Connu sous le nom de Shanghai Five, le groupement régional impliquant notamment la Russie et la Chine est en pleine croissance aujourd’hui, faut-il s’en méfier?
Le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine se sont rencontrés en marge du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en Ouzbékistan à la mi-septembre. Il s'agissait de la première rencontre physique des deux dirigeants depuis les Jeux olympiques d'hiver de Pékin en février, et la première depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Du point de vue de la Russie, le sommet était important non seulement pour renforcer les liens avec leurs voisins asiatiques, mais aussi pour trouver aux exportations russes, bloquées en Occident, des marchés alternatifs.
Du côté chinois, le sommet était important dans le positionnement de la Chine en tant que leader d'un groupe multilatéral important visant à contrebalancer l'influence des Etats-Unis et du G7 dans la région. Le fait qu'il s'agisse du premier voyage international du président Xi hors de Chine depuis le début de la pandémie, et qu'il se déroule juste un mois avant un important congrès du Parti national (les dirigeants chinois se concentrent généralement sur les questions de succession à la direction nationale avant cette réunion quinquennale), révèle à quel point le sommet était une priorité. Sur le plan économique, l'Asie centrale est très riche en ressources telles que le pétrole et les minéraux, éléments importants pour la Chine et ses ambitions de poursuivre son développement. La constitution de chaînes d'approvisionnement pour ces produits de base cruciaux via des routes terrestres réduirait la dépendance de la Chine vis-à-vis des routes maritimes actuelles, qui pourraient être perturbées à l'avenir.
Le prédécesseur de l'Organisation de coopération de Shanghai était un groupe connu sous le nom de Shanghai Five, composé de la Chine, de la Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan et du Tadjikistan, formé en 1996 principalement pour gérer les problèmes de frontière et de sécurité après la chute de l'Union soviétique. Les pays d'Asie centrale, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan, partagent tous des frontières avec la région occidentale du Xinjiang en Chine ainsi que des liens ethniques avec les peuples autochtones. La Chine étant préoccupée par de potentiels troubles au sein de la population ouïghoure, le groupe Shanghai Five s'est donc concentré sur la sécurité transfrontalière, l’antiterrorisme et la lutte contre le séparatisme et l'extrémisme religieux.
Ce groupe a ensuite été élargi pour inclure l'Ouzbékistan en 2001 et renommé Organisation de coopération de Shanghai, officialisant les principes, la structure et le mode de fonctionnement de l'organisation. Avec l'adhésion de l'Inde et du Pakistan en 2017, l'OCS est désormais le plus grand groupement régional au monde en matière d'étendue géographique et de population, couvrant 40% de la population mondiale et environ 60% de la superficie de l'Eurasie. L'Iran est le prochain pays qui devrait être officiellement admis à l'OCS, potentiellement d'ici l'année prochaine.
La sécurité demeure au centre des préoccupations de l'OCS avec des activités englobant la coopération militaire, le partage de renseignements et la lutte contre le terrorisme. L’enjeu désormais est de savoir comment l'organisation va évoluer. Un changement perceptible s’est produit dans l'équilibre des pouvoirs au sein de l'OCS lors du récent sommet avec la Russie, sur le déclin, et la Chine, en ascension. Bien que la Chine ait investi des sommes importantes dans la région, les pays restent inquiets face à sa montée en puissance – à la fois du point de vue des droits de l'homme (le traitement des Ouïghours) et des rapports sur la «diplomatie de la dette» de la Chine.
Il pourrait également y avoir des frictions croissantes au sein des membres de l'OCS. Des signes de tension étaient déjà perceptibles avec l'Inde, bloquant certaines décisions. L'Inde est membre du Quad, un groupe de sécurité comprenant l'Australie, l'Inde, le Japon et les États-Unis. La Turquie, membre de l'OTAN, est actuellement un interlocuteur de l'OCS et pourrait demander à rejoindre le groupe à l'avenir avec le soutien de la Russie. Quoi qu'il en soit, il est évident que l’OCS est une organisation en pleine croissance et constitue une force de perturbation potentielle de l'ordre mondial établi.