Le gouvernement allemand a sabré mercredi ses prévisions de croissance économique pour 2024, prévoyant une nouvelle récession, mais s’est dit optimiste quant à un sursaut à partir l’an prochain.
Berlin table désormais sur un recul du Produit intérieur brut (PIB) de 0,2% cette année, contre une hausse de 0,3% auparavant, selon un communiqué.
Le PIB de la première économie européenne s’était déjà contracté de 0,3% en 2023.
Après deux années consécutives de recul, il devrait toutefois croître de nouveau l’année prochaine, de 1,1%, puis de 1,6% en 2026, selon les nouvelles prévisions.
La révision à la baisse des prévisions intervient après une série de mauvaises nouvelles qui ont plombé la rentrée de l’Allemagne, notamment le gel annoncé en septembre d’un grand projet d’usine du géant Intel dans le pays et l’annonce par Volkswagen de possibles fermetures d’usines et de licenciements.
Problèmes structurels
L’économie allemande, qui a longtemps bénéficié d’une énergie bon marché grâce aux accords de livraison de gaz russe et d’exportations dynamiques, notamment vers la Chine, subit de plein fouet les effets de la guerre en Ukraine et de la faiblesse de la demande mondiale sur fond de tendances protectionnistes.
La Chine et les Etats-Unis, «nos plus grands partenaires commerciaux, fragmentent de plus en plus les marchés ouverts», a déclaré le ministre de l’Économie, Robert Habeck, devant la presse.
«Le marché américain s’isole de plus en plus (...)», a-t-il dit, un phénomène qui s’est déjà produit sous l’administration du président américain Joe Biden, et «le danger est bien réel que Donald Trump, s’il est réélu, aggrave ce conflit».
Cela pourrait entraîner une augmentation des droits de douane sur les voitures, ce qui suscite une «grande inquiétude».
La Chine adopte «une stratégie d’exportation agressive», a poursuivi M. Habeck.
Les entreprises de l’Empire du milieu prennent de plus en plus de parts de marché à l’échelle mondiale «en partie grâce à des subventions et en partie parce qu’elles ont comblé leur retard technologique» notamment face à l’Allemagne, qui se retrouve dans une situation de concurrence difficile.
D’autres défis structurels frappent l’Allemagne, tels qu’un vieillissement de la population, une bureaucratie pesante et une transition écologique complexe.
Le ministre écologiste s’en est aussi pris à la règle du «frein à l’endettement» inscrite dans la constitution et qui limite les moyens de l’Etat pour investir.
Avec «plus de marge de manoeuvre (budgétaire), notre économie pourrait enfin sortir de l’impasse», selon lui. La levée de la dite règle est réclamée aussi au sein de l’industrie.
Mesures pour la croissance
Malgré l’enthousiasme lié cet été à l’Euro de football et les augmentations salariales fortes, la consommation privée reste faible en raison d’un climat d’incertitude et d’une hausse du chômage, tandis que la demande extérieure et une politique monétaire restrictive pèsent également sur l’activité, indiquant une poursuite de la faiblesse au second semestre, selon le ministère de l’Économie.
A partir de la fin de 2024, la dynamique de croissance devrait recommencer à se renforcer, selon le gouvernement du chancelier Olaf Scholz.
Ce dernier, toujours très impopulaire, compte sur son «initiative de croissance» présentée cet été et qui promet des allègements fiscaux, une réduction permanente des prix de l’énergie pour l’industrie, moins de bureaucratie et des incitations pour maintenir les seniors sur le marché du travail et attirer des travailleurs qualifiés étrangers.
Ce plan restera «insuffisant pour relancer l’économie», commente Peter Adrian, président de la Chambre de commerce et d’industrie allemande (DIHK).
En septembre, cinq grands instituts économiques (DIW, Ifo, IfW Kiel, IWH et RWI) ont réduit leurs prévisions de croissance, anticipant une stagnation ou une légère récession, avec une reprise modeste prévue pour 2025 (+0,8%) et 2026 (+1,3%), inférieure aux attentes de Berlin.