Joe Biden se désiste: quelles conséquences?

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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L’annonce du désistement de Joe Biden et de son soutien à sa vice-présidente, Kamala Harris rebrasse les cartes. Que faut-il en attendre? Décryptage.

© Keystone

Le président était exhorté à se retirer par des figures de plus en plus haut placées et par d’importants donateurs du Parti démocrate sceptiques quant à sa capacité à gouverner pendant quatre années supplémentaires.

En outre, l’avance de l’ancien président Donald Trump dans les sondages – aussi bien à l’échelle nationale que dans les Etats indécis – s’était également accrue à la suite de la tentative d’assassinat manquée .

Les démocrates doivent à présent choisir un nouveau candidat lors de leur Convention qui se tiendra à Chicago du 19 au 22 août. La vice-présidente Kamala Harris est considérée comme la favorite par un très grand nombre d’observateurs.

Et maintenant?

Les investisseurs vont désormais recentrer leur attention sur la désignation du nouveau candidat démocrate, sur les éventuelles différences de priorités programmatiques susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés et sur les chances de victoire du nouveau candidat face à l’ancien président Donald Trump.

Premièrement, le retrait de Joe Biden qui a apporté son soutien à Kamala Harris place cette dernière en bonne position pour obtenir l’investiture. Néanmoins, elle doit encore convaincre les délégués à la Convention, qui ne sont plus tenus de soutenir Joe Biden, qu’elle est la personne la mieux placée pour battre le candidat républicain en novembre.

Kamala Harris devrait s’inscrire dans la continuité du programme de Joe Biden et mettre l’accent sur ses états de service en tant que vice-présidente et sur sa capacité à mobiliser les femmes, les jeunes et les minorités ethniques.

Des concurrents pour Kamala Harris?

D’autres candidats pourraient se manifester avant la convention, notamment une poignée de gouverneurs qui pourraient faire valoir leur cote de popularité nette plus élevée que celle de la vice-présidente.

Cependant, cette dernière dispose d’un autre atout qui pourrait s’avérer décisif: son nom figure dans le dossier déposé par l’équipe de campagne de Joe Biden auprès de la Commission électorale fédérale, ce qui signifie qu’il n’y a guère d’obstacle juridique à ce qu’elle puise dans le trésor de guerre de la campagne de Joe Biden.

Incarnation de la continuité

Deuxièmement, quel que soit le candidat investi par le Parti démocrate, les choix politiques sur les questions importantes aux yeux des investisseurs seront sensiblement les mêmes. Kamala Harris est sans doute celle qui incarnerait le mieux la continuité.

Néanmoins, aucun candidat à l’investiture démocrate ne devrait s’écarter significativement des priorités de Joe Biden en matière de lutte contre le changement climatique, de surveillance des pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises et de relations commerciales avec la Chine.

Troisièmement, les chances de réélection de Joe Biden aveient été compromises par sa piètre performance lors du débat du 27 juin. Il est également possible que l’image de Donald Trump brandissant le poing avec un air de défi après la tentative d’assassinat d’il y a deux semaines galvanise son électorat et lui permette de séduire certains électeurs indécis, mais cela n’est pas encore clair.

Les cartes de la présidentielle rebattues

Avant le retrait de Joe Biden,  la Recherche d’UBS estimait à 60% la probabilité d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche et à 45% celle d’une «vague rouge». La probabilité d’une présidence Trump avec un Congrès divisé était de 15%, celle d’une victoire démocrate avec un Congrès divisé était estimée à 30% et celle d’une «vague bleue» à 10%.

Le retrait de Joe Biden rebat les cartes de la présidentielle. Toutefois, pour peu que Kamala Harris soit investie par le Parti démocrate, la dynamique de l’élection ne devrait pas changer autant qu’on pourrait le penser. L’électorat américain est très polarisé et la plupart des partisans de Joe Biden se rangeront derrière le nouveau candidat du parti.

Une nouvelle stratégie de campagne

Ces prochains mois, on peut s’attendre à ce que les deux partis politiques s’emploient à maximiser le taux de participation, qui s’annonce comme le facteur déterminant de l’issue du scrutin. Les démocrates doivent mobiliser les jeunes électeurs. Les républicains doivent encourager les électeurs qui préfèrent Trump à se rendre aux urnes le 5 novembre.

Il n’est pas très approprié de tirer des conclusions à partir de sondages passés sur des confrontations hypothétiques entre Trump et d’autres candidats démocrates lorsque Biden était le candidat présumé. Il faudra en effet du temps pour que les sondages reflètent les préférences des électeurs face à des possibilités de duel réelles, et non hypothétiques.

Par ailleurs, on gardera à l’esprit qu’il reste encore trois mois et demi avant le jour du scrutin. Le retrait de Joe Biden, un cas de figure presque sans précédent, constitue un défi de taille pour le Parti démocrate, mais aussi pour le Parti républicain, qui doit élaborer une nouvelle stratégie de campagne face à une adversaire nouvelle et plus jeune.

Comment les investisseurs doivent-ils réagir?

Le résultat de l’élection peut avoir des répercussions sur les investisseurs, notamment si l’une ou l’autre des camps prend le contrôle de la Maison Blanche et du Congrès.

Une victoire de Donald Trump, surtout si elle s’accompagne d’une majorité républicaine au Congrès, conforterait probablement les anticipations de baisses d’impôts et d’allègement de la réglementation qui pèse sur les entreprises, tout en accentuant la crainte d’une augmentation des droits de douane.

Les principaux bénéficiaires d’une évolution de la réglementation pourraient être le secteur de la finance, tandis que l’augmentation des droits de douane sur les importations pourrait nuire aux entreprises américaines qui s’approvisionnent à l’étranger.

En revanche, une administration démocrate serait probablement favorable aux initiatives en faveur de l’énergie verte, de l’efficacité énergétique et des constructeurs de véhicules électriques.

Volatilité en vue

Dans l’immédiat, il faut s’attendre à une certaine volatilité du marché, le temps que les investisseurs digèrent la nouvelle donne. Ces dernières semaines, on observe une certaine rotation vers les secteurs «rouges» au détriment des secteurs «bleus», car la dynamique est plutôt du côté du Parti républicain. Il pourrait y avoir un certain retour de balancier au cours des prochains jours à mesure que les marchés analyseront les derniers rebondissements.

Cela dit, les investisseurs ne doivent pas oublier que les résultats électoraux aux Etats-Unis sont loin d’être le principal déterminant de la performance des marchés financiers, ou même d’un secteur donné. Les statistiques économiques et les anticipations de baisse des taux de la Réserve fédérale américaine restent au moins aussi importantes. En outre, beaucoup de choses peuvent encore changer avant le scrutin de novembre et le champ des possibilités est vaste.

Gérer les risques liés à l’élection

Par conséquent, on déconseillera aux investisseurs de changer radicalement de stratégie en fonction de leurs attentes ou de leurs préférences politiques. On recommandera plutôt diverses stratégies pour gérer les risques liés à l’élection. Il s’agit notamment de bien diversifier son portefeuille et de s’intéresser à des produits structurés qui offrent une certaine protection du capital ou qui génèrent un revenu.

L’objectif de cours pour le S&P 500 en fin d’année, qui se situe à 5900 points contre 5505 à l’heure actuelle, resterait d’actualité dans la plupart des scénarios politiques, à moins d’une vague démocrate qui aboutirait à une hausse de l’impôt sur les sociétés, ou d’une victoire de Donald Trump qui verrait ce dernier instaurer des droits de douane aussi élevés que ceux proposés dans ses discours de campagne.

Pour l’heure,  la Recherche d’UBS ne croit à aucun de ces deux scénarios. En outre, les belles perspectives des géants technologiques américains devraient compenser largement l’incertitude politique. 

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