Les premières annonces de Donald Trump (nominations, décrets, déclarations) confirment le niveau élevé de risque politique au sens large, englobant la géopolitique, la politique intérieure et la politique économique. Ce contexte est générateur d’instabilité chronique et d’événements à faible probabilité mais aux impacts majeurs (tail risks).
La guerre commerciale est en première ligne, avec un risque de relèvement des droits de douanes de la part des Etats-Unis, dont 20% avec la Chine. Les menaces de sanctions complètent le durcissement des tarifs, notamment vis-à-vis de la Russie, et en ciblant certaines matières premières critiques (pétrole, aluminium, cuivre, …). D’autres pays sont dans la ligne de mire, comme la Colombie, le Canada ou le Mexique. L’Europe sera évidemment le foyer d’intenses pressions commerciales, militaires, technologiques et réglementaires. Enfin, la stratégie de domination américaine passe aussi par des revendications territoriales (Groenland, canal de Panama).
L’intégration de ces risques connus et inconnus dans un processus de gestion implique des choix d’investissements de trois natures: robustesse, diversification et anti-fragilité.
L’antifragilité est la partie du portefeuille qui va se renforcer quand le reste du portefeuille va être en péril.
D’abord, le regain de volatilité implique de renforcer la robustesse des portefeuilles, au moment où les marchés Actions américains sont caractérisés par une valorisation record et une concentration record. L’agrégation des principaux multiples de valorisation du S&P500 affiche une prime historique de 30% (P/E forward) à 83% (Price to Sales). La concentration record sur des monopoles technologiques fragilise le marché avec un risque de correction majeure du facteur momentum, qui s’était apprécié de près de 45% en 2024, la plus forte progression depuis 1999. Le choc de marché lié à DeepSeek a été un événement de 7 écarts-type sur l’écosystème de l’IA, soit le choc le plus intense depuis 40 ans. Une telle secousse est susceptible de se reproduire avec effets plus durables. Enfin, l’absence de marge de sécurité sur les actifs risqués au vu de la faiblesse des primes de risques (240pb sur les Actions, au plus bas depuis 2001, 265 pb sur le High Yield, proche des points bas historiques de 2021, 2014, 2007, 1997) rend les marchés vulnérables à des chocs macro-financiers. Cette robustesse passe par une réduction globale du risque, notamment via un rééquilibrage du risque rendu possible par le niveau attractif des taux d’intérêt à long terme (taux réels 10 ans à 2.1%) et le rôle accru des stratégies alternatives.
Par ailleurs, la diversification doit couvrir en priorité le risque inflationniste, via l’or et les matières premières. La guerre commerciale est inflationniste, ce qui dégrade le mix croissance-inflation, génère de la volatilité, affecte les marges des sociétés et corrèle à la baisse les Actions et les Obligations d’Etat. Les matières premières constituent la meilleure réponse, avec une allocation susceptible de monter jusqu’à 30% dans un portefeuille équilibré optimisé en phase d’inflation élevée et en augmentation (cas de l’année 2022). L’or demeure attractif dans le contexte de débasement monétaire, exacerbé par les sanctions, des déficits records en temps de paix et des dévaluations compétitives en réponse aux relèvements de tarifs.
Enfin, l’antifragilité est la partie du portefeuille qui va se renforcer quand le reste du portefeuille va être en péril. Cette famille de stratégies alternatives doit délivrer de la convexité et de l’asymétrie des rendements, sans toutefois avoir un portage négatif (cas d’une assurance de portefeuille). L’exposition à des stratégies de cette nature est la précondition pour rester investi et éviter de faire face à des choix émotionnels insolubles (FOMO, ou peur de manquer la hausse vs. gestion ex-ante du risque). Nous entrons dans la phase la plus émotionnelle du marché, qui conduit immanquablement à avoir tort avant ou après un événement majeur de marché (baisse de plus de 20%, scénario hautement réalisable dans les 18 mois).
Les risques politiques seront des déclencheurs et des facteurs de propagation de l’instabilité. Il n’y a pas de fatalité à connaitre des pertes majeures de marché, susceptibles de rompre la chaine des intérêts composés. Cela passe par une adaptation du processus de gestion en amont de la matérialisation de risques de marché par nature imprévisibles, a fortiori lorsque ces risques sont politiques.