Perspectives conjoncturelles favorables en Romandie et en Suisse

Communiqué, Institut CREA

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Le point le plus bas atteint fin 2020 constitue la plus faible dynamique conjoncturelle observée depuis la récession liée à la crise financière de 2008.

Tant en Suisse qu’en Suisse romande, le baromètre conjoncturel de l’Institut CREA a poursuivi sa hausse au deuxième trimestre après avoir atteint un creux en fin d’année passée. Les indices suisse et romand se situent légèrement en-dessous de leur équilibre de long terme, respectivement à 99.4 et 99.1. Ils repassent en zone d’expansion au troisième trimestre et affichent au quatrième trimestre des niveaux proches de ceux atteints lors des phases de croissance soutenue en 2000 et en 2007. Alors que les perspectives conjoncturelles restent favorables pour les prochains mois, elles n’en demeurent pas moins incertaines, notamment en raison des mesures récentes mises en place pour endiguer la propagation du coronavirus.

SELON L’INDICE CONJONCTUREL CREA, LES PERSPECTIVES CONJONCTURELS RESTENT FAVORABLES EN SUISSE…

Par rapport au dernier trimestre observé, en l'occurrence le deuxième trimestre 2021, le baromètre conjoncturel CREA pour la Suisse gagne 1,4 points au troisième trimestre et voit sa progression accélérer au quatrième trimestre en gagnant 2,2 points. Ceci constitue la deuxie plus forte hausse trimestrielle jamais enregistrée après celle observée début 2010 lors de la reprise économique consécutive à la récession liée à la crise financière de 2008. En affichant un écart de production positif de 3,0% par rapport à l’équilibre, l’indice suisse se situe dans la zone de croissance soutenue au quatrième trimestre 2021. Alors que ce dernier enregistrait un niveau identique à l’indice romand fin 2020, il le dépasse largement une année plus tard. Ainsi, la dynamique conjoncturelle fin 2021 devrait être davantage marquée en Suisse qu’en Suisse romande.

Un nombre important d’indicateurs couvrant un large spectre d’activités économiques représentatifs de l’économie suisse sont orientées à la hausse et expliquent ces perspectives conjoncturelles favorables. Du côté du secteur secondaire, les principaux indicateurs industriels du KOF pour la Suisse sont tous solidement ancrés en territoire positif indiquant ainsi que l’industrie se trouve en phase de d’expansion. L'indice de la marche des affaires a gagné 34 points depuis le début de l’année, alors que celui des entrées de commande a progressé de 44 points. Les statistiques récentes sur la production industrielle confirment cette tendance. Cette dernière a affiché une croissance en glissement annuel de 15,7% au deuxième trimestre 2021 après 4,5% au premier trimestre. La production dans le secteur de la construction est quant à elle en hausse de 6.5% au deuxième trimestre par rapport à son niveau de l’année précédente.

On note également une nette amélioration de la situation sur le marché du travail. Alors qu’entre le mois de mars 2020 et janvier 2021, l’augmentation moyenne des nouveaux demandeurs d’emploi s’élevait mensuellement à environ 6500, la tendance s’est inversée depuis. On observe à l’échelle nationale un recul de 40'000 demandeurs d’emploi entre février et juillet de cette année, soit en moyenne 8000 personnes par mois en moins à la recherche d’un emploi. Ces développements positifs se reflètent également dans les enquêtes menées par Manpower sur le marché du travail. Ces sondages indiquent que les entreprises suisses qui prévoient des embauches supplémentaires au quatrième trimestre restent majoritaires, bien que leur nombre a légèrement fléchi par rapport au trimestre précédent. En effet, 19% d’entre elles ont l’intention d’augmenter leur masse salariale, 13% de la réduire alors que 65% n’anticipent aucun changement.

Selon les résultats du sondage mené par le SECO en juillet dernier, les consommateurs se montrent extrêmement optimistes par rapport à la situation économique à venir. Jamais, depuis le début des enquêtes en 1972, leurs attentes n’ont été aussi favorables. En revanche, ils font preuve d’un certain pessimisme quant à la situation actuelle en termes de sécurité de l’emploi. De manière globale, l’indice du climat de consommation a gagné 12 points depuis le mois d’avril et se situe à niveau bien supérieur à sa moyenne de long terme. Ainsi, l’amélioration du moral des consommateurs pourraient les inciter à accroitre leurs dépenses dans les mois à venir.

L’environnement externe s’est lui aussi amélioré. Les entreprises helvétiques bénéficient d’une part d’une situation conjoncturelle favorable dans les principaux pays importateurs, et d’autre part de pressions haussières sur le franc suisses limitées par la politique monétaire mise en place par la Banque nationale suisse (BNS). L’indicateur IFO sur le climat des affaires en Allemagne est repassé dans le vert, alors que le franc s’est légèrement apprécié face à l’euro au deuxième trimestre dans un contexte où la BNS a retreint ses interventions sur le marché des changes. Grâce à ces conditions externes favorables, les exportations helvétiques de marchandises ont augmenté pour le quatrie trimestre consécutif, et ce malgré un fléchissement de leur dynamique. Corrigée des effets prix et saisonniers, leur croissance en glissement trimestriel s’établit à 1,0% au deuxième trimestre après 5,0% au premier trimestre.

…ET EN SUISSE ROMANDE…

Comme au niveau national, l’indice CREA pour la Suisse romande du deuxième trimestre se situe à un niveau légèrement inférieur à son équilibre de long terme, soit à 99,1. Il progresse cependant de 1,3 points au troisième trimestre et gagne encore 1,5 points au quatrième trimestre pour atteindre un écart de production positif de 1,9% (contre 3,1% pour la Suisse dans son ensemble). On observe cette dynamique conjoncturelle positive dans chacun des cantons romands qui tous atteignent un écart de production positif dès le troisième trimestre. Toutefois, ce sont les indices vaudois et neuchâtelois qui poussent l'indice romand le plus vers le haut. Alors que l’indice vaudois accuse un certain retard aux deuxième et troisième trimestres par rapport à l’indice romand, il le rattrape nettement au quatrième trimestre en progressant de 2,0 points. De par son poids élevé dans l’indice romand (37,4%), il contribue en grande partie aux bonnes perspectives conjoncturelles romandes. L’indice neuchâtelois a quant à lui gagné 1,5 points entre les troisième et quatrième trimestres, alors que les indices genevois, fribourgeois, valaisan et jurassien n’ont gagné que 1,2 points en moyenne et reste en-dessous de l’indice romand fin 2020.

Comme pour la Suisse dans son ensemble, ce sont à la fois l’évolution positive des données réalisées et celle basée sur des enquêtes qui ont permis à la Suisse romande de passer en zone de croissance au troisième trimestre 2021 et de progresser encore au dernier trimestre. A l’exception de l’indice neuchâtelois des carnets de commandes, tous les principaux indicateurs du KOF issus d’enquête pour le secteur industriel romand ont gagné du terrain depuis le début de l’année. Ils ont progressé en moyenne de 35,4 points entre janvier et août, et se trouvent désormais tous en zone d’expansion. Du côté du marché du travail, le nombre de nouveaux demandeurs d’emploi en Romandie est sur une tendance baissière depuis le début de l’année avec un recul mensuel moyen passant de 974 personnes au premier trimestre à 2811 personnes au deuxième trimestre. Les enquêtes réalisées récemment par Manpower auprès des employeurs romands confirment cette tendance, bien que leurs intentions d’augmenter la masse salariale dans un futur proche soient moins marquées aujourd’hui qu’il y a quelques mois.

…MAIS SONT ENTACHÉES D’UNE GRANDE INCERTITUDE

Ces perspectives conjoncturelles favorables sont sujettes à des risques orientés plutôt à la baisse. D’une part, la consommation des ménages, qui reste le principal pilier de la croissance économique en Suisse avec un poids d’un peu plus de 50% dans le PIB, pourrait connaitre une dynamique plus faible qu’attendue en raison du contexte sanitaire actuel. Alors que l’amélioration du moral de l’ensemble des consommateurs pourrait les amener à dépenser davantage dans le prochain mois, un niveau d’incertitude élevé demeure quant à la réaction des individus qui n’ont pas accès au pass sanitaire. On peut imaginer que certains feront le choix de réduire leurs dépenses lorsqu’ils sont confrontés à des restrictions plutôt que d’opter pour le vaccin. Bien que ce scénario soit associé à une probabilité positive non-négligeable, l’évolution de la vaccination et de l’épidémie de COVID-19 ainsi que l’impact de ces variables-clé sur l’évolution conjoncturelle, notamment à travers la mise en place de nouvelles mesures de restriction, restent difficiles à prévoir.

L’évolution de l’environnement externe est également entachée d’une grande incertitude. Plusieurs facteurs pourraient à l’avenir entraver la capacité d’exportation des entreprises helvétiques, ou au contraire la stimuler. Premièrement, il est difficile de prévoir l’évolution des prix à la production et à la consommation à l’étranger et dans quelle mesure les principales banques centrales, notamment la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed), vont réagir à ces développements. Selon le scénario de base, la dynamique des prix soutenue que l’on a pu observer ces derniers mois resterait un phénomène temporaire, permettant ainsi aux banques centrales de continuer à mener des politiques monétaires accommodantes.

Deuxièmement, l’hypothèse retenue dans le scénario de base est que les gouvernements des principaux pays partenaires économiques de la Suisse parviennent à limiter la propagation du coronavirus au sein de leurs frontières grâce à la vaccination. Néanmoins, l’émergence de nouveaux variants pourraient réduire l’efficacité de cette stratégie et les amener à introduire de nouvelles mesures de restriction plus néfastes pour leurs économies. On peut également imaginer un scénario alternatif selon lequel les mesures de soutien mises en place depuis l’éclatement de la crise sanitaire génèrent des effets multiplicateurs sur l’activité économique plus forts qu’attendus.

Enfin, les enquêtes récentes menées auprès des directeurs d’achat dans l’industrie mettent en évidence une dégradation des perspectives conjoncturelles mondiales. A titre d’exemple, l’Indice PMI composite de l’activité globale dans la zone euro s’est contracté de 3 points à 56,1 en septembre et a atteint son niveau le plus bas depuis 5 mois. Les sondages soulignent également des difficultés d’approvisionnement et des tensions inflationnistes grandissantes. En raison du caractère unique du contexte sanitaire actuel, il est difficile de prédire dans quelle mesure ces problèmes sont temporaires ou vont au contraire s’inscrire dans la durée.

Les facteurs de risque et d’incertitude mis en avant pour l’économie suisse dans son ensemble prévalent également à l’échelle romande. Par ailleurs, si ces risques venaient à se matérialiser, leurs effets seraient encore plus difficiles à estimer pour les cantons en raison des spécifiés liés à leur tissu économique, leur exposition aux marchés internationaux ainsi que à la contribution de la consommation privée à leur croissance économique.

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