Wall Street serait-elle en train de mettre en place un superbe «bull trap»? Comme d’habitude c’est l’avenir qui nous le dira, ceci dit la séance de trading d’hier prête à réflexion, les indices se mettent en mode Starship (mauvais exemple?), en apparence parce que Donald Trump a rétropédalé dimanche et «accordé» un délai à l’Union Européenne jusqu’au 9 juillet pour se soumettre proposer un bon accord commercial entre les deux blocs. On ne va pas bouder notre plaisir de voir tout ce vert sur nos écrans ce matin, en revanche en conclure que tout va bien dans le meilleur des mondes relèverait d’une naïveté rare, une brochette de points d’interrogations pend encore au nez du marché, qui se compose du budget des Etats-Unis, de la guerre commerciale entre Pékin et Washington (dont on ne parle plus mais soyez assurés qu’elle reviendra sur le devant de la scène sans trop tarder), de l’imprévisibilité crasse du grand blond, d’un tableau géopolitique extrêmement noir et d’un piment nommé Nvidia qui déploiera ses effets ce soir à 22h20 heure de Genève, on sera sur le pont, reste à savoir si le marché aime manger épicé.
Rappelons que le projet de budget fédéral des États-Unis pour 2025, surnommé «One Big Beautiful Bill Act», a été adopté de justesse à la Chambre des représentants le 22 mai. Il propose notamment des baisses d'impôts, des coupes dans les programmes sociaux et une hausse des dépenses de défense. Depuis, le texte est examiné au Sénat, où les républicains sont divisés: certains veulent des coupes plus sévères, d'autres s'opposent à la réduction de Medicaid. Les démocrates, menés par Chuck Schumer, critiquent vivement le texte et cherchent à mobiliser l’opinion contre lui.
Au-delà des tergiversations de qui vous savez, hier l’appétit au risque augmente surtout grâce au léger repli des rendements obligataires. Comme la dette américaine suscite des inquiétudes, toute baisse de son taux d’intérêt est perçue comme un signe d’apaisement. Ce mouvement est d’abord observé sur les taux à long terme, à cause d’un enchaînement d’événements : les obligations japonaises remontent hier après des rumeurs selon lesquelles le gouvernement voudrait ralentir ses émissions de dette à long terme. Ce phénomène ne concerne pas seulement le Japon: d’autres pays cherchent aussi à réduire la durée de leurs emprunts pour en limiter le coût. En effet, plus un emprunt est long, plus il est risqué, et donc plus les investisseurs demandent d’intérêts. Pour éviter de payer trop cher, les États préfèrent donc aujourd’hui emprunter sur des périodes plus courtes.
Or donc, hier le marché des actions se retrouve face à un Donald Trump version post agression verbale + des rendements obligataires en repli ce qui provoque un retour des acheteurs sur les parquets de trading, dans des volumes d’échanges limités mais les mouvements se font et, dans ce genre de cas comme un peu partout ailleurs, les absents ont tort. Les principaux indices américains clôturent proches de leur plus haut du jour, on rachète les positions shorts, les valeurs sensibles aux tarifs sont chouchoutées, Tesla gagne 6,94% (je sais…), le podium du jour du SPX se compose de la consommation discrétionnaire, de la tech et des services de communication, la volatilité recule (le VIX en baisse de 8% à 18,96) et le dollar tente un retour en grâce. La paire EUR/USD revient à 1,1318, elle regarde son prochain support à 1,1276, il ne serait guère étonnant qu’elle le teste, jeudi prochain la BCE devrait baisser ses taux de 25 points de base (les Fed Funds prévoient 99,5% de probabilités que cela se produise), ce qui creusera encore un peu plus le différentiel de taux entre les Etats-Unis et la Zone Euro, en faveur des USA donc. Sur le front obligataire, le rendement du 10 ans recule à 4,47%, sa 100 jours évolue à 4,40%, sa résistance se trouve à 4,62%. Le 30 ans repasse légèrement en-dessous des 5%, c’est important et à suivre.
Le SPX et ses pairs sont peut-être en train de piéger les taureaux comme rarement, ceci dit l’analyse technique montre que le principal indice boursier américain est actuellement défendu par ses moyennes mobiles à 100 et 200 jours, qui évoluent à 5766 pts et 5776 pts, vendredi passé il rebondit pile dessus, en parallèle une golden cross pourrait être en train de se former sur l’indice, c’est encore vague mais à suivre. Quoi qu’il en soit, le récent repli de la volatilité permet à nouveau d’acheter de la protection à un coût raisonnable, une idée à creuser tant qu’elle ne constitue pas un trou dans le budget.
La macro joue aussi un rôle important. Hier elle est riche. La confiance des consommateurs des Etats-Unis rebondit nettement en mai après cinq mois de baisse, stimulée notamment par une détente des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Toutefois, le différentiel du marché du travail continue de se détériorer: davantage de répondants estiment qu’il est difficile de trouver un emploi. Les commandes globales de biens durables chutent de 6,3% en avril par rapport au mois précédent, une baisse moins forte que prévu. En revanche, les commandes de biens d’équipement hors défense et aviation (un indicateur clé des investissements des entreprises) reculent de 1,3%, une baisse plus marquée que prévu et la plus forte depuis septembre 2022. Les livraisons de ces biens, qui alimentent directement le PIB, baissent de 0,1% sur le mois, en ligne avec les attentes, mais celles de mars sont révisées à la hausse. L’indice des prix immobiliers S&P Case-Shiller des 20 principales villes américaines recule légèrement en mars, marquant sa première baisse mensuelle depuis janvier 2023. L’indice FHFA des prix des logements diminue lui aussi sur le mois. L’indice manufacturier de la Fed de Dallas pour mai dépasse les attentes, mais reste en zone de contraction. Les commentaires des entreprises interrogées soulignent des incertitudes persistantes.
Du côté des responsables de la Fed, Neel Kashkari (Minneapolis) réaffirme son appel à la patience, estimant que la Fed a besoin de plus de temps pour évaluer les effets de l’inflation (il disait lundi ne pas savoir si la situation sera suffisamment claire d’ici la réunion de septembre). Thomas Barkin (Richmond) indique que les données économiques montrent une trajectoire globalement inchangée, mais il observe que certaines entreprises commencent à se mettre en retrait.
L’attention se porte aussi sur les émissions de dette du Trésor américain, avec une semaine importante d’enchères. L’adjudication de 69 milliards de dollars de bons du Trésor à 2 ans est bien accueillie hier, avec un taux légèrement inférieur aux attentes (écart de 1 point de base), même si le ratio de couverture est le plus faible depuis octobre 2024. Suivent aujourd’hui une émission de 70 milliards en obligations à 5 ans et demain une émission de 44 milliards en titres à 7 ans. On gardera un œil attentif sur le comportement du marché obligataire japonais ces jours prochains. Cette nuit une vente de bons du Trésor à 40 ans rencontre la plus faible demande depuis juillet, ce qui provoque un rebond des rendements obligataires du pays.
Les États-Unis pourraient imposer de nouvelles sanctions à Moscou à la suite de ses dernières attaques contre l'Ukraine, déclare Donald Trump. Le président américain ajoute qu’il travaille sur la mise en bourse de Fannie Mae et Freddie Mac tout en maintenant les garanties et la surveillance du gouvernement.
Au menu macro-économique de ce mercredi, l'emploi mensuel en Allemagne (9h55) et les minutes de la dernière réunion de la Fed (20h00) sont au programme.
Galderma va racheter 2,4 des 16,7 millions d'actions (7% de son capital) placées par EQT, ADIA et AUBA. Le CEO d'UniCredit exclut tout mouvement concernant Generali. Les Etats-Unis avertissent Pirelli que ses activités pourraient être limitées en raison de son actionnaire chinois, selon l’agence Bloomberg. TPG et Blackstone ont proposé 16 milliards de dollars pour privatiser le groupe de santé Hologic, selon le FT. Eli Lilly va racheter SiteOne pour 1 milliard de dollars afin de se positionner sur le marché des analgésiques non opioïdes. Apple prévoit de lancer une application dédiée aux jeux vidéo. Nissan prévoit de lever 7 milliards de dollars avec le soutien du gouvernement britannique, selon Bloomberg News. Les Etats-Unis détiendront une action privilégiée dans le rachat d'United States Steel par Nippon Steel, selon un sénateur américain.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse hormis Séoul qui gagne 1,25%. Tokyo clôture pile à l’équilibre, Hong Kong perd 0,44%, Shanghai égare 0,02% et le Nifty50 rend 0,15%. Le future SPX se replie de 5 points et l’Europe ouvre en recul de 0,2%. L’or est stable à 3311$ l’once, le pétrole traite à 61,28 dollars le baril de WTI Light Crude. En cette quasi fin de semaine écourtée, le marché a de nombreux dossiers à suivre à commencer par les trimestriels de Nvidia ce soir, l’indice PCE (Personal Consumption Expenditure) vendredi, le PCE est l’outil favori de la Fed pour mesurer l’inflation, vendredi encore la confiance des consommateurs mesurée par l’Université du Michigan, en parallèle on gardera un œil attentif sur le marché obligataire, sur le dollar, les discussions autour du budget des Etats-Unis et la géopolitique.
L’Ascension approche, le marché monte et moi je sors, à lundi.
L’actualité des marchés revient lundi 2 juin.