La dissolution en France à replacer sous la perspective d'un investisseur anglo-saxon

Vitalépargne

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La décision du président Macron de dissoudre l’Assemblée nationale a offert une opportunité aux gestionnaires anglo-saxons de mettre en place des stratégies macroéconomiques classiques.

Mécanisme d’appréciation des risques

Il est primordial de rappeler que la France, sur le plan économique, fait partie intégrante de la zone euro, avec ses règles et contraintes, et est globalement influencée par le système financier anglo-saxon, principalement américain, en matière de marchés financiers (dette et actions).

Par conséquent, il convient de se placer dans la perspective d'un investisseur anglo-saxon, car ce dernier influe sur les tendances et gère une grande partie des actifs. A titre de rappel, 50% de la dette publique française est détenue par des investisseurs étrangers et plus de 75% des actions du CAC 40 sont également possédées par des non-résidents. Quatre principaux facteurs de risque sont actuellement analysés par ces investisseurs.
Incertitude politique française

L’incertitude politique est le premier facteur ayant contribué à la baisse des marchés. La situation est passée d'une stabilité à une instabilité marquée par un manque de visibilité sur la gouvernance. Le risque majeur, à savoir la démission d’Emmanuel Macron, semble avoir été écarté à la suite des résultats des législatives. Ce scénario était redouté par les investisseurs anglo-saxons car il aurait provoqué une crise de régime plutôt qu’une simple crise électorale.

Le système électoral français, avec ses élections législatives à deux tours, rend les prévisions complexes et les sondages potentiellement moins fiables. Actuellement, trois groupes majeurs se distinguent (RN 31%, FP 25 % et Renaissance 19%) qui devront trouver un modus operandi pour gouverner ou non-gouverner ensemble. Le système présidentiel français, bien conçu et complexe, peut aboutir à des situations inattendues malgré un message clair envoyé par la population au pouvoir en place.

Crédibilité budgétaire

Les investisseurs anglo-saxons ont une aversion prononcée pour les partis anticapitalistes, inexistants ou interdits dans certains pays comme les États-Unis. Tant que ces partis n’ont aucune chance de gouverner de manière absolue ou même relative en France, les investisseurs ne sont pas dissuadés d'y investir. La France est d’ailleurs le premier récipiendaire en Europe d’investissements étrangers dans l’industrie et les services. Cependant, les investisseurs, même si les agences de notation ne mettent pas suffisamment de pression, le feront sur la crédibilité budgétaire. L’Europe joue également un rôle coercitif. Nous avons observé des exemples de gouvernements sanctionnés ou plébiscités pour leurs efforts budgétaires.

Avant cette dissolution surprise, les comptes publics français, malgré les efforts du ministre de l’Economie de 2017 à 2019, étaient déjà sur une trajectoire défavorable avec un déficit public structurel de 5% et un endettement de 110%, accompagné d’une croissance anémique de 0,5%. Depuis 1974, la France n’a jamais entrepris de véritable effort de rigueur budgétaire, un concept antinomique avec le pouvoir d’achat, vénéré par tous les partis politiques et toutes les catégories socio-professionnelles. Malgré son statut de pilier de l’Europe et de puissance nucléaire, l’Allemagne domine économiquement la zone. La complaisance envers les indicateurs économiques français pourrait momentanément disparaître. Bien que l’écart de taux entre l’Allemagne et la France soit passé de 50 à 80 points de base, le budget de l’Etat français se finance actuellement à 3,1%, soit environ 0,5% en termes réels après inflation. La dette française reste donc soutenable et une faillite de l’État n’est pas imminente.
Stabilité de la zone euro

Cette dissolution a suscité des prédictions alarmistes, notamment l’éventualité d’une explosion de la zone euro. Aucun parti ne prône actuellement le Frexit. Les taux ont plutôt baissé au niveau du Bund 10 ans, et les taux nominaux actuels ne constituent pas un obstacle au financement des Etats européens, même les plus fragiles. La BCE dispose d’outils (TPI) pour intervenir en cas d’attaques injustifiées contre la dette d’un Etat membre de l’union monétaire. Ce scénario reste donc très improbable. En cas de croyance en ce scénario, il serait conseillé d’investir immédiatement en or et en obligations du Trésor américain.
Pricing des actifs risqués

Cette décision de dissoudre l’Assemblée nationale a offert une opportunité aux gestionnaires anglo-saxons de mettre en place des stratégies macroéconomiques classiques. La rationalité de cette dissolution peut être questionnée car elle renforce l’influence des investisseurs non-résidents. Ces stratégies incluent : la baisse des actions françaises (notamment les small & midcaps), la baisse des banques françaises, la baisse de l’euro, l’augmentation du spread entre l’OAT 10 ans et le Bund 10 ans, et la hausse de la volatilité de l’OAT 10 ans. Ces tendances devraient s’inverser dès que la France disposera d’un gouvernement avec une ligne budgétaire crédible aux yeux de l’Europe, malgré une culture du chèque aux électeurs profondément enracinée.
Recommandations et stratégie de gestion

Le vieil adage boursier «Do not catch a falling knife!» (ne pas attraper un couteau qui tombe) s’applique. Bien que les marchés aient baissé de 6 à 8%, cela reste loin des pires baisses mensuelles de l’histoire. Par ailleurs, après l’élection de Salvini, de Trump ou du Brexit, les marchés actions se sont rapidement redressés. Il est toutefois impossible de prévoir l’incertain. Pour bien estimer le coût du risque du nouveau gouvernement, il est crucial d’attendre les résultats du deuxième tour le 07/07.

De plus, il ne faut pas oublier que l’élection présidentielle américaine apportera également son lot d’incertitudes et de volatilité. Il est important de rappeler que la baisse des marchés actions permet d’acheter à bon compte. La vente de positions n’est justifiée que si un risque systémique est détecté, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cependant, de nouveaux points d’entrée se sont ouverts entre aujourd’hui et novembre, et nous allons les optimiser pour acheter dans les meilleures conditions.

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