Baloise est un des plus grands propriétaires immobiliers institutionnels de Suisse. Environ 80% de son portefeuille immobilier se composent de logements (plus de 13'000 appartements), dont le rendement ne peut pas dépasser 3,75%. Son rôle est parfois critiqué en matière de loyers par différentes organisations, dont l’Asloca (Association suisse des locataires). La seule façon pour contenir les loyers et satisfaire la forte demande de logements est de renforcer l’offre, et non de la paralyser, selon Jean-Pierre Valenghi, directeur du secteur immobilier de Baloise Group.
Comment jugez-vous la situation du marché suisse de l’immobilier après plus de 20 ans de hausse, bien qu’il faille différencier par segment?
La stabilisation des taux d’intérêt après leur remontée a conduit à une stabilisation du marché immobilier. Celle-ci signifie que l’on a retrouvé, du point de vue de l’investissement, un «spread» ou écart de rendement entre 1,5% et 2,0% par rapport aux taux sans risque des obligations de la Confédération à 10 ans. Alors qu’il était plus grand lorsque les taux étaient négatifs.
Certes, il faut distinguer suivant les régions. En périphérie, le risque paraît plus élevé que dans les grands centres urbains, notamment Zurich et Genève, tant en ce qui concerne les habitations que les bureaux. En d’autres termes, un risque plus bas justifie un rendement plus modeste, dès lors que le cash-flow récurrent, dont nous avons besoin, se révèle plus stable.
Il est important de rappeler qu’environ 80% du portefeuille immobilier de Baloise se composent de logements et nous sommes tenus légalement à un rendement maximal qui correspond au taux d’intérêt de référence pour les loyers (actuellement de 1,75%) plus deux points de pourcentage.
Comment est déterminé le rendement net?
Le rendement net est à juger, d’une part, sur la base des moyens investis par le propriétaire dans l’immeuble et, de l’autre, sur celle du revenu net issu de ce capital investi, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral.
«La demande croissante est estimée à 50'000 logements par an dans les prochaines années.»
Le rendement net au sens de l’article 269 du code des obligations (bail à loyer et à ferme) est admis selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et n’est donc pas abusif, aussi longtemps que le «supplément» qui peut être ajouté au taux hypothécaire de référence ne dépasse pas deux points de pourcentage, et dans la mesure où le taux de référence est égal ou inférieur à 2%. C’est pourquoi le rendement maximal autorisé s’élève actuellement à 3,75%, soit le taux de référence de 1,75% plus deux points de pourcentage.
La hausse des loyers devient préoccupante pour une partie de la population, spécialement dans les grande villes…
Il faut rééquilibrer l’offre et la demande, en construisant plus de logements au lieu de durcir le droit du bail; un durcissement amplifie la pénurie de logements et renchérit les loyers. Il est urgent de prendre des mesures efficaces pour répondre à la demande croissante estimée à 50'000 logements par an dans les prochaines années par l’«Alliance suisse pour le logement», en créant l’offre nécessaire. La situation est particulièrement cruciale à Bâle-Ville.
Qu’en est-il exactement de la situation dans le canton de Bâle-Ville?
C’est le premier canton suisse alémanique à avoir introduit un contrôle des loyers. Pour l’heure, nous n’entreprenons plus de rénovations nous concernant. Car le rendement qui en découle pour nous est trop bas, bien en deçà du rendement net situé dans une marge de 2% à 4%, que nous visons et que nous devons atteindre pour satisfaire nos obligations en tous temps envers nos assurés. Nous devons générer un cash-flow pérenne qui nous permette d’assumer nos obligations.
Le renforcement de la protection des locataires à Bâle-Ville n’est-il pas aussi la conséquence d’assainissements prématurés?
Nous rénovons quand c’est techniquement nécessaire et respectons à cet égard une planification à long terme. Baloise n’agit pas comme un spéculateur, mais à long terme, en fonction de la durée de vie des objets en portefeuille.
Baloise s’efforce de diminuer la consommation d’énergie de son parc immobilier, principalement en rénovant les bâtiments les plus anciens ou en les remplaçant, avec de nouveaux projets de construction, ceci à des fins d’optimisation énergétique. Ce qui permet d’abaisser les frais d’exploitation dont s’acquittent nos locataires.
Nous devons également faire preuve d’imagination en revalorisant des anciens sites industriels, pour créer des quartiers urbains attractifs, ouverts, diversifiés et innovants, à l’instar du projet du quartier de Klybeck au nord de Bâle. Lequel est ouvert à des formes de cohabitation variées et à différentes générations, catégories de revenus, nationalités et cultures. Rien qu’à Rhystadt-Areal, dans laquelle nous sommes engagés, plus de 3000 nouveaux logements pour des besoins divers à Bâle doivent être mis à disposition.
«C’est à Genève que l’on trouve les loyers les plus élevés et le moins bon état des logements.»
Quelle est la situation dans le canton de Genève?
Le taux de logements vacants était inférieur à 1% le 1er juin 2023, selon l’Office fédéral de la statistique. On considère le marché équilibré lorsqu’il affiche un taux de vacance de 1,5%. Or c’est dans le canton de Genève que l’on trouve les loyers les plus élevés et le moins bon état des logements, malgré les mesures de protection des locataires.
Est-ce mieux que dans le canton de Zurich où le taux de vacance est inférieur à 1% depuis les années 2000?
Ce n’est pas mieux que le canton de Zurich où la demande demeure très forte, surtout si l’on prend les logements de 3 et 4 pièces. Une initiative pour des loyers abordables est d’ailleurs en cours dans ce canton.
Quelle est la politique du canton de Genève?
La politique du logement qui y menée se concrétise surtout dans les zones de développement, c’est-à-dire dans les nouveaux quartiers de logements. Cela n’empêche pas d’avoir une situation tendue dans ce canton, avec un taux de logements vacants inférieur à 0,5%. Le contrôle exercé par l’Etat n’aide pas vraiment à améliorer la situation du logement.
Y a t-il une forte inflation en matière de coûts de construction?
Les coûts de construction ont augmenté de 14% si l’on prend la période allant de 2020 à 2023. Cette hausse concerne l’ensemble des régions en Suisse. Sans oublier des normes plus strictes concernant les constructions et les rénovations.