Cartographie de la rentrée: du rebond à l’essoufflement

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le rebond de l’économie donne des signes d’essoufflement, la pandémie pas encore. Plus important, les deux sont en train de muter.

Avec la parution des statistiques des PIB, l’été a apporté la confirmation des effets dévastateurs sur l’économie de l’interruption de l’activité au deuxième trimestre, et cela à peu près partout dans le monde. Simultanément, les indicateurs plus avancés signalent son rebond depuis. Seules varient d’un pays à l’autre l’amplitude relative du choc comme la vigueur de la reprise. Nous pouvons retenir des dernières enquêtes de conjoncture que le rebond a bien pris la forme d’un «V» dont nous avons touché la pointe. Reste à en évaluer la pérennité. La suite s’annonce en effet plus incertaine. Tout d’abord, la pandémie est toujours présente. Elle progresse encore dramatiquement dans de nombreuses régions du monde, elle continue de se manifester en Europe et aux Etats-Unis. Aussi l’économie s’en trouve-t-elle affectée. Certains secteurs d’activité tels que le tourisme, l’aviation et leurs filières au sens le plus large, sont encore en état de choc. De plus, la hausse brutale du chômage n’est qu’en faible partie effacée. L’investissement est toujours en repli. On peut s’attendre à de nouvelles défaillances d’entreprises dès l’automne, et plus encore en fin d’année – à la clôture des comptes. L’inflation a fortement reculé, tirée en partie par la baisse des prix de l’énergie. Mais elle ne suffit pas à compenser les pertes de pouvoir d’achat. L’épargne forcément accumulée pendant le confinement risque de se transformer en épargne de précaution. Les partisans d’une relance par la demande n’en seront que plus dépités. 

L’évolution actuelle de l’économie, comme celle de la pandémie,
laisse également entrevoir quelques paradoxes.

Ces constats forcent à reporter «le retour à la normale» au-delà de cette année, peut-être même après 2021. Ainsi, passe-t-on à nouveau en revue l’alphabet de la reprise, en y ajoutant le symbole de la «racine carrée» (√), qui pour le moment se dessine le plus nettement. L’évolution actuelle de l’économie, comme celle de la pandémie, laisse également entrevoir quelques paradoxes. Du côté du virus, de nouveaux foyers d’infection se déclarent un peu partout. Cependant, le nombre d’admissions en réanimation ne progresse que très faiblement, voire pas du tout. Pour certains, les populations infectées cet été sont en général plus jeunes et plus robustes, les mesures d’isolement plus efficaces. Pour d’autres, c’est le virus lui-même qui a muté, perdant en virulence ce qu’il aurait gagné en capacité de propagation. 

Sur le plan économique, on continue de s’étonner de la relative déconnexion entre performances boursières et activité économique. Rapportée au début de 2018, la pandémie apparaît en effet comme un accident dans l’ascension continue des principaux marchés boursiers du monde (au travers des indices MSCI). Si l’on zoome sur l’année 2020, le constat est plus nuancé, et l’on voit que les bourses chinoises et américaines affichent les meilleures performances, ayant dépassé leur niveau de janvier. La reprise des politiques monétaires accommodantes et la baisse des rendements ont largement contribué à soutenir ces tendances. De son côté, la Chine profite de son avance dans le cycle de la reprise et son marché intérieur s’avère plus porteur qu’on ne l’avait considéré. La bourse américaine s’appuie largement sur ses GAFAM et autres tech. Le retard des bourses européennes et japonaises semble plus conforme à la forme de la reprise, comme à la composition sectorielle des indices de ces régions. Certaines valorisations, comme un nouvel engouement pour la bourse, font cependant craindre la formation de bulles prêtes à éclater.

L’automne apportera son lot des plans de relance,
notamment en Europe et aux Etats-Unis.

Plus largement, la crise met en lumière quelques dures réalités. Les écarts se creusent: entre les pays, au travers des pertes subies (humaines et économiques) et par l’inégalité des moyens financiers dont ils disposent pour soutenir leur économie et leur population. Au sein même de celles-ci ensuite, du fait de la montée du chômage et multiples précarités qui en découlent. Au plan international, la guerre commerciale et technologique entre les Etats-Unis et la Chine, la défiance grandissante que suscite cette dernière, pèsent sur le commerce mondial et font craindre une «balkanisation» industrielle et technologique du monde. Enfin, les problèmes économiques de plus long terme sont apparus plus clairement au grand jour. La transition énergétique a pris en nouvel élan, mais la lutte pour l’accès aux énergies fossiles s’est également intensifiée, en Méditerranée notamment. La préservation de l’eau, l’accès aux ressources alimentaires préoccupent aussi les Etats et les investisseurs, alors que d’importants projets d’infrastructures pourraient être reportés ou abandonnés faute de moyens. 

L’automne apportera son lot des plans de relance, notamment en Europe et aux Etats-Unis. Ces derniers, paralysés par l’échéance présidentielle, devraient néanmoins prendre des mesures économiques d’urgence principalement en faveur du pouvoir d’achat. L’Union européenne est tombée d’accord sur un plan d’aide commun, qui pourrait s’activer d’ici l’an prochain, parallèlement à de nombre d’initiatives nationales prises par ses Etats-membres.

Un vaccin pour la santé, une perfusion bien dosée pour l’économie!

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