Gonet: l'actualité des marchés au 28 janvier

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Nasdaq -2,6%, Dow -2,05%, SPX -2,6%, Russell -1,9%, SOX -5,2%, Eurostoxx -1,57%, SMI -0,55%.

Wall Street se met en mode «aversion au risque». La journée est marquée par une nouvelle salve de résultats trimestriels mal accueillis, dont ceux du géant de l’aéronautique Boeing (BA -4%), qui dévoile une perte abyssale de 8,4 milliards de dollars au titre du trimestre écoulé. Déception aussi du côté d’AT&T (T -2%), qui fait également état d’une lourde perte au quatrième trimestre 2020 du fait d’importantes charges de dépréciation et d’une chute de ses revenus pour cause de Covid-19. Les opérateurs sanctionnent par ailleurs lourdement les résultats trimestriels de Starbucks (SBUX -6,5%), AMD (AMD -6,2%) et Texas Instruments (TXN -5%), n’épargnant guère que ceux d’Abbott (ABT -0,4%) et de Microsoft (MSFT +0,2%). Le marché est aussi déçu par les commandes de biens durables qui, après une hausse de 1,2% en novembre, n’ont augmenté que de 0,2% aux Etats-Unis au mois de décembre 2020, une progression bien moins forte que le consensus.

À 20 heures, on se dit que Jerome Powell va nous sauver la mise en nous annonçant un miracle monétaire… et paf la désillusion. Oh, le patron de la Fed fait son travail, nous indiquant en résumé qu’il n’est pas près de commencer à refermer le robinet à liquidités, tout en écartant d’un revers de la main les craintes ambiantes d’inflation (j’y reviens). Mais le marché aurait adoré un petit sucre pour la route, un «whatever it takes», même sans accent italien. Et bien c’est raté. Et dans un tel contexte de frustration croissante, on se rappelle soudain que les valorisations des actions se sont peut-être quelque peu laissées aller. N’en jetez plus, hier est une (rare) journée pour les ours, en plus le plan Biden reste pour le moment une vue de l’esprit et les vaccinations progressent beaucoup trop lentement, d’un point de vue financier s’entend.

Rappelons aussi que les robinhooders sont plus en forme que jamais et ajoutent de l’incertitude à tout ce pataquès. L’équation boursière est en train de se compliquer un peu plus encore. Nul doute que des forums de discussions comme Reddit sont en grande partie manipulés par des influenceurs, la SEC (Securities and Exchange Commission) devrait se saisir du dossier il me semble. Prenez la séance d’hier, les volumes d’échanges dépassent le milliard de titres traités sur trois valeurs (NAKD 2,03 milliards, AMC 1,2 milliard et NOK 1,09 milliard). On n’avait jamais vu ça. NOK, c’est donc le symbole US de cette bonne vieille Nokia, qui domina un jour lointain son indice domestique à elle seule. Ce matin les dirigeants de Nokia indiquent ne pas savoir pourquoi leur titre fait l’objet de tant d’attention, à votre avis? Et donc les volumes d’hier atteignent le chiffre exorbitant de 23,5 milliards de titres sur le NYSE, c’est simplement le record de tous les temps, plus que le krash de 2008… Dans un marché qui se prend les pieds dans le tapis, les indices ad hoc montrent que les couvertures de shorts se poursuivent massivement. L’indice Goldman Short progresse de 9%. Dans le même temps, la volatilité explose à la hausse, l’indice VIX décollant de 61% à 37.

Attention à l’effet boule de neige, il commence à se murmurer dans le marché que les shorts se verraient forcés à vendre des actions, pour racheter leurs positions à découvert. Et attention aussi à ne pas se laisser aller à croire que les robinhooders sont des investisseurs «smarts». Il s’agit ici d’une population de parieurs, brutalement sevrés il y a un an car le sport professionnel s’est arrêté d’un coup sec. Ils se sont donc retournés vers la bourse et ont découvert le merveilleux monde de la finance. Forts des réseaux sociaux, ils parviennent (pour l’instant) à rester unis et faire mettre un genou à terre à des vieux briscards de Wall Street. Ceci dit, la SEC va s’en mêler et il ne serait pas étonnant que Reddit soit censuré, d’une manière ou une autre, attention donc à la grosse gueule de bois que cette population de nouveaux venus va vivre, inéluctablement. Reste à savoir s’ils vont plonger seuls, ou pas.

Il y autre chose: hier près de 38 millions d’options calls (droit d’achat) sont traitées aux Etats-Unis, on n’avait jamais vu ça…

Dans l’attente de la Fed, les secteurs européens les plus cycliques et les plus sensibles à une éventuelle remontée des taux d’intérêt subissent des prises de profit (technologie: -2,2%; basic resources: -3,6%). Ceci concerne également le secteur pétrolier (-1,6%), qui ne profite pas de la résistance éprouvée du pétrole ces derniers jours, Le baril de WTI Light Crude (52,54 dollars) profitant aujourd’hui de la chute plus importante qu’anticipé des stocks de brut aux Etats-Unis. Notons par ailleurs le net écartement de l’indice itraxx crossover (+9 pb à 270 pb), qui témoigne lui aussi du regain d’aversion au risque marqué sur les marchés financiers. Cet indice reflète le coût de protection contre le risque de défaut à 5 ans des 50 des signatures européennes les plus risquées.

Les investisseurs ont donc perçu comme une douche froide les commentaires du patron de la Fed. La Réserve fédérale maintient ses taux directeurs proches de zéro et poursuivra ses achats d’actifs au même rythme (120 milliards de dollars par mois), assurant aux marchés son soutien à long terme face à la crise du coronavirus. Toutefois, la banque centrale relève un ralentissement de la reprise économique. «Le rythme de la reprise dans l’activité économique et l’emploi s’est modéré ces derniers mois, avec une faiblesse concentrée dans les secteurs les plus affectés par la pandémie», souligne le communiqué. Lors de sa conférence de presse, Jerome Powell estime que la nouvelle vague de Covid-19 pèse sur l’activité économique, rendant les perspectives économiques «hautement incertaines». Tout en affirmant voir des signes d’une amélioration de l’économie plus tard cette année, il estime que l’économie américaine est encore loin d’une reprise complète et loin des objectifs de la banque centrale en matière d’inflation et d’emploi. Monsieur Powell réaffirme que la Fed ne compte pas réduire ses achats d’actifs («tapering») en 2021. Mais n’évoque évoqué la possibilité d’accroître encore les actions de soutien de la Fed.

Le verrouillage de l’Angleterre semble ralentir la propagation du virus, indique le Financial Times. Les études de Pfizer et BioNTech montrent que leur vaccin neutralise les variantes du virus, ce qui signifie qu’un nouveau vaccin ne devrait pas être nécessaire. L’Union Européenne n’a pas réussi à résoudre son différend avec AstraZeneca concernant la fourniture de son vaccin, ce qui risque d’entraîner des retards supplémentaires. Les nouvelles infections en Espagne atteignent un niveau record.

Joe Biden demande la suppression de 40 milliards de dollars de subventions aux combustibles fossiles. Il a mis fin à l’émission de nouveaux baux de forage de pétrole et de gaz naturel sur les terres fédérales et a ordonné aux agences fédérales d’acheter de l’électricité et des automobiles à émission zéro. Le président déclare que cette série de directives créera des millions d’emplois. Biden accueillera un sommet mondial sur le climat le 22 avril, la journée de la Terre.

Il y aura plusieurs indicateurs aujourd’hui, mais le plus attendu est la première estimation du PIB américain du quatrième trimestre à 14h30, qui sera annoncée en même temps que les inscriptions hebdomadaires au chômage. L’indice des indicateurs avancés et les chiffres de l’immobilier neuf suivront à 16h00.

Les résultats trimestriels d’Apple sont nettement meilleurs que prévu, grâce aux ventes d’iPhones, ce qui n’empêche pas le titre de perdre 3% hors séance dans un marché tendu, la firme à la pomme refusant de donner une guidance pour la suite. Le flux de trésorerie du segment automobile de BMW est largement supérieur aux attentes, tandis que la marge d’exploitation est dans le haut de fourchette des attentes et que le résultat avant impôt est conforme aux prévisions du marché. Chez Facebook, le chiffre d’affaires du quatrième trimestre a progressé au-delà des prévisions, ce qui n’empêche pas l’action de connaître une légère pression, -2% hors séance. Les résultats trimestriels de Samsung dépassent les attentes, le message est un peu prudent sur le premier trimestre, à cause de l’appréciation du won et du coût des nouveaux équipements. SGS publie des résultats annuels légèrement inférieurs aux attentes du marché. Tesla perd 5% hors séance, après des trimestriels un peu décevants et en l’absence de prévisions précises pour 2021. Ceci dit Elon Musk est devenu le meilleur ami des pourfendeurs de vendeurs à découvert, qui sait donc ce qui pourrait bien se passer avec cette armée de traders exaltés... La mauvaise passe continue pour Swatch, avec un résultat opérationnel et des ventes inférieurs aux attentes en 2020. Toyota repasse devant Volkswagen comme premier producteur mondial automobile en 2020. Volkswagen et Daimler confirment qu’une pénurie de composants électroniques limitera la production de certaines de leurs usines au cours des prochaines semaines. AstraZeneca est sous le feu des critiques après avoir beaucoup promis à ses clients sans pouvoir honorer ses commandes de vaccins covid-19. Andrea Orcel prend les commandes d’Unicredit après Jean-Pierre Mustier.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, Tokyo recule de 1,53% à la cloche, Hong Kong rend 2,5%, Shanghai perd 1,91% et Séoul abandonne 1,71%. Le future SPX se replie de 23 points et l’Europe est indiquée en baisse de plus de 1% à l’ouverture de 9 heures. Le dollar est recherché, la paire eur/usd à 1,2086, le rendement de l’emprunt US à 10 ans teste les 1% à la baisse, l’or recule à 1832 dollars par once (pas d’inflation selon Powell) et le pétrole résiste bien, le baril de WTI Light Crude à 52,41 dollars. On le constate, les investisseurs se repositionnent dans les valeurs dites refuges. Un mot sur la volatilité, la hausse du VIX hier est rare et assez impressionnante, à un niveau de 37, l’indicateur de la volatilité du SPX se rapproche de ses hauts de juin (44). Et hormis fin 2008 et au mois de février 2020, lorsque le VIX est venu dans la zone 40 – 50, il a systématiquement corrigé.

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