Investir dans l’éducation, plus nécessaire que jamais?

Bastien Drut & Juliette Cohen, CPR AM

2 minutes de lecture

Il est manifeste que cette crise a touché de façon disproportionnée les personnes les moins diplômées. Dans ce contexte, il apparaît urgent d’investir massivement dans l’éducation.

L’éducation a été l’un des premiers domaines touchés par la crise de la Covid, avec les fermetures d’école pour empêcher la propagation de l’épidémie. Par ailleurs, il est manifeste que cette crise a touché de façon disproportionnée les personnes les moins diplômées. Dans ce contexte, il apparaît encore plus urgent que d’ordinaire d’investir massivement dans l’éducation.

Des fermetures d’école qui ont accru les inégalités

Pour éviter la propagation du coronavirus, les écoles ont fermé leurs portes temporairement à peu près partout dans le monde. Au plus fort de la crise fin avril1, 1,5 milliard d’élèves étaient affectés par des fermetures d’écoles dans 180 pays, soit 85% des enfants du monde. À la mi-juillet 2020, plus d’un milliard d’apprenants étaient encore touchés par ces fermetures, ce qui représentait 61% du total des inscriptions scolaires dans le monde.

Face aux fermetures d’écoles, les Etats ont dû organiser dans l’urgence la continuité des apprentissages et ces efforts ont pu participer à l’accroissement des inégalités. Plus de 90% des pays ont mis en place des politiques d’enseignement à distance, via des retransmissions télévisées ou radiophoniques ou via internet. Les pays les plus riches ont privilégié les enseignements digitaux et les émissions télévisées et les plus pauvres les émissions radiophoniques. Cependant, l’UNICEF2 estime qu’au moins 463 millions d’enfants, soit 31% des écoliers du monde, n’ont eu accès à aucun de ces programmes, notamment à cause du manque d’équipement dans les familles, ce qui accroit mécaniquement les inégalités relatives à l’éducation. Les fermetures d’écoles ont également entraîné des décrochages scolaires, déjà constatés lors d’épidémies précédentes3.

Les enfants n’ayant eu aucun accès à l’éducation à distance se trouvent majoritairement dans les pays les plus pauvres. Toutefois, la crise de la Covid a aussi accentué les inégalités scolaires au sein des pays riches. Comme l’indiquent les données de Opportunity Insights, l’écart en termes de réussite aux tests scolaires s’est nettement accru depuis mars entre les localités à revenus faibles et les localités à revenus élevés aux Etats-Unis. Les élèves des filières professionnelles ont davantage subi de ruptures dans leurs apprentissages que les filières générales.

Les pertes d’apprentissage et les décrochages scolaires ont des impacts à long terme en générant des pertes de capital humain. Des économistes de la Banque Mondiale4 estiment à 10'000 milliards de dollars les pertes en revenus futurs associées aux fermetures d’école lors de la crise de la Covid (soit l’équivalent de 11% du PIB mondial de 2019). Ces pertes sont particulièrement importantes dans les pays pauvres et dans les milieux défavorisés, ce qui exacerbe les inégalités. Comme l’a bien résumé récemment Isabel Schnabel, membre du Directoire de la BCE, «les divergences constatées en termes d’apprentissage sont avant tout problématique car elles peuvent mener à des différences persistantes au niveau de l’accumulation en capital humain, creusant ainsi les inégalités sur le long terme».

La crise de la Covid a davantage pénalisé les moins diplômés

Il est désormais manifeste que la crise de la covid a exacerbé les inégalités économiques dans les pays développés en pénalisant encore un peu plus les moins avantagés. Dans le cas des Etats-Unis, des chercheurs de la Fed5 ont montré que les jeunes ont davantage perdu leurs emplois que leurs aînés, les femmes que les hommes, les noirs et les hispaniques que les blancs et les moins diplômés que les plus diplômés.

Il avait déjà été mis en évidence lors des récessions précédentes6 que les moins diplômés avaient perdu davantage leurs emplois que les autres. Mais cela a été beaucoup plus marqué sur la récession de 2020. De ce point de vue, les diplômes constituent bien une «arme anti-crise» mais encore faut-il avoir la possibilité de se former et d’apprendre alors que les investissements liés à l’éducation peuvent se trouver sous pression du fait de la crise…   

 

1 Banque mondiale. 2020. «World Bank Education and COVID-19.»
2 UNICEF, 26 August, «COVID-19: are children able to continue learning during school closures?».
3 L’expérience de la crise d’Ebola en Sierra Leone a montré que le taux d’abandon scolaire avait fortement augmenté, notamment pour les filles entre 12 et 17 ans qui avaient 16% de probabilités en moins d’aller à l’école. Pourtant, le gouvernement avait pris des mesures pour limiter le décrochage scolaire en annulant les frais d’examen et en subventionnant les frais d’inscription de l’enseignement secondaire.
4 «Learning losses due to COVID-19 could add up to $10 trillion», Brookings, 30 juillet 2020.
5 Cajner T. et al., 2020, «The US labor market during the beginning of the pandemic recession», NBER Working Paper 27159.
6 Hoynes H., D. Miller et J. Shaller, 2012, «Who suffers during recessions?», NBER Working Paper 17951

A lire aussi...