De capex et d’épée

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Angoisses inflationnistes ou nouvelle ère d’essor économico-industriel?

Et si toutes les angoisses inflationnistes de ces derniers mois n’étaient que de fausses alarmes? Si elles se trouvaient balayées devant la perspective d’un nouveau cycle d’investissement global propre à relever la croissance potentielle de nos économies et nous ouvrir une nouvelle ère d’essor économico-industriel?

Sans aucun doute, le rebond soudain de la demande finale, combiné aux changements d’habitudes de consommation et à l’accélération de la transformation industrielle, sont en train de pousser les prix finaux1, et cela se mesure d’ores et déjà dans les plus récents indices. D’autres enquêtes suggèrent que les ménages – notamment aux Etats-Unis – sont en train de relever leurs anticipations d’inflation à moyen terme, au-delà même de celles du marché.

La perspective d’une reprise de l’activité, soutenue à grande échelle par la dépense publique, et ce sur plusieurs années, ne peut que conforter ces craintes et fait ressurgir les scénarios de montée progressive puis d’accélération de l’inflation qui ont marqué la fin des années 60, jusqu’aux chocs pétroliers de la décennie suivante. De fait, après le choc de la pandémie, l’output gap est en train de se refermer bien plus rapidement que lors de la crise de 2008.

Le secteur pétrolier ne semble pas au diapason, plus enclin à la consolidation et au désendettement, et satisfait de laisser les prix de l’énergie progresser.

Croissance de l’activité supérieure à son potentiel, goulets d’étranglements, altération des anticipations de prix du fait des modifications des objectifs des banques centrales2, accroissement des dettes, c’est pour beaucoup le cocktail parfait pour un retour durable de l’inflation.

Pourtant, et comme le rapporte le magazine The Economist3, le paysage de 2020 et de ce début d’année est marqué par la résistance puis le rebond spectaculaire de l’investissement des entreprises. Ainsi, dès l’année dernière en France, l’INSEE notait que contrairement aux cycles précédents, la baisse de l’investissement des entreprises n’avait pas été plus marquée que celle du PIB, ce que l’institut considérait comme inhabituel et de bon augure. De même, les entreprises américaines du S&P500 seraient prêtes à accélérer leurs investissements productifs, incitant de nombreux experts à prévoir un nouveau boom. Sans surprise, les entreprises les plus promptes à s’engager dans cette voie se retrouvent dans le secteur de la tech, et plus particulièrement autour de l’industrie des semi-conducteurs. Les changements d’habitude de travail entraînent également des besoins d’équipements nouveaux qu’il faudra satisfaire. Nous avons déjà évoqué l’accélération de la conversion de l’industrie automobile vers l’électrique. Cela ne concernera pas forcément tous les secteurs. Les conséquences de la pandémie se font encore durement sentir dans certaines activités telles que le tourisme, ou encore le transport aérien. Les mouvements de concentrations industrielles ne favorisent pas l’investissement. De même, le secteur pétrolier – et notamment aux Etats-Unis – ne semble pas au diapason, plus enclin à la consolidation et au désendettement, et satisfait de laisser les prix de l’énergie progresser.

Ce rebond concernerait néanmoins un pan majoritaire de l’économie et refléterait la montée en puissance de nouvelles industries et le déploiement de leurs capacités. Le Président Joe Biden vient de réitérer son intention de soutenir l’investissement par un plan de relance pluriannuel gigantesque. De son côté l’Europe entend accompagner ces efforts au travers de son plan baptisé «Next Generation». De telles propositions participeraient de l’impulsion générale vers un nouveau cycle d’investissements. Le FMI prévoit de son côté un rebond de la contribution des investissements dans l’économie en Europe comme aux Etats-Unis.

Conjurer l’inflation par l’investissement, aux yeux de nombreux experts, ce serait bien là le retour aux sources d’un keynésianisme triomphant. La course est désormais lancée.

 

1 Voir entre autres notre éditorial du 18 mai 2021: «Y-aura-t-il de l’inflation à Noël?»
2 Après la Réserve Fédérale, la revue de sa politique, entamée par la BCE devrait aboutir aux mêmes résultats.
3 The Economist «The coming capex carnival» May 29th 2021

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