Lagarde entre l’Italie et la Hollande

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

2 minutes de lecture

Le sommet européen du 23 avril prochain s’annonce crucial. Les talents de diplomate de la présidente de la BCE joueront un rôle utile. Les marchés scruteront les déclarations de très près.

Quel baptême du feu! Christine Lagarde, quelques mois après avoir succédé au «mythe» Mario Draghi, le sauveur de l’euro, a été confrontée à une crise économique majeure … et à des tensions très fortes entre pays du Nord et du Sud de la zone euro.

Après quelques balbutiements initiaux– oui, la BCE est effectivement bien là pour réduire les spreads entre les pays membres de la zone euro, et donc garantir son intégrité! – le résultat a été à la hauteur de l’enjeu avec un programme exceptionnel et, dans les faits, illimité, de rachats de titres obligataires et, surtout la suspension des limites d’achat par pays, ce qui permet de rassurer l’Italie, l’Espagne, et même la France.

La BCE s’est donc montrée à la hauteur des enjeux. Grâce à la détermination de Christine Lagarde, les voix potentiellement dissonantes – celles de l’allemand Jens Weidman évidemment mais surtout celle du néerlandais Klaas Knot – ont été silencieuses…y compris lorsque le communiqué de la réunion du 19 mars a précisé que le directoire de l’institution - où ne figurent ni l’allemand ni le néerlandais – était en seul en charge de la mise en œuvre concrète de ce plan!

Et la BCE montre l’exemple à l’Union européenne. Là aussi, le fossé est profond entre les gardiens de l’orthodoxie fiscale, menés par le très calviniste ministre des finances néerlandais Wopke Hoeskstra et ceux en faveur de mesures budgétaires exceptionnelles, au premier rang desquels l’Italie de Giuseppe Conte, en première ligne sur le front du COVID-19.

Les premiers ont accepté lors de l’Eurogroup du 9 avril – après 3 jours d’interruption! - d’activer le Mécanisme Européen de Stabilité mais sous conditions qu’il soutienne «directement ou indirectement» des mesures de lutte contre l’épidémie. Les seconds ne s’en contentent pas et veulent un fonds d’aide économique mutualisé. Loin des «bonnes ambiguïtés» pourtant saluées par Bruno Lemaire!
La difficulté majeure est que l
a ligne de fracture entre les deux camps semble, à ce stade, plus idéologique, voire éthique, que purement économique. Les rigoristes, qui rassemblent dans une nouvelle ligue Hanséatique – tels qu’ils se sont eux-mêmes nommés en février 2018 – les Pays Bas, l’Irlande, le Danemark, la Suède, la Finlande et les pays Baltes, considèrent que les comportements vertueux doivent être récompensés et les dilettantes punis, même face à un fléau épidémique mondial. Après tout, à quoi servirait la parcimonie et la frugalité, si ce n’est pour passer les périodes difficiles?

Face à ces tenants de la ligne dure, les pays du Sud considèrent que le prix du sang payé à l’épidémie leur donne droit à la solidarité des autres membres de l’Union, moins affectés dans leur chair. A défaut, Matteo Salvini, le leader populiste toujours très présent sur la scène politique italienne, est clair «il faudra dire au revoir à l’UE, et sans un merci».

Le sommet européen du 23 avril prochain s’annonce donc crucial. Christine Lagarde y participera. Ses talents de diplomate joueront un rôle utile. Le couple franco-allemand sera aussi à la manœuvre. Après leur belle remontée, les marchés seront très attentifs aux résultats de cette rencontre.

Une issue positive permettrait de se projeter au-delà de la calamiteuse année 2020 et d’espérer une forte reprise des bénéfices des entreprises en 2021.

A lire aussi...