La Fed reste prudente malgré le ralentissement de l’inflation aux Etats-Unis

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Il y a dix jours, les actions et les obligations ont rebondi après la publication de chiffres rassurants sur la hausse des prix US, qui ont conforté l’espoir d’une baisse des taux de la Fed.

©Keystone

 

L’indice des prix à la consommation (IPC) hors alimentation et énergie est ressorti en hausse de 0,16% en mai. Il s’agit de sa plus faible progression depuis août 2021. Le taux annuel d’inflation sous-jacente est tombé à 3,4%, au plus bas depuis trois ans, contre 3,6% le mois précédent. Parallèlement, l’IPC global n’a augmenté que de 0,01% en glissement mensuel grâce à la baisse des prix de l’essence.

L’inflation des prix à la production aux Etats-Unis a également donné des signes de tassement : elle est ressortie à -0,2% en glissement mensuel en mai, après la hausse de 0,5% enregistrée en avril.

Prudence de la Fed

Lors de sa réunion de politique monétaire, la Fed a laissé comme prévu ses taux inchangés. Dans son communiqué, elle a salué «les nouveaux progrès modestes accomplis en direction de l’objectif d’inflation de 2% fixé par son comité».

Néanmoins, la Fed s’est montrée prudente quant au rythme des baisses de taux. D’après le graphique des projections de taux des responsables de la Fed («dot plot»), ces derniers ne tablent plus que sur une seule baisse (prévision médiane) d’ici la fin de l’année, contre trois en mars lorsque les dernières projections ont été publiées. La Fed a également revu à la hausse sa prévision d’inflation pour la fin de l’année 2024, à 2,6% contre 2,4% précédemment.

Qu’est-ce que cela signifie?

Ces récents chiffres confortent dans l’idée que la tendance à la décrue de l’inflation aux Etats-Unis, qui s’était enrayée au premier trimestre, a repris. Cette nouvelle devrait l’emporter sur le «dot plot» de la Fed qui, de son propre aveu, est une prévision conditionnée à l’évolution des données. Il convient également de noter que la projection médiane pour les baisses de taux en 2025 est désormais de quatre réductions de taux, contre trois précédemment, et que quatre autres baisses sont prévues pour 2026.

Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que l’évolution du «dot plot» était principalement imputable au relèvement des prévisions d’inflation de la Fed. Néanmoins, il a également admis que les prévisions d’inflation de la Fed étaient «empreintes d’une certaine prudence» et que la plupart de ses membres n’avaient pas modifié leurs projections concernant les taux directeurs après la publication de l’IPC en mai, même s’ils avaient déjà pris connaissance de ce dernier.

Ralentissement des prix des services essentiels

Selon la Recherche d’UBS, le détail des chiffres d’inflation était encore plus favorable que les chiffres phares. En particulier, Jerome Powell a souligné l’importance du ralentissement des prix des services essentiels hors logement, qui ont baissé de 0,04%, une première depuis septembre 2021.

Cette catégorie comprend les prix des services tels que les loisirs, l’hôtellerie, l’assurance et la garde d’enfants, qui ont généralement une forte composante salariale. Le ralentissement de cet indicateur pourrait indiquer que la décélération des salaires contribue à atténuer la pression inflationniste dans ces catégories.

Et espoir de ralentissement des prix des loyers

L’équivalent loyer des propriétaires immobiliers, qui a été dernièrement l’un des principaux moteurs de l’inflation, enregistre certes une légère accélération. Néanmoins, il y a bon espoir que sa hausse ralentisse, à en juger par les données à haute fréquence qui mettent en évidence une diminution des loyers.

Comme les contrats de bail sont généralement signés pour un ou deux ans, il faut du temps pour que les données officielles en tiennent compte. Toutefois, une baisse de cette composante importante de l’inflation ne devrait être qu’une question de temps.

Pas de surchauffe de l’économie en vue

Les chiffres de l’inflation devraient éloigner le spectre d’une surchauffe de l’économie, qui a resurgi après la publication des chiffres de l’emploi en mai aux Etats-Unis, notamment les 272’000 créations de postes (bien plus que les 185’000 prévus par les économistes).

Les chiffres sont également cohérents avec les données récentes indiquant un ralentissement graduel de l’activité, notamment celles relatives aux postes vacants et à la rotation de la main-d’œuvre (rapport JOLTS - Job Openings and Labor Turnover Survey), à l’indice ISM manufacturier, aux données immobilières et aux soldes de cartes de crédit.

Comment investir?

L’issue de la réunion de la Fed et les chiffres de l’inflation confortent dans l’idée que l’économie américaine se dirige vers un atterrissage en douceur, ce qui devrait permettre à la banque centrale de baisser ses taux de 50 points de base cette année, très probablement à partir de sa réunion de septembre.

Par conséquent, on recommandera plus que jamais aux investisseurs quatre stratégies de base.

  • Acheter des obligations de qualité

Les emprunts d’Etat font face à un contexte défavorable cette année, les investisseurs étant devenus plus prudents quant à la rapidité et au calendrier des baisses de taux de la Fed. Les marchés sont sans doute devenus trop pessimistes.

Même si les Etats-Unis ont une longueur de retard sur l’Europe en matière de baisse des taux directeurs, les bons du Trésor américain ne devraient pas tarder à intégrer de nouvelles mesures d’assouplissement une fois le cycle entamé et les rendements américains à dix ans devraient terminer l’année à 3,85%.

Par conséquent, les investisseurs auraient tout intérêt à engranger les rendements obligataires, qui sont attrayants actuellement. On appréciera également les obligations d’entreprises investment grade, même si la sélectivité est de mise en raison de la faiblesse des écarts de crédit.

  • Gérer les liquidités

La Banque centrale européenne, la Banque du Canada, la Banque de Suède et la Banque nationale suisse ont déjà baissé leurs taux et il semble désormais probable que la Fed leur emboîte le pas en septembre. 
Par conséquent, la rémunération des liquidités ne devrait pas tarder à diminuer.

Dans ces conditions, les investisseurs détenant des liquidités ou des placements monétaires, ou ceux dont les dépôts à terme arrivent à échéance, devraient envisager de gérer leurs liquidités en constituant un portefeuille d’obligations à échéances échelonnées ou un portefeuille équilibré composé d’actions et d’obligations. Autre possibilité: investir dans des produits structurés qui offrent une certaine protection du capital.

  • Saisir les opportunités en profitant d’un rebond qui fait tache d’huile

L’optimisme est de mise quant aux perspectives du secteur technologique, dont les bénéfices au niveau mondial devraient augmenter de 20% cette année, notamment sous l’impulsion de l’intelligence artificielle (IA).

On décèle aussi de nombreuses opportunités sur les marchés d’actions à la faveur d’un rebond qui fait tache d’huile, notamment parmi les actions chinoises, les petites capitalisations américaines, la fine fleur des entreprises européennes et les bénéficiaires à long terme de l’innovation de rupture.

Les petites capitalisations sont particulièrement bien placées pour profiter de la baisse des taux directeurs car elles empruntent davantage à taux variable que les grandes entreprises. Elles sont à la traîne du rebond général du marché des actions et présentent de ce fait une décote historiquement importante par rapport aux grandes capitalisations.

  • Se diversifier à l’aide des actifs alternatifs  

Dans un contexte de modération de la croissance économique et de volatilité potentielle sur les marchés, les investisseurs feraient bien d’envisager de consacrer une partie de leur portefeuille aux actifs alternatifs.

Une allocation aux hedge funds peut atténuer la volatilité d’un portefeuille lorsque les marchés d’actions et d’obligations évoluent de concert. Les actifs non cotés peuvent constituer une autre source de rendement pour diversifier davantage les portefeuilles. Les investisseurs doivent être conscients des risques inhérents à cette classe d’actifs, notamment l’illiquidité et la complexité de certaines stratégies. 

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