La fin du faux-durable

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

L’investisseur ne veut plus être dupe des autodéclarations flatteuses. Angela de Wolff et Laurent Auchlin sur les Swiss Sustainable Funds Awards.

La durabilité, tout le monde en parle mais certains en abusent. L’auto-déclaratif ne séduit plus. L’investisseur a soif d’une approche objectivisée, indépendante de discours parfois vides de sens. Ce qu’il cherche aussi, c’est la performance: car investir dans des projets durables n’est pas faire œuvre de philanthropie. Le durable est un must qui ne signifie pas qu’on sacrifie ses revenus, surtout lorsqu’il faut payer des retraites. Comme nous l’avions vu il y a un an, lors de la première édition, la méthodologie de sélection des Swiss Sustainable Funds Awards1 permet de répondre à d’exigeants critères ESG sans compromettre le rendement et en toute objectivité. Quoi de neuf cette année? Entretien avec Angela de Wolff de Conser Invest et Laurent Auchlin d’Anglo-Swiss Advisors.

Vous nous aviez décrit votre méthode en détail dans un précédent entretien mais pouvez-vous en quelques mots nous la remémorer?

Sont d’abord classés tous les fonds enregistrés en Suisse en fonction de la surperformance vis-à-vis de leur indice sur au moins 3 ans. Nous établissons ensuite un filtre en fonction de la manière dont la société de gestion établit la durabilité selon la description des processus de gestion. Sur près de 10'000 fonds examinés au niveau financier, plus de 1000 sont ainsi passés en revue au niveau ESG et 400 retenus. Suite à ce premier filtre, nous validons la cohérence entre le processus défini et la composition effective du portefeuille. Une fiche d’analyse individuelle est ainsi établie sur 100 fonds durables à bonne performance financière.

La gestion active est plus chère – et donc moins prisée
des fonds de pension – mais pour l’instant, elle reste unique.
Tous les fonds sont donc jaugés de manière identique, sans que les sociétés en soient même averties?

Précisément. Nous n’entrons à aucun moment en contact avec les sociétés de gestion. La méthode offre ainsi une comparaison de la performance et de la durabilité des fonds en évitant tout biais.

En bout de processus, la décision finale revient toutefois au jury.

Nous mettons à la disposition du jury un tableau de bord récapitulatif de tous les fonds, sur une seule page et une fiche individuelle par fonds, analysé en fonction de son benchmark au sein de la catégorie. Le jury a d’ailleurs été sensible à la qualité de ce qui lui a été présenté.

Les investisseurs ne veulent plus être dupes de beaux discours. Ont-ils raison?

Sans aucun doute. Nous sélectionneurs entendons trop de revendications approximatives d’une «compétence historique» souvent invérifiable. Nous découvrons des sociétés de gestion qui prétendent avoir 15 ans d’expérience de l’ESG alors que nul n’avait entendu parler de leur «expertise» il y a seulement 2 ans. C’est un domaine où règne l’auto déclaratif.

Quelles difficultés rencontrez-vous au niveau de l’analyse de durabilité?

L’un des problèmes est celui de la couverture, plus particulièrement lorsqu’un portefeuille inclut des petites entreprises (small caps) mal – ou même non - évaluées par les analystes et pour lesquelles il n’existe aucun consensus. Il devient alors difficile de corroborer l’opinion sur la composition du portefeuille.

La gestion passive se targue de plus en plus d’être durable. Quelle est votre opinion?

Il y a un effort certain mais nous avons constaté qu’à performance égale, les fonds actifs sont supérieurs au niveau de la durabilité. Ce n’est pas une surprise. Un ETF durable opère par screening sur des critères écologiques ou éthico-sociaux mais ne peut bénéficier de la profondeur d’analyse de chaque sous-jacent dont profite un fonds actif. L’ETF c’est un peu du box ticking. La saveur n’est pas la même. La gestion active est plus chère –et donc moins prisée des fonds de pension – mais pour l’instant, elle reste unique. Lorsqu’on filtre tous les produits, on voit la différence.

L’an passé peu de gérants s’autoproclamaient ESG donc nous avons dû traiter
pas mal de nouveaux entrants, en les contrôlant sur 3 ans.
On entend beaucoup que la crise du COVID a été un révélateur pour la finance durable et que les fonds durables ont mieux performé. Est-ce exact?

Il est encore tôt pour se prononcer. Les fonds ESG sont souvent sous-pondérés en énergie fossile ce qui les a protégés du crash pétrolier. En ont-ils réellement profité d’une gouvernance supérieure? Comment vont-ils rebondir? Le débat reste ouvert.

Il n’y pas de fonds d’impact dans les sélections. Envisagez-vous de les traiter dans le futur?

Il faudrait les réunir au sein d’un thème particulier pour les comparer entre pairs. Peut-être un thème pour l’an prochain.

Quelles grandes différences avez-vous constatées avec l’an dernier?

La sélection a été plus riche. L’an passé peu de gérants s’autoproclamaient ESG donc nous avons dû traiter pas mal de nouveaux entrants, en les contrôlant sur 3 ans. Nous avons même réussi à identifier un fonds actions US durable avec une performance convenable… Un seul malheureusement mais c’était tout de même mieux que l’an dernier.  

Quel futur pour votre approche?

Elle va aider les gérants de fortune et les investisseurs institutionnels à s’y retrouver dans la jungle de la finance durable et offrir de véritables points de repère. Entre préanalyse financière (réalisée par Anglo-Swiss Advisors) et certification indépendante de la durabilité (réalisée par Conser Invest), nous pouvons mettre à la disposition des gérants indépendants une expertise combinée et un vivier des meilleurs fonds durables en Suisse.

 

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