Unique en son genre

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Surprise aux Swiss Sustainable Funds Awards dans la catégorie Actions Thématiques. Entretien avec Pascal Rochat d’Active Niche Funds.

Les Swiss Sustainable Funds Awards nous ont réservé une surprise. Parmi les acteurs renommés de l’investissement durable, s’est profilé un nom à peu près inconnu du public. Non que la société, soit nouvelle, ni que son fonds vienne d’ouvrir, mais il semble que les deux aient été jusque-là un secret particulièrement bien gardé. Dans la catégorie Actions Thématiques, le prix a été décerné au fonds Active Solar, lancé en septembre 2008, géré par la société lausannoise Active Niche Funds. Sa stratégie est d’investir dans les sociétés cotées - et suffisamment liquides - actives dans le secteur de l’énergie solaire, en considérant toute la chaîne de valeur du photovoltaïque, sans limite géographique. Quelques questions à son CEO, Pascal Rochat.

Focalisée exclusivement sur l’industrie solaire, la stratégie d’Active Solar parait assez unique. Pouvez-vous nous en dire plus?

Active Solar est, de fait, le seul fonds entièrement dédié au secteur du solaire au niveau mondial. Il a été lancé le 15 septembre 2008, le jour de la chute de Lehman Brothers, à une époque où le thème était complètement novateur. Seul de son espèce, ce fonds sectoriel long only a été copié par la suite mais ses concurrents ont tous fermé lors de la crise du solaire en 2011-2012. Il est donc redevenu…  Unique en son genre.

«Peu d’investisseurs savent encore que le solaire
est devenu la source d’électricité la moins chère au monde.»
Pourquoi tant de difficultés à vous faire connaitre jusqu’à maintenant?

Nous avons démarré très tôt et c’est souvent le problème des précurseurs: le marché n’est pas mûr pour accueillir un thème qui sort de l’ordinaire. Il fallait avoir la compétence et la conviction pour tenir, tout particulièrement au moment de la crise de l’industrie solaire. Evidemment, depuis la COP21, la transition climatique et les énergies renouvelables connaissent un intérêt croissant et nous faisons le maximum pour faire connaître notre fonds solaire.

Est-ce lié à une méconnaissance de l’industrie solaire elle-même?

Très probablement. Peu d’investisseurs savent encore que, à 2 cents de dollar par kWh dans certains pays, le solaire est devenu la source d’électricité la moins chère au monde, moitié moins couteuse que le gaz ou le charbon et ce sans subventions. Peu savent aussi que les installations annuelles de photovoltaïque ont été multipliées par presque 100 en 15 ans et que le solaire occupe aujourd’hui la première place en termes de nouvelles capacités installées à l’heure actuelle, loin devant l’éolien, le gaz ou le charbon. En cumulé, la puissance mondiale de production photovoltaïque a atteint 640 GW à fin 2019. Enfin selon l’Agence Internationale de l’Energie, le solaire pourrait passer de 3% à 21% de la production mondiale entre 2020 et 2040. En bref, et contre toute attente, le solaire est le grand gagnant de la transition énergétique. Même notre propre équipe n’avait pas anticipé un succès aussi rapide.

Comment les entreprises du secteur ont-elles émergé de la crise de 2011-2012?

La crise en question a eu le mérite d’éliminer les surcapacités et de rendre le solaire bon marché. Les prix ont baissé de 50% en 2011 et de 30% en 2012. Certes, nombre de sociétés européennes et américaines ont fait faillite (et le segment européen des producteurs de panneaux solaires n’a pas survécu) mais les Chinois s’en sont sortis, avec des usines 10 fois plus grosses qu’en 2011. Aujourd’hui les panneaux photovoltaïques sont produits pour les trois quarts en Asie et pour le solde dans le reste du monde. Pratiquement toutes les sociétés de qualité sont rentables depuis 2015 et, depuis 2019, leurs bénéfices sont en hausse car les coûts de production continuent de baisser alors que les prix de vente se sont stabilités.

«J’espère que ce prix va donner un peu de courage aux institutionnels
qui n’osent pas investir dans un fonds non mainstream.»
Quelques mots sur le fonds lui-même?

Les encours sont de l’ordre de 70 millions de dollars et nous espérons accueillir de nombreux nouveaux investisseurs dans les prochains mois. Le fonds est enregistré au Luxembourg sous format UCITS à liquidité quotidienne et est disponible à la distribution publique en dollars, euros et francs. Sa stratégie bottom-up est couplée avec une compréhension des momentum du marché. Les sous-jacents sont répartis de manière équilibrée sur la chaine de valeur – polysilicium, wafers/cellules/panneaux, installations photovoltaïques, fermes solaires, onduleurs et équipements.

Vous dites avoir appris votre nomination en lisant les journaux.

C’est exact. La méthodologie de présélection et de sélection des Swiss Sustainable Funds Awards est tout à fait remarquable. L’équipe technique et le jury ne travaillent qu’avec des informations publiquement disponibles et sans prendre contact avec les gérants. Je ne connais aucun autre prix aussi indépendant. Il donne toutes leurs chances aux petits gestionnaires.

Les investisseurs qui vous font confiance vont-ils se sentir confortés dans leurs choix?

Les investisseurs qui nous font déjà confiance sont des convaincus mais le prix récompense clairement notre gestion rigoureuse et crédibilise notre approche. D’habitude tous les nominés sont des grandes sociétés et les petits acteurs ont peu de chance d’émerger. J’espère que ce prix va donner un peu de courage aux institutionnels qui n’osent pas investir dans un fonds non mainstream. Le monde a changé, la révolution énergétique n’est plus un concept. N’importe quelle société électrique qui souhaite augmenter sa capacité de production vous le dira: presque une fois sur deux, elle installera une ferme solaire … contre une fois sur 100 il y a 10 ans. La communauté mondiale des investisseurs commence à comprendre qu’il faudra du durable et de l’ESG pour avoir des rendements acceptables. Avec les Swiss Sustainable Funds Awards, on se rend compte que le durable ne péjore pas la performance. Au contraire.

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