une meilleure efficacité énergétique offriront des opportunités considérables aux investisseurs. En allouant des proportions croissantes de leurs portefeuilles aux infrastructures renouvelables, les investisseurs exigent la preuve d’un processus ESG irréprochable et, de plus en plus, l’accès à des actifs qui correspondent à leurs attentes en matière de risque et de rendement.

Cette crise est profondément différente des précédentes en raison des mesures de confinement que presque toutes les économies du monde se sont infligées, ce qui a fortement limité l’activité économique. Cela signifie que seules les infrastructures réellement essentielles à la vie quotidienne pourront surperformer. On peut faire valoir que les énergies renouvelables entrent tout à fait dans la catégorie des énergies «essentielles» et qu’elles se révèleront extrêmement résilientes dans cette crise inhabituelle et imprévisible.

Le nombre d’opérations sur le marché primaire des infrastructures a diminué
d’environ 30% en volume au cours des trois premiers trimestres de 2020.

Les infrastructures n’ont pas été épargnées par les conséquences des mesures de confinement que de nombreux pays à travers le monde se sont imposées pour lutter contre la pandémie. Ces mesures ont trois conséquences principales sur les infrastructures. Premièrement, le nombre d’opérations sur le marché primaire des infrastructures a diminué d’environ 30% en volume au cours des trois premiers trimestres de 2020, par rapport à la même période en 2019.

Le volume de la dette infrastructure a également diminué, mais dans une moindre mesure (environ 7%). Sans plusieurs opérations d’infrastructures de grande envergure finalisées au deuxième trimestre, la baisse en volume aurait été plus significative. Cette baisse a été observée principalement en Asie et en Europe au premier trimestre 2020 et a touché l’Amérique du Nord au deuxième trimestre. Toutes les régions ont enregistré un recul du nombre d’opérations et du volume de dette au troisième trimestre, d’environ 34%. La deuxième conséquence a été un écartement des spreads, en particulier sur les opérations dont l’actif d’infrastructure sous-jacent repose sur le volume du trafic. Troisièmement, le secteur a pâti d’une vague de dégradation des notations. Selon l’agence de notation Fitch, le nombre de dégradations affectant les infrastructures au cours du premier semestre 2020 a plus que triplé par rapport à l’ensemble de l’année 2019. La plupart des dégradations ont concerné le secteur des transports. La bonne nouvelle, c’est qu’aucun défaut de paiement n’a été enregistré à ce jour.

Le secteur des énergies renouvelables tente de s’imposer

Les mesures de confinement ont eu un impact sur les infrastructures liées aux énergies renouvelables. Comme dans d’autres sous-secteurs des infrastructures, des retards de construction sont à déplorer. Selon l’association WindEurope, qui promeut l’énergie éolienne, des retards dans la construction de nouvelles centrales d’énergie renouvelable sont à prévoir en raison de la sous-capacité des usines et des ateliers. Mais il y a des raisons de croire que les infrastructures liées aux énergies renouvelables émergeront de la période de pandémie en position de force. Les opérations existantes sur les énergies renouvelables assorties de prix fixes garantis ne devraient pas être affectées par la crise, car elles font partie des priorités sur le réseau et bénéficient d’un prix fixe ou d’un contrat d’achat. Ces opérations devraient être épargnées tant que le fournisseur reçoit la différence entre le prix du marché et le taux fixé. Les quelques opérations existantes non subventionnées, mais assorties d’un contrat d’achat d’électricité, ne devraient pas être touchées tant que les entreprises sont capables de respecter ces contrats. 

Le Green Deal européen, dont l’objectif est la neutralité carbone
en Europe d’ici 2050, sera renforcé par cette crise.

En outre, il est probable que les gouvernements et les collectivités locales continuent à soutenir fortement le secteur. Nombre d’entre eux, y compris l’Union européenne, conservent des objectifs ambitieux. Le Green Deal européen, dont l’objectif est la neutralité carbone en Europe d’ici 2050, sera renforcé par cette crise. Il existe une pression de plus en plus forte pour améliorer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, l’indépendance énergétique et l’interconnectivité européenne. En attendant, le gouvernement allemand a pris des mesures pour s’assurer que son mix énergétique soit composé à 65% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Pendant le ralentissement dû à la COVID-19, la part des énergies renouvelables en Allemagne a atteint 60%, soit une augmentation de 12% par rapport à l’année dernière (pour la période du 10 mars au 10 avril 2020). Selon les chiffres de Wärtsilä, la production de charbon a chuté de 44% au cours de la même période.

De nombreux autres pays ont annoncé ou renforcé les mesures en faveur de l’environnement durant les périodes de confinement, notamment la Chine, qui a inclus des incitations écologiques dans ses récents plans de relance. 

La dette du secteur des infrastructures est un investissement plus sûr

Les investissements dans les infrastructures sont plus résilients lorsqu’il s’agit de titres de dette, qui sont moins corrélés à l’activité économique que les investissements en actions. Si le titre de dette utilisé appartient au segment de la dette senior garantie, le niveau de protection est optimal; les investisseurs dans les prêts senior garantis sont les premiers dédommagés si quelque chose tourne mal. Et avec un financement de projet purement axé sur les infrastructures, tant que les clauses restrictives et les accords ont été correctement structurés, les protections sont beaucoup plus solides que pour les obligations d’entreprises. Les taux de défaut du segment de la dette d’infrastructures sont extrêmement bas, n’atteignant en moyenne que 0,56% par an depuis 2005 et ne souffrant pas de hausses brutales en cas de crise.

Le ralentissement économique a renforcé la réputation des énergies renouvelables

Il est intéressant de noter que le ralentissement de l’activité économique et la réduction de la demande d’énergie qui s’en est suivie, pourraient avoir un effet spectaculaire et positif sur la réputation du secteur des énergies renouvelables. L’Agence internationale de l’énergie s’attend à ce que la crise de la COVID-19 soit à l’origine de la plus forte baisse de la consommation d’électricité depuis la grande dépression. Les prix de l’électricité sont passés d’environ 40 euros/MWh avant le confinement, à moins de 20 euros/MWh en mars et à seulement 10 euros/MWh en avril. Pendant la période de ralentissement de l’activité, la part d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables en Europe a augmenté de façon spectaculaire, l’offre étant parfois supérieure à la demande. 

La production d’électricité à partir du charbon a été temporairement interrompue dans des pays comme l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni. Le groupe technologique Wärtsilä estime que la part des énergies renouvelables a atteint 43% en Europe, soit une augmentation de 7% par rapport à 2019. En d’autres termes, le réseau européen a démontré sa capacité à fonctionner avec une part élevée d’énergies renouvelables. Cela a redoré l’image des énergies renouvelables auprès des investisseurs et des décideurs politiques, et devrait donner un élan aux nouveaux investissements visant à renforcer le réseau européen dans tout futur environnement marqué par une forte demande.

Les investisseurs veulent être rassurés quant à la qualité du label ESG

Les futurs investissements dans le secteur des énergies renouvelables dépendent en partie de la confiance des investisseurs dans le caractère durable des projets. En particulier, plusieurs d’entre eux exigent aujourd’hui une solide accréditation ESG avant d’investir dans des actifs d’infrastructures.

Au rythme de souscription actuel, le volume d’actifs géré
sous ces labels devrait plus que tripler chaque année.

En Europe, les labels ESG comprennent les labels ISR et Greenfin en France, Towards Sustainability en Belgique, LuxFlag au Luxembourg, Nordic Swan Ecolabel dans les pays nordiques, Umweltzeichen en Autriche, et FNG-Siegel en Allemagne et en Suisse. Ces sept labels représentent à eux seuls plus de 300 milliards d’euros d’actifs sous gestion (en mars 2020). Au rythme de souscription actuel, le volume d’actifs géré sous ces labels devrait plus que tripler chaque année. 

Les investisseurs ont désormais le choix

Une autre demande essentielle, et croissante, de la part des investisseurs concerne les investissements en infrastructures sur mesure. A mesure que le secteur des énergies renouvelables se développe et que la classe d’actifs s’étoffe et se diversifie, les investisseurs recherchent des actifs qui répondent à leurs besoins spécifiques. Les besoins varient en fonction du type d’investisseur, de la région géographique ou des exigences ESG particulières. La profondeur de la classe d’actifs nous permet d’offrir un éventail d’opportunités aux investisseurs. Il s’agit d’adapter les portefeuilles en fonction de critères comme la duration, le secteur d’activité, la devise, la couverture et la notation (IG/Non IG), le degré de subordination (senior/mezzanine) ou le type de taux (flottant ou fixe). Parfois, un besoin spécifique exprimé par l’investisseur peut même être négocié avec l’émetteur. Les investisseurs en Asie, par exemple, recherchent parfois des durations plus courtes. Ainsi, la maturité des émissions liées aux énergies renouvelables peut atteindre ou dépasser 20 ans, mais il est possible de réduire la duration du portefeuille à environ cinq ans, en fonction des actifs et des émetteurs.

Les projets à duration courte peuvent inclure des opérations de type brownfield: refinancement ou acquisition (impliquant un changement de fonds) ou mezzanine. De même, les compagnies d’assurance-vie ont des engagements à plus long terme qui doivent être appariés, et les titres de dette à duration plus longue peuvent leur convenir davantage. Les projets à duration plus longue concernent notamment les partenariats public-privé (PPP), qui impliquent généralement une entité publique chargée de la construction et de l’exploitation d’infrastructures essentielles et de grande envergure.

La durée peut atteindre ou dépasser 25 ans pour les actifs des PPP. Certains investisseurs cherchent à exclure certains secteurs de leur portefeuille, le plus souvent le pétrole et le gaz Ou ils souhaitent exclure des secteurs qu’ils considèrent comme cycliques, comme ceux qui comportent un risque lié à la fréquentation. D’autres encore recherchent des projets assortis d’une notation minimale, leur seuil pouvant être la catégorie Investment grade. Ou bien ils souhaitent prendre davantage de risques dans des secteurs qui leur inspirent confiance et ne recherchent que des émissions de dette senior à haut rendement, voire même les tranches mezzanine.

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