Commentaire hebdomadaire de Raiffeisen

Raiffeisen Suisse CIO Office

2 minutes de lecture

La pression à la hausse sur le franc suisse se maintient. Les avantages que les consommateurs suisses tirent du shopping chez nos voisins de la zone euro mettent la BNS face à un véritable dilemme.

Manipulation de la monnaie, un dilemme suisse. Jusqu’à la fin des années 1990, c’est en files serrées que les Munichois franchissaient, plus d’un samedi, le col du Brenner pour faire les courses dans le Tyrol du Sud. Beaucoup de Bavarois ne se réjouissaient pas seulement à la perspective de déguster des ravioles sur l’Alpe de Siusi, mais aussi de pouvoir remplir leur garde-manger à bon prix en profitant de la faiblesse de la lire. L’introduction de l’euro a freiné le tourisme d’achat, mais comme souvent dans la vie, l’histoire se répète, simplement à un autre moment et dans un autre lieu. Aujourd’hui, ce ne sont plus les Bavarois qui se pressent vers le sud, mais les Suisses vers le nord. Les petites villes du sud de l’Allemagne comme Constance ou Friedrichshafen sont devenues, grâce à la force du franc suisse, de véritables destinations pour les touristes du shopping. Et ce n’est pas près des’arrêter. En effet, une appréciation durable de l’euro semble peu probable à l’heure du coronavirus et du problème de la dette publique dans la zone euro. Dans le même temps,la BNS continuera sans doute à se servir de tous les instruments dont elle dispose pour empêcher que le taux de change EUR/CHF ne chute au-dessous de la barre de 1,05.

Les taux de change revêtent une grande importance. Ils commandent tant les flux commerciaux que leur volume, comme le démontre l’exemple ci-après. Ils ont donc une incidence directe sur les comptes de la nation. C’est pourquoi, le ministère des finances américain vérifie deux fois par an si les 20 principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis appliquent une politique de change équitable. Concrètement, le but est qu’aucun de ces pays ne se procure des avantages commerciaux en dévaluant ou réévaluant sa monnaie de manière ciblée au moyen d’interventions sur le marché des changes. Pour définir un pays comme étant «manipulateur de la monnaie», les autorités américaines ont retenu trois critères. Primo, l’excédent commercial d’un pays avec les Etats-Unis ne doit pas dépasser 20 milliards de dollars sur une période de douze mois. Secundo, l’excédent de la balance des paiements courants du pays concerné ne doit pas excéder le seuil de 2% de sonproduit intérieur brut (PIB). Et tertio, les interventions unilatérales de ce pays sur le marché des changes pendant plus de six mois ne sont tolérées qu’à hauteur de 2% de son PIB. Du moment qu’un pays satisfait à deux de ces critères, il est d’office placé sous la surveillance des autorités à Washington. S’il remplit tous les trois critères, il est qualifié de manipulateur de la monnaie et doit s’attendre à des sanctions, comme les droits de douane, par exemple.

L’excédent de la balance des paiements courants de la Suisse pendantles quatre derniers trimestres représente 11,2% de son PIB. La balance commerciale sur 12 mois présentait fin mai, par rapport aux Etats-Unis, un excédent de près de 44 milliards de dollars. Deux des trois valeurs-seuils ont donc été clairement dépassées. La situation n’est pas aussi claire concernant les interventions unilatérales sur le marché des changes. En effet, ce critère est parfois réuni, parfois non, en fonction de la période considérée. Même si la Suisse s’en tire à bon compte selon le prochain rapport du ministère des finances américain, elle reste empêtrée dans son dilemme. Dans la mesure où la BNS poursuit sa politique actuelle, sa qualification comme manipulateur de la monnaie n’est qu’une question de temps. Concernant les exportations, la zone euro est, certes, avec une part de 30%, le principal partenaire commercial de la Suisse (Etats-Unis: environ 15%), mais les sanctions qui menacent freineraient l’économie nationale. Si en revanche la BNS, contrairement à ce que nous pensons, se décidait à laisser le franc s’apprécier, le désavantage concurrentiel qui en résulterait ferait peser une forte pression sur les exportations et conduirait plus d’une PME à la ruine. Aussi peu séduisantes que soient ces deux options, il vaut mieux avoir l’embarras du choix que l’embarras sans choix.

Graphique de la semaine

On obtient le rendement réel d’une obligation, en déduisant l’inflation de son rendement nominal. Les rendements réels des obligations d’Etat US ont vécu des montagnes russes, en raison de la politique expansionniste monétaire de la Fed. La rémunération réelle est même tombée à son plus bas historique de -1,02% contre 1% il y a encore dix ans.

GROS PLAN

Les vêtements bon marché, les accessoires vélo plus chers. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), les prix à la consommation en Suisse ont baissé de 0,2% en juillet en glissement mensuel. En glissement annuel, l’évolution est de -0,9%. C’est surtout pour l’achat de vêtements et de chaussures que les consommateurs ont pu profiter des prix qui ont chuté de 7,2%. En revanche, les prix des voyages par avion et l’entretien des vélos ont pris l’ascenseur, 5,8% et 8,5% respectivement.

LE PROGRAMME

Première séance du Conseil fédéral après l’été. Le 12 août, le Conseil fédéral se réunira pour la première fois depuis début juillet. La pandémie provoquée par le coronavirus devrait être l’un des principaux points à l’ordre du jour.

A lire aussi...