Cartographie de la rentrée: la démocratie menacée

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le COVID-19 accélère les tensions politiques autant qu’il en constitue un prétexte commode. Un investisseur responsable peut-il s’y retrouver?

Plus que jamais, la trêve estivale sur nos plages s’avère une illusion. Les tensions internationales et les violences politiques, comme en témoignent les assassinats récents de personnels humanitaires, n’ont jamais pris de vacances. Pire encore, elles profitent des nôtres. La pandémie du COVID-19 de son côté autoriserait plutôt les abus de pouvoir. Certains refusent d’y céder, parfois même alors que leur survie économique voire même alimentaire est en jeu. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous tenterons de faire le point autour de quelques thèmes de cette actualité.

Rappelons tout d’abord que la lutte pour contenir la pandémie n’est ni terminée ni gagnée. Celle-ci pèse déjà durement sur nos sociétés tout entières. Facteur d’aggravation des inégalités jusqu’à la précarité extrême, la pandémie attaque le tissu social. Même en Europe, où il semblait maîtrisé, le COVID-19 continue d’entraver nos activités. La reprise – encore modérée - de foyers infectieux au cours de l’été exacerbe un peu plus les relations au sein de la société et entre les pays. Ces tensions se manifestent dans des faits divers violents individuels ou collectifs (agressions autour du port du masque, rassemblements sauvages, manifestations), comme dans les décisions abruptes des autorités (quarantaines ou fermetures unilatérales de frontières quasiment sans préavis, couvre-feux etc.…).

La course au vaccin attise les rivalités nationales.

Par ailleurs, les rivalités entre grandes puissances ne se sont pas non plus mises en congé. La «guerre commerciale» entre la Chine et les Etats-Unis bat son plein, dorénavant sur le terrain de la technologie où les deux pays se barrent la route et montent le ton. Dans ce domaine, le rapport de force encore en faveur de l’Amérique lui permet de marquer des points face à la Chine qui fait le dos rond en attendant l’issue de l’élection présidentielle du 3 novembre. La rivalité des deux puissances est également montée d’un cran sur le plan diplomatico-militaire (fermetures de consulats et renvois des personnels diplomatiques, interventions en Mer de Chine, pressions sur les alliés et les «obligés»). De plus, la course au vaccin attise les rivalités nationales. La Russie se dit quasiment prête, les autres puissances sponsorisent également tels ou tels laboratoires. A leur seul avantage? De son côté, la Turquie avance en Méditerranée et défie ses voisins grecs et ses alliés de l’OTAN. Au même moment, l’Amérique de Donald Trump rue dans les brancards de l’Organisation et accroît la défiance de ses alliés les plus fidèles par ses initiatives (déplacement de contingents d’Allemagne vers la Pologne, tournée du Secrétaire d’Etat Mike Pompeo en Europe Orientale uniquement).

Enfin, si les gouvernements dits populistes ont à peu près partout fait la preuve de leur incurie durant la pandémie, peu ont été sanctionnés à ce jour. Il aura fallu la terrible explosion du port de Beyrouth pour pousser le premier ministre à la démission dans un pays déjà ravagé par la crise économique, la corruption et la maladie. Au contraire même, certains en ont profité pour renforcer leur emprise sur leur pays. Le premier ministre hongrois a usé de la pandémie pour se faire attribuer des pouvoirs exceptionnels, et ce pour une durée indéterminée. Le cas le plus emblématique est celui de Hong Kong où la mise au pas des opposants s’intensifie, alors que les élections législatives prévues en septembre ont été reportées officiellement d’un an. Cette fois-ci l’élection présidentielle en Biélorussie a suscité une vague de protestations malgré les répressions. Ce fut le cas également aux confins de la Russie après l’arrestation du gouverneur de la région de Khabarovsk. Aux Etats-Unis, la convention du parti Démocrate, organisée à distance, lance la campagne présidentielle sur fond de polémique quant à la tenue même du scrutin alors que le Congrès reprend en urgence sa session pour tenter de s’accorder sur un plan de soutien économique.

La difficulté réside dans la volonté d’aider les peuples et de soutenir
l’économie sans pour autant renforcer les pouvoirs discrédités.

Dans ce contexte, les investisseurs peuvent-ils influencer le cours des évènements? La difficulté réside souvent dans la volonté d’aider les peuples et de soutenir l’activité économique sans pour autant renforcer les pouvoirs discrédités. Le dilemme n’est pas nouveau. Certains trouveront cette question totalement utopique. D’autres nous renverront cyniquement aux professionnels des grandes causes… Cependant les investissements ISR (investissement socialement responsable), qui intègrent dans leur charte d’engagement le respect des Droits de l’Homme et la lutte contre la corruption, pèsent de plus en plus dans les flux de capitaux mondiaux.

La rentrée politique et géopolitique, sous le joug de la pandémie, sera d’autant plus tendue que l’activité économique reste morose. Un autre vaccin, vite!

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