Faire face aux surcapacités en Allemagne

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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La performance du modèle économique allemand peut se retourner contre lui. La France est moins affectée par les obstacles à la croissance internationale.

©Keystone

L’économie allemande des dix dernières années a été florissante, avec de multiples créations d’emplois, même dans l’industrie, qui a pourtant connu de massives restructurations dans les autres pays développés. Malgré les écueils internationaux, l’économie intérieure a bien résisté au premier trimestre 2019, la consommation privée et le BTP contribuant très notablement à une croissance trimestrielle de 0,4%. Pourtant, la prudence, voire le pessimisme, règne: le consensus attendait une croissance de 1,9% pour 2019 il y a un an mais ce chiffre est tombé à 0,8% en mai. Les craintes à court terme nous semblent excessives. Nous pensons que la croissance trimestrielle ralentira à un rythme légèrement inférieur à son potentiel. 

Les enquêtes ne dénotent pas d’amélioration des perspectives pour la production industrielle hors BTP mais la hausse des salaires et des mesures budgétaires passables devrait permettre à l’activité intérieure de relancer la croissance des prochains trimestres. Toutefois, contrairement au consensus, nous ne voyons pas d’accélération sensible en 2020. La performance du modèle économique allemand peut se retourner contre lui dans le cycle baissier actuel avec, au pire, une « triple austérité », le taux d’épargne notoirement élevé, la prudence de l’investissement et le frein à l’endettement public pouvant tous modérer la croissance à moyen terme.

L’inflation totale devrait atteindre un pic de 2,2% d’ici à mars 2020.

L’inflation totale d’avril a bondi à 2,1%, les effets de la date tardive de Pâques étant plus marqués en Allemagne que chez ses voisins, mais cette envolée est essentiellement temporaire et nous attendons un repli de l’inflation totale à 1,4%. La tendance haussière de l’inflation sous-jacente sur fond de hausse des salaires et des prix de l’énergie (essence, fioul, etc.) en mai pourrait annoncer une inflation totale toujours croissante au second semestre et au premier trimestre 2020. Elle devrait donc atteindre un pic de 2,2% d’ici à mars 2020.

Les indices de confiance résistent en France

Par rapport aux Allemands, les exportateurs français avaient bien moins bénéficié de la reprise mondiale de 2017-2018, ce qui est devenu un avantage dans le contexte de ralentissement actuel, l’économie française étant aujourd’hui moins affectée par les obstacles à la croissance internationale. En douze mois, les prévisions de PIB français du consensus pour 2019 sont passées de 1,8% à 1,3%, ce qui se rapproche de notre propre estimation de 1,2% et de la croissance potentielle actuelle de la France. 

Les analystes sont devenus plus prudents pour la France,
mais moins que pour l’Allemagne.

La réduction des prévisions sur un an montre que les analystes sont devenus plus prudents, mais moins toutefois que pour l’Allemagne, ce qui pourrait surprendre au vu du mouvement protestataire des gilets jaunes ou des résultats français des élections européennes. Les résultats des enquêtes économiques justifient pourtant cet optimisme et n’annoncent pas de nouvel essoufflement : tant l’indice du moral de ménages de l’Institut national de la statistique (INSEE) que celui de la confiance des entreprises se sont nettement redressés après leurs plus-bas de fin 2018. En décembre, le président Macron avait dévoilé plusieurs mesures pour soutenir le pouvoir d’achat en réponse aux manifestations. Les mesures de relance représentent en tout presque 1% du PIB potentiel de cette année, ce qui représente la plus forte contribution positive de la politique budgétaire depuis 2009.

L’inflation totale a nettement ralenti. De 2,5% au troisième trimestre 2018, elle est attendue à environ 1% en septembre. Les dynamiques de croissance sous-jacentes et l’amélioration continue du marché du travail, source de hausse des salaires, suggèrent que la politique monétaire de la BCE convient à la France et qu’elle ne se normalisera pas de sitôt. La baisse des cotisations sociales allège le coût du travail. Si les sociétés de services répercutent ces économies sur leurs clients, l’inflation pourrait s’avérer encore inférieure à nos estimations.

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