Chine: le signe noir de 2022?

Axel Botte, Ostrum AM

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Les marchés intègrent le risque chinois, mais la recherche de rendement réduit encore les spreads en Europe.

© Keystone

Le silence forcé des banquiers centraux américains avant le FOMC du 22 septembre rend le marché plus soucieux des considérations géopolitiques et du risque conjoncturel chinois. Les marchés financiers observent avec inquiétude les négociations budgétaires aux Etats-Unis. Les tensions sont vives entre la France et les États-Unis au sujet de la vente de sous-marins nucléaires à l’Australie. La manœuvre américaine vise clairement à contenir l’expansion chinoise dans la région. En Chine, la faillite du promoteur immobilier d’Evergrande pose la question du risque de crédit sur fond de ralentissement brutal de l’activité. Par ailleurs, l’échéance trimestrielle de produits dérivés sur les actions engendrait en fin de semaine une certaine nervosité. La baisse d’1% sur cinq séances des actions européennes s’accompagne d’une volatilité intra-journalière élevée. Le repli des métaux (la tonne de fer repasse sous 100 dollars) semble aussi lié au risque chinois. Les stocks de pétrole et de gaz insuffisants poussent en revanche les prix de l’énergie à la hausse.

La situation conjoncturelle américaine demeure solide

Les ventes au détail ont rebondi de 0,7% en août, une hausse étonnamment forte compte tenu du niveau actuel de la demande de biens. Selon Redbook, les chiffres d’affaires hebdomadaires restent bien orientés en septembre. Le consommateur américain perçoit néanmoins la hausse de l’inflation des biens durables et de l’immobilier. La pérennité du cycle économique américain dépendra étroitement de la dynamique des prix. L’inflation et la problématique du plafond de la dette fédérale pèsent sur les discussions en cours au Congrès américain. Outre le plan bipartisan de 500 milliards de dollars, le second volet des dépenses d’infrastructures sera sans doute réduit à 1’500 milliards de dollars sur dix ans. Le projet initial s’élevait à 3'500 milliards de dollars. La réunion du FOMC prévue le 22 septembre intervient donc dans un contexte délicat. L’annonce du tapering attendra probablement novembre ou décembre mais le marché devra intégrer un nouveau jeu de prévisions de taux à l’horizon de 2024. Gageons que Jerome Powell saura trouver les mots pour atténuer la portée de ces nouvelles projections.

Les grandes banques chinoises sont exposées et d’autres promoteurs immobiliers sont attaqués en bourse par mimétisme.
Le T-note s’est dégradé vers 1,37% en fin de semaine

L’inflation publiée à 5,3% en août avait engendré un rally vers 1,26% avant que La publication des ventes au détail n’inverse le mouvement. Le spread 5-30 ans (54pb) se resserre fortement de 7pb. La sous-performance du 5 ans est révélatrice de la prudence des intervenants avant l’extension à 2024 des prévisions de taux de la Fed. En zone euro, le Bund casse le seuil de -0,30%. Les rumeurs d’une révision haussière des perspectives de l’inflation par la BCE et d’un relèvement des taux dès 2023 ont animé les échanges. La tendance à la pentification se confirme sans préjudice aux spreads souverains. Le BTP italien à 10 ans fait une incursion sous la barre des 100pb avant de clore la semaine à 101bp. Notons néanmoins que l’état italien prévoit 3,5 milliards d’euros pour alléger la facture énergétique des ménages. La France a décidé un plan d’aide similaire alors que les prix du gaz sont en forte leur hausse. Les nombreuses émissions souveraines et d’agences rencontrent toujours une demande forte de la part des investisseurs, notamment les obligations vertes de l’EIB (5 ans), de la KfW ou encore de l’Union Européenne lancées cette semaine. Le programme de l’UE prévoit encore 26 milliards d’euros d’émissions au dernier trimestre pour financer le plan de relance NextGen. La Grèce étudierait en outre le lancement d’une GGB verte.

Le crédit était encore bien orienté cette semaine

La compression des spreads se poursuit, la recherche de rendement s’exprimant en priorité sur les titres hybrides en resserrement de 8pb ou les dettes subordonnées financières. Le marché du crédit européen sera vert ou ne sera pas. L’activité primaire évaluée à 15 milliards d’euros de transactions fait la part belle aux émissions vertes ou soutenables (13 des 23 transactions de la semaine).

Concernant le high yield, le marché primaire est resté actif avec 2,3 milliards d’euros de transactions dont l’essentiel de nouveaux financements (2 milliards d’euros). Les spreads continuent de se resserrer dans la droite ligne de la thématique de compression de l’investment grade. Le spread moyen du high yield européen se réduit de 9pb à 281pb. L’activité reste soutenue sur le marché secondaire. Des nouvelles au sujet d’une foncière allemande ont toutefois provoqué un surcroit de volatilité en fin de semaine. Des hedge funds semblaient à la manœuvre pour appuyer la baisse. Les tendances sont similaires aux Etats-Unis où les spreads du high yield se compriment de 8pb. En Asie, la situation d’Evergrande est préoccupante. Les rendements sur le segment du high yield chinois ressortent à 14% contre 6 à 8% en début d’année. Les grandes banques chinoises sont exposées et d’autres promoteurs immobiliers sont attaqués en bourse par mimétisme. La PBoC a tenté de calmer les marchés en injectant des liquidités. Il sera primordial de surveiller l’évolution des flux de capitaux, toute sortie désordonnée provoquerait sans doute une réaction des autorités.

Enfin, les marchés d’actions ont connu une semaine volatile sans réelle tendance mais la nervosité des intervenants est palpable. Le rebond du baril de brut au-delà de 75 dollars favorise le secteur alors qu’un rebond des cycliques décotées semble mener la cote européenne. En outre, la tension des taux en fin de semaine pesait sur les indices américains.

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