La BCE abaisse ses taux directeurs de 25 points de base

AWP

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L’institut francfortois fait ainsi fi du rebond de l’inflation observé en avril dans la zone euro à 2,6%.

La Banque centrale européenne (BCE) a procédé, comme prévu, à une première baisse de ses taux directeurs de 25 points de base. L’institut francfortois fait ainsi fi du rebond de l’inflation observé en avril dans la zone euro à 2,6%.

Dans le détail, le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement sera ramené à 4,25%, contre 4,5% précédemment, celui sur la facilité de prêt marginal à 4,50%, après 4,75%, et celui sur la facilité de dépôt à 3,75%, auparavant à 4,0%, à compter du 12 juin, a annoncé la BCE jeudi dans un communiqué.

«Il est aujourd’hui opportun de réduire le caractère restrictif de la politique monétaire, après avoir maintenu les taux directeurs au même niveau pendant neuf mois», a estimé la BCE. Depuis la réunion de septembre 2023, l’inflation dans la zone euro a chuté de 2,5 points de pourcentage et les perspectives d’inflation «se sont nettement améliorées», a poursuivi la banque centrale dans son document.

La BCE a cependant averti que la pression sur les prix restait «forte», en raison de la hausse des salaires, et l’inflation devrait rester au-delà de la cible des 2% «pendant une large partie» de 2025. L’inflation globale est ainsi attendue à 2,5% cette année, contre 2,3% dans les précédentes projections, à 2,2% (2,0%) la suivante et à 1,9% (inchangé) en 2026.

Longueur d’avance sur la Fed

«Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de son objectif de 2% à moyen terme», a-t-il insisté, ajoutant qu’il «conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif, aussi longtemps que nécessaire, pour atteindre» cette cible de stabilité des prix. La BCE va s’en tenir aux perspectives d’inflation pour la suite.

La plupart des experts tablaient sur une baisse des taux de 25 points de base. Avec cet assouplissement monétaire, l’institut d’émission européen devance son homologue américaine, la Réserve fédérale (Fed). La Banque nationale suisse (BNS) avait quant à elle déjà abaissé en mars son taux directeur d’un quart de point de pourcentage à 1,5%.

«Après deux ans de stagnation, l’économie européenne a connu une évolution positive en 2024. La croissance s’accélère, le chômage a atteint un niveau historiquement bas et l’inflation se normalise, de sorte que la Banque centrale européenne peut commencer à baisser ses taux d’intérêt,» a observé Samy Chaar, économiste en chef chez Lombard Odier.

Selon Arthur Jurus, directeur des investissements pour Oddo BHF Suisse, «les critères fixés par la BCE pour envisager un assouplissement de la politique monétaire ont été remplis» et «les prévisions d’inflation justifient cette décision».

«Les récents commentaires soutiennent notre scénario de base d’une baisse du taux de 25 points de base par trimestre jusqu’au niveau de 2,25%», a ajouté M. Jurus dans un commentaire.

BCE: une première baisse de taux, et après?

L’institution de Francfort a brûlé la politesse pour la première fois de son histoire à sa grande sœur d’Amérique, la Réserve fédérale (Fed). Cette dernière va devoir patienter pour assouplir sa politique car l’économie dynamique des Etats-Unis s’accompagne d’une courbe des prix plus tenace.

Mais la suite de ce nouveau cycle est loin d’être écrite. «Il sera intéressant de voir ce qu’il adviendra des taux d’intérêt après l’été. Pour de nouvelles mesures d’assouplissement, la BCE voudra avant tout voir les données économiques», souligne Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la KfW.

Augmentations de salaires

La hausse des prix à la consommation en zone euro a été divisée par plus de quatre depuis le record de 10,6% sur un an atteint en octobre 2022, quand les tarifs de l’énergie flambaient à cause de la guerre en Ukraine et que les perturbations des chaînes mondiales d’approvisionnement liées à la pandémie de Covid-19 se faisaient toujours sentir.

L’inflation est repartie à la hausse en mai affichant 2,6%, après 2,4% en avril et mars. Mais ce léger sursaut ne remet pas en question la tendance à la baisse de l’agrégat, soulignent les experts.

La BCE veut néanmoins que la hausse des prix à la consommation atteigne d’ici 2025 l’objectif de 2% qu’elle a fixé.

Elle est donc attentive «aux éventuels effets de second tour des augmentations de salaires», vu l’accélération à la hausse des accords salariaux, à 4,7% sur un an au premier trimestre 2024, explique Franck Dixmier, responsable de la gestion obligataire chez Allianz GI.

Une hausse sensible des coûts salariaux pourrait se répercuter sur les prix de vente et donc alimenter l’inflation, à moins que les entreprises ne diminuent leurs marges.

Pause jusqu’en septembre?

Le débat promet donc d’être animé sur le rythme des baisses de taux. Pour alimenter la discussion, la Banque centrale européenne disposera d’un nouveau jeu de projections économiques.

La BCE «voudra voir un relâchement de la forte pression qui persiste sur les prix dans les services», où la composante des salaires est forte, souligne Fritzi Köhler-Geib.

D’autres évolutions des coûts seront surveillées comme ceux du «fret maritime influencés par la crise dans la mer Rouge», selon M. Dixmier.

Des nuances au sein de la BCE entre les «colombes», partisans d’un cap monétaire souple, et les «faucons» adepte de l’orthodoxie monétaire, se sont déjà manifestées.

Après juin, une deuxième baisse consécutive des taux en juillet est tout sauf acquise car «nous ne sommes pas sur pilote automatique», a prévenu le «faucon» Joachim Nagel, président de la Bundesbank, la banque centrale allemande.

Le gouverneur de la banque des Pays-Bas, Claas Knot, a fait une sortie remarquée fin mai en affirmant que les réunions de la BCE assorties de projections économiques constitueraient à ses yeux les moments «clés pour (les) décisions en matière de taux d’intérêt».

Ces projections sont publiées tous les trimestres, les prochaines étant prévues en septembre et décembre.

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a plaidé quant à lui pour «un maximum d’optionnalité», la BCE devant garder sa «liberté sur le timing et le rythme».

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