Europe - Japon, le temps du rapprochement

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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L’Europe et le Japon ont trop en commun pour ne pas poursuivre leur rapprochement et, plus encore, fédérer les «soft powers».

En ces temps de distanciation, il est bon de penser à de possibles et fructueux rapprochements. L’Europe et le Japon offrent de telles opportunités. Souvent considérés comme trop éloignés pour se comprendre, ils ont en fait beaucoup en commun. Et les circonstances politiques et économiques présentes se prêtent au renforcement des liens qui les unissent déjà. 

Cumulées, les deux régions forment, et de loin, la première puissance économique mondiale. Un peu trop vite relégués au rang de la vieille économie, l’Europe comme le Japon se distinguent par le niveau de vie élevé de leurs habitants, des systèmes sociaux et de santé plus avancés et plus distributifs que bien d’autres, ainsi que des régimes politiques libéraux. Marqués par la guerre froide, puis l’effondrement du mur de Berlin, témoins de première ligne de l’ouverture à l’Est et de la montée en puissance de la Chine, Européens et Japonais sont les alliés indéfectibles des Etats-Unis. Pourtant ils ressentent désormais, chacun pour leur part, la fragilité de l’amitié américaine mise à mal par la politique de l’Administration Trump. 

L’Europe et le Japon se situent aux marches des puissances russe et chinoise. Ces partenaires commerciaux indispensables mais difficiles, font l’objet d’une méfiance croissante, du fait de la menace militaire et territoriale qu’elles incarnent et qui se manifeste notamment par leur volonté de se constituer en glacis impénétrable (la Crimée, l’Ukraine d’un côté, la mer de Chine de l’autre). 

L’offensive commerciale des Etats-Unis
à l’encontre de la Chine n’épargne pas ses alliés.

La pandémie du COVID-19 n’a fait qu’accroître les tensions alors que chacun affirmait ses prétentions. La gestion chinoise de la pandémie, sa «diplomatie des masques chirurgicaux1» ont avivé les ressentiments et les craintes de la voir accentuer sa politique d’influence. La mainmise sur Hong Kong2, les tensions en mer de Chine, les tournées commerciales en Europe, sont autant d’alarmes qui se sont récemment activées. De son côté, l’offensive commerciale des Etats-Unis à l’encontre de la Chine, n’épargne pas ses alliés. Les menaces de retrait des forces américaines du sol européen, l’obligation de choisir les Etats-Unis comme partenaire exclusif, des «sanctions» commerciales unilatérales, sont autant de sujets de malentendus.

De son côté, le premier ministre japonais sortant, Shinzo Abe, peut se féliciter d’avoir porté le Traité Transpacifique avec les pays d’Asie du Sud Est, malgré la défection américaine. Sur le plan politique, il laisse une armée nationale (les forces d’auto-défense) aux capacités d’intervention élargies. L’entrée en vigueur de l’accord commercial UE-Japon, le 1er février 2019, renforçant les axes de coopération et les liens commerciaux entre les deux régions, devrait fournir l’occasion de réduire leur dépendance au marché chinois notamment. A plus long terme, l’Europe et le Japon partagent une vision et une ambition communes: architectes et signataires des traités de Tokyo et de Paris, ils entendent faire aboutir les objectifs de limitation du réchauffement climatique. Promoteurs et défenseurs du multilatéralisme, ils restent attachés à ses principes et entendent les préserver. 

Même semés d’embuches, les liens politiques, industriels et commerciaux qui unissent ces deux zones, sont historiques.  Coincés entre le «vortex» chinois et le repli américain, les temps sont propices à la recomposition d’alliances politiques et économiques qui permettront des alignements d’intérêts sur tous les fronts. Les «soft powers» de l’Atlantique et du Pacifique, ont aujourd’hui l’occasion de se fédérer autour d’objectifs communs. 

Le Japon a besoin de sang neuf, l’Europe serait bien avisée de profiter de cette porte ouverte sur l’Asie.

 

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