La gestion de fortune, ça s'enseigne?

Michel Girardin, Université de Genève

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En 2006, les banquiers rigolaient. Et puis, il y a eu la crise de 2008 et... la disparition du secret bancaire.

Je me souviens encore du malaise que j’avais ressenti lors d’un dîner avec d’anciens collègues banquiers, après que mon patron de l'époque m'eut lancé dans un éclat de rire retentissant : «Vous donnez un cours à l'Université de Lausanne, intitulé "La banque privée en pratique" ? Mais ... vous enseignez quoi au juste?». Nous étions en 2006, les marchés étaient euphoriques, tout comme les banquiers autour de la table, qui attendaient ma réponse d’un air goguenard.

Piqué au vif, je me suis lancé dans une interminable énumération de techniques de gestion, avec maints recours au jargon des experts : benchmark agnostic, portable alpha, core-satellite... Peine perdue, mes collègues rigolaient de plus belle. Pour eux, la gestion de fortune se résumait à une simple et unique équation: identifier les besoins de leurs clients et ... les transmettre aux spécialistes de la banque lorsque les dits besoins étaient un peu trop techniques. Le gérant de fortune devenait une sorte de médecin de premier recours qui, pour soigner ses patients - enfin ses clients - distribuait à tout va des bons de délégation aux spécialistes.

C'est alors que l'épouse de l'un de mes ex-collègues avait volé à mon secours : «Je suis d'accord pour le rôle du médecin de premier recours, avait-elle lancé, ... mais seulement si vous êtes des chasseurs! Certainement pas si vous appartenez à la catégorie des fermiers !». Chasseurs ou fermiers, il faut choisir! Et là, on touche du doigt la différence fondamentale entre gérant clientèle et gérant «gérant». Le premier ne devrait pas avoir besoin d'un bureau à la banque, tellement il écume les cocktails, vernissages et autres soirées VIP afin d’aller y courtiser les prospects qu'il transmettra aux fermiers, une fois les dits-prospects transformés en clients. Les fermiers, eux, passent l'essentiel de leur temps à scruter leurs écrans pour y dénicher des perles en matière d'investissement. C'est à ces derniers que mes cours en finance étaient utiles.

Puis, il y a eu la crise de 2008 et... la disparition du secret bancaire. Dans les banques, ça rigolait moins. 

Récemment, un ami journaliste prenant connaissance de ce même cours que je donne aujourd'hui à l'Université de Genève, me demande un brin malicieux : «Comment? Tu as encore des étudiants pour ton cours sur la banque privée»? 

Il a relevé mon sens de l'humour lorsque je lui ai dit que oui, le nombre d'étudiants suivait une belle courbe ascendante pour culminer à près de ... 250'000 ! Une blague?  Pas du tout! C'est la magie des «Massive Open Online Courses» ou MOOCs, divulgués par le biais de vidéos que l'on peut consulter sur son téléphone partout dans le monde. Dans ce concept, le nombre d'étudiants - ou plus exactement «d'apprenants» - n'a qu'une limite: celle du ciel, pour reprendre une expression anglo-saxonne.

Et pour ce qui est du format plus classique des cours en présentiel, je vous rassure: au gré des crises financières, l'intérêt pour la finance ne cesse d’augmenter. Surtout si ces cours permettent de comprendre la différence qui existe entre la performance d'un actif financier et sa cherté. Savez-vous par exemple que le cours d'une action ou d'un indice boursier peut être plus cher après avoir perdu 40% de sa valeur? Comment cela est-il possible? La réponse se trouve dans les MOOCs mais ... bon prince, je vous la livre: il suffit que les bénéfices de l'entreprise en question - ou de ceux des entreprises qui forment l'indice - s'écroulent de plus de 40% pour que ce paradoxe se réalise. Je pense que ce genre de vérité étonnante devrait aussi intéresser les chasseurs.

Note de la rédaction: Egalement directeur de cours au Swiss Finance Institute, Michel Girardin vient de lancer une nouvelle formation en finance: la Maîtrise des marchés financiers. Avec un diplôme du prestigieux Swiss Finance Institute à la clé, on y découvre l’essentiel de la finance des marchés en 4 mois à raison de 3 heures de travail par semaine, avec des vidéos que l’on peut regarder à sa guise sur son téléphone. Détails et inscriptions: www.sfi.ch/mmf

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