Les primes ou marges sur les obligations d’entreprises, soit l’écart de rendement entre dettes d’entreprises exposées à un défaut de paiement et obligations d’Etat sans risque, demeurent basses. Un atterrissage en douceur (soft landing) de l’économie mondiale est escompté par les investisseurs. Les écarts de rendement entre les dettes souveraines se sont également réduits au sein de la zone euro, cependant que l’endettement des Etats continue d’augmenter.
C’est une des conclusions clés émises jeudi à Zurich lors du congrès annuel sur les obligations (Swiss Bond Congress), organisé jeudi dernier par la firme d’analyse de crédits et ratings, Independant Credit View (I-CV), et le gérant d’actifs Fisch Asset Management. «Le marché semble même insouciant», lance Fabian Keller, analyste chez Fisch AM. Ce constat est valable aussi bien pour les emprunts en francs suisses qu’en euros.
Manque de différenciation des risques
Une différenciation des risques manque s’agissant des emprunts en francs suisses et en euros d’entreprises qui bénéficient d’une notation de crédit A ou BBB de l’agence de notation Standard & Poor’s. Cependant, le niveau moyen des rendements absolus pour une durée de 5 ans demeure intéressant de prime abord, aux alentours de 3% et entre 1% et 1,5% respectivement en euro et en franc. Avec, en filigrane, une inflation qui semble maîtrisée et un mouvement à la baisse des taux d’intérêt. Mais le risque d’une recrudescence inflationniste à plus long terme existe, d’après Beat Thoma, CIO de Fisch AM, et Matthias Geissbühler, directeur des investissements chez Raiffeisen Suisse.
Comparaison ABB et Georg Fischer
En même temps, on constate un cycle persistant et au-dessus de la moyenne des défaut de crédit des entreprises en Europe. «S&P se montre sans doute trop optimiste», juge Fabian Keller. Globalement, la situation des entreprises européennes et suisses n’est pas mauvaise malgré l’anticipation d’une pression sur les marges d’exploitation et une hausse du ratio dettes financières nettes sur EBITDA (excédent brut d’exploitation) pour les secteurs des biens d’équipement, de la chimie, de l’emballage et des sous-traitants automobile. La plupart des entreprises démontrent une allocation disciplinée de leur capital.
Le stress-test en cas de récession conduit par I-CV montre par exemple qu’ABB, leader mondial des technologies d’électrification et d’automatisation, apparaît plus robuste que le groupe Georg Fischer (systèmes de tuyauterie, sous-traitance automobile et machines) en termes de capacité à rembourser sa dette.
L’exemple Stadler Rail
Autre exemple de discipline financière présenté lors de ce congrès: Stadler Rail. Le fabricant de véhicules ferroviaires maîtrise bien sa situation financière ainsi que ses investissements et son fonds de roulement net, qui se caractérise par un cycle de 3 à 5 ans. Son endettement net se montait à 108 millions de francs à fin juin dernier. Même si son CFO, Raphael Widmer, concède que Stadler Rail n’a pas tenu toutes ses promesses, ses dirigeants entendent fermement corriger cela.
Stadler Rail, qui opère de plus en plus comme un fournisseur de systèmes intégrés, occupe une position de leader sur le plan technologique, ce qui lui assure une forte position sur le marché. Il intensifie sa stratégie de croissance rentable à travers la signalisation et le service, qui sont moins gourmands en capital.
La qualité l’emporte sur le risque
Si certaines branches comme le commerce de détail, l’industrie automobile ou l’industrie du voyage sont sur le déclin, d’autres se montrent plus résistantes en termes de levier financier et de marge EBITDA. Tels par exemple le secteur des techniques médicales où il convient de se concentrer sur des émetteurs d’emprunts avec des solides positions de marché, un pouvoir de fixation des prix, une forte génération de cash-flow et un pipeline de produits robuste. Entre autres Danaher, Medtronic et Stryker.
Plus largement, des émetteurs en francs suisses comme Aéroport de Genève, EDF, Glencore, Ferring ou Galderma sont dignes d’Intérêt, d’après I-CV. De même qu’Astrazeneca, Medtronic, BP, Heineken, BAT ou Veolia en euros.
Dans le contexte actuel, la qualité l’emporte sur le risque, en respectant une marge de sécurité. Un investisseur doit faire preuve d’habilité en termes de primes de risque et de duration, résume Thomas Fischli-Rutz, gérant de portefeuille chez Fisch AM.