Approche prudente

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin Asset Management

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L’impact de l’épidémie, en particulier sur les prochains trimestres, est actuellement très incertain et il est fort probable qu’il soit sous-estimé.

Rétrospective: une période exceptionnelle

La propagation rapide du coronavirus a déclenché un vent de panique sur les marchés financiers mondiaux à la fin du mois de février. L’indice VIX, qui sert de baromètre de l’aversion pour le risque des investisseurs, a atteint son plus haut niveau depuis février 2018. Les marchés des actions ont corrigé de 10 à 15% par rapport à leurs plus hauts.

La Fed a reconnu la gravité de la situation et, pour la première fois depuis 2008, a réduit les taux directeurs de 50 points de base lors d’une réunion extraordinaire. D’autres pays devraient également prendre des mesures monétaires et budgétaires afin d’éviter une baisse plus prononcée et plus durable de la croissance.

Perspective macroéconomique: un simple trou d’air?

Après les prémices de redressement de la conjoncture de ces derniers mois, les attentes relatives à la croissance économique ont fortement baissé au premier trimestre sous l’effet du coronavirus. L’impact de l’épidémie, en particulier sur les prochains trimestres, est actuellement très incertain et il est fort probable qu’il soit sous-estimé. La forte dépendance des chaînes d’approvisionnement mondiales à l’égard de la Chine et la part élevée de celle-ci dans la valeur ajoutée brute mondiale incitent en tout état de cause à la prudence. Nous ne disposons toujours pas de données économiques fiables concernant l’économie chinoise depuis l’apparition de l’épidémie. Toutefois, l’indice chinois des directeurs d’achats est d’ores et déjà tombé à un plus bas en février. Entre-temps, le gouvernement de Pékin a également pris les premières mesures budgétaires et monétaires pour limiter l’impact sur l’économie et les marchés des capitaux.

Même si une nouvelle augmentation des primes de risque est possible
à court terme, leur niveau actuel paraît attrayant à moyen terme.

En raison de la forte interdépendance économique de l’Europe et des marchés émergents, et de la Chine en particulier, le Vieux Continent sera gravement touché, comme il l’a déjà été par la guerre commerciale. En particulier, les perspectives économiques de l’Allemagne, première économie de la zone euro, paraissent moroses. Selon le Centre européen de recherche économique, les répercussions potentiellement négatives du coronavirus pèsent particulièrement sur les perspectives des secteurs très exportateurs. M. Scholz, le ministre fédéral des Finances, a déjà promis un plan de relance économique en cas de graves répercussions sur l’économie. Aux États-Unis, les données macroéconomiques ont jusqu’à présent été globalement meilleures que prévu. La consommation est stable et représente une base solide de développement économique. Néanmoins, là-bas également, le coronavirus pourrait entraîner un ralentissement de la croissance.

Obligations: rendements au plus bas

Compte tenu des risques grandissants pour la croissance, la Fed a réduit les taux directeurs de 50 points de base début mars, un rythme plus rapide que prévu. D’autres banques centrales devraient lui emboîter le pas. Même avant le récent regain d’incertitude sur les marchés financiers, les rendements avaient déjà nettement baissé dans presque toutes les régions en raison de la montée des risques pour la croissance émanant de la Chine. Au cours des récentes turbulences, les investisseurs se sont repliés sur les valeurs sûres, ce qui a entraîné une très forte hausse des cours des obligations d’État américaines. Les rendements des obligations à 10 ans et à 30 ans ont atteint de nouveaux plus bas. En contrepartie, les primes de risque de crédit ont sensiblement augmenté ces dernières semaines.

Même si une nouvelle augmentation des primes de risque est possible à court terme, leur niveau actuel paraît attrayant à moyen terme. Nous continuons de surpondérer les obligations à haut rendement et la dette des marchés émergents, qui nous paraissent également intéressantes. Les obligations des marchés émergents en monnaie locale ont été à la peine ces derniers temps en raison de la fermeté du dollar américain et de la montée de l’aversion pour le risque. Cependant, le nouveau cycle de baisse des taux d’intérêt amorcé par la Fed pourrait entraîner une faiblesse durable du dollar et soutenir la classe d’actifs.

Actions: revirement rapide du sentiment

L’indifférence des investisseurs à l’égard de l’impact économique du coronavirus avait conduit à des niveaux de valorisation extrêmement élevés sur les marchés boursiers mondiaux début février. Par la suite, la propagation du virus en dehors des frontières de la Chine a entraîné de fortes turbulences. Les secteurs cycliques ont été particulièrement touchés. Cette correction se caractérise par sa rapidité. Les marchés boursiers américains et les principaux indices européens ont subi des baisses allant parfois jusqu’à 15% en seulement six jours. Certains indicateurs tactiques, tels que les indices de force relative (RSI), par exemple, ont affiché des niveaux survendus.

La forte augmentation des cas de coronavirus constitue
un environnement défavorable aux placements à risque à court terme.

Toutefois, en règle générale, les corrections ne durent pas quelques jours. Dans la majeure partie des cas, plusieurs semaines sont nécessaires pour qu’un plancher se forme. Compte tenu de la forte valorisation des marchés au début de cette correction, il pourrait s’écouler encore plus de temps avant que la pression baissière n’arrive à son terme.

Allocation d’actifs: dans l’attente de visibilité

Bien qu’un ralentissement brutal de la croissance semble inévitable au premier et au deuxième trimestre, nous prévoyons une nette reprise de l’économie mondiale au second semestre. Les premières mesures de politique monétaire et budgétaire ont déjà été adoptées ou annoncées dans les pays industrialisés et émergents. La question n’est donc plus de savoir si ces mesures seront mises en œuvre, mais quelle sera leur efficacité compte tenu de la nature des distorsions de l’offre et de la demande. La forte augmentation des cas de coronavirus constitue un environnement défavorable aux placements à risque à court terme.

Depuis le début de l’année, notre exposition au risque est plus ou moins neutre au sein de nos portefeuilles. En février, nous avons pris des bénéfices sur certaines positions en actions afin de légèrement réduire le risque des portefeuilles. Compte tenu du niveau élevé d’incertitude, les risques de baisse des placements en actions paraissent légèrement supérieurs à leur potentiel de hausse, de sorte que nous continuons de légèrement sous-pondérer la classe d’actifs. Nous attendons d’avoir davantage de visibilité sur l’évolution future de l’économie ou que les cours atteignent des niveaux plus intéressants, compensant de manière adéquate le niveau de risque accru. Entre-temps, nous avons accru notre volant de liquidités afin d’ajuster notre allocation aux actions de façon opportuniste et flexible. Grâce à notre approche prudente, nous sommes jusqu’à présent bien positionnés.

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