Une bonne partie de la performance de 2025 est déjà réalisée

Emmanuel Garessus

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Le fonds BCV Swiss Small & Mid Caps ESG surperforme en raison des titres à la croissance structurelle. Erich Chassot présente sa sélection pour 2025.

 

La sélection de titres de petites et moyennes capitalisations suisses n’a pas été aisée l’an dernier. Le fonds BCV Swiss Small & Mid Caps ESG s’en est mieux sorti que la plupart de ses concurrents, avec un gain de 7,58%, contre une hausse de 3,83% pour l’indice de référence (SPI Extra). Eric Chassot, gérant de ce fonds de 293 millions de francs d’actifs, nous explique, lors d’un entretien à Lausanne, espérer profiter d’un plus grand afflux de fonds de la clientèle externe à la banque. «Sur la base de la fortune du fonds, nous sommes prêts à accueillir de nouveaux investisseurs», déclare-t-il. 

Le BCV Swiss Small & Mid Caps ESG a été lancé en 2017. Le fonds répondait à un besoin de la clientèle privée et institutionnelle de la banque. «Auparavant, nous avions déjà un fonds en actions suisses dont la surperformance s’appuyait avant tout sur les petites et moyennes capitalisations. Nous avons compris qu’une opportunité était à saisir en nous concentrant sur ce seul segment de marché», avance le gérant. Eric Chassot répond aux questions d’Allnews sur les raisons de sa surperformance et ses convictions pour 2025:

Quel est votre style d’investissement?

Notre style est opportuniste. Il dépend des conditions de marché. Avec des taux obligataires américains qui s’approchaient encore récemment des 5%, les titres de croissance affrontaient un fort vent contraire. La baisse des taux a permis à des titres technologiques de se reprendre ces dernières semaines.

L’an dernier, votre surperformance est venue des gains substantiels de Galderma, Sandoz et Acceleron. Ces titres ont très bien débuté l’année 2025. Est-ce que leur valorisation est devenue excessive?

D’une manière générale, en 2024 nous avons largement profité de notre nette surpondération dans des titres dont la croissance est structurelle. Je pense au besoin de décarbonation qui bénéficie à Acceleron, même si, dans ce cas précis, nous sommes devenus neutres sur l’action. Il en va de même de R&S Group, dans la construction de transformateurs et du besoin de rénovation du réseau électrique.

«Nous avons un peu réduit nos positions en Galderma en raison de sa valorisation, si bien que notre positionnement est devenu neutre».

Nous avons aussi évité les canards boiteux, de LEM à Meyer Burger en passant par SoftwareOne.

Nous avons un peu réduit nos positions en Galderma en raison de sa valorisation, si bien que notre positionnement est devenu neutre par rapport à l’indice. La société a profité, entre autres, de l’engouement pour les médicaments contre l’obésité. Les patients ont pu perdre du poids, mais ont présenté un  besoin cosmétique lié à la modification de l’apparence de leur peau. Le titre profite aussi d’une participation de 10% de L’Oréal.

Est-ce que vous réduisez aussi Sandoz après sa forte hausse?

Non, au contraire, même si nous sommes limités par la position maximale possible de 10% dans le fonds. Un peu à l’image d’Alcon, nous pensions que l’activité générique se développerait mieux si elle devenait indépendante de Novartis. Dorénavant autonome du groupe pharma, Sandoz utilise différemment ses capitaux. L’autonomisation permet aussi une plus grande transparence, qui conduit à une plus grande efficacité économique des sources de rendement.

Le groupe Sandoz profite aussi des perspectives des biosimilaires (produits développés à partir de cellules vivantes), lesquels sont moins aisés à reproduire que les génériques. Ils offrent en outre des marges bénéficiaires supérieures. Trois nouveaux biosimilaires devraient être commercialisés encore cette année.

Est-ce que l’arrivée de Robert Kennedy à la tête du département américain de la santé soutient la tendance favorable des génériques?

Cette nomination a pénalisé le secteur de la pharma en bourse. Mais les craintes se sont estompées. Au-delà de ce qui se passe à Washington, les génériques font partie des éléments qui réduisent potentiellement les coûts du système de la santé. Sandoz nous plaît parce qu’elle profite d’une croissance structurelle.

Pour quelle raison détenez-vous aussi des actions Roche dans votre portefeuille? 

Thomas Schinecker, le nouveau CEO de Roche, est issu de la division des diagnostics. J’ai eu la chance de le rencontrer récemment. Il se distingue de son prédécesseur. Le titre devrait profiter des nombreux résultats cliniques attendus ces prochains mois, à la différence de Novartis dont le calendrier de publications de résultats est moins fourni. Novartis se trouve un peu dans la situation qu’avait rencontrée Roche, il y a quelques années, quand trois blockbusters avaient perdu la protection de leur brevet.

Un changement de cap engendré par un nouveau CEO ne produit-il pas des effets qu’après 5 à 10 ans?

Son prédécesseur avait déjà pris des mesures pour enrichir le pipeline. Le portefeuille de Roche, très concentré sur l’oncologie, est en train de se diversifier vers l’immunologie, l’ophtalmologie et la neurologie. L’expertise du groupe s’élargit également au traitement d’Alzheimer et de l’obésité, le thème actuellement à la mode dans la santé.

Des restructurations et réorganisations se dessinent en Suisse, par exemple chez Julius Baer. Quelle est votre analyse?

Nous étions malheureusement assez engagés dans Julius Baer et avons donc subi la baisse survenue à la présentation des résultats annuels. Si les résultats n’ont pas été catastrophiques, le titre a chuté en raison de l’absence d’un rachat d’actions. Après les déboires de l’établissement avec Signa, la FINMA a suivi le dossier de près. A mon avis, un rachat d’actions ne pouvait être mis à l’ordre du jour dès maintenant. 

La direction sera réduite de 15 à 5 membres, ce qui diminuera sensiblement les coûts.

D’autres facteurs n’ont-ils pas pesé, comme la réduction des perspectives de croissance des actifs et la baisse des marges?

Stefan Bolliger n’est CEO que depuis le début de cette année. Il préfère sans doute profiter d’un effet de base et surprendre positivement ces prochains trimestres.

Êtes-vous fidèles à Julius Baer?

Oui, nous conservons nos positions.  

Est-ce un peu la même situation avec UBS, qui a aussi réagi négativement?

Les résultats d’UBS sont assez convaincants. Mais Sergio Ermotti pense aussi au niveau des fonds propres et aux considérations politiques. Il ne veut pas que les banques suisses ne soient pas sur un pied d’égalité avec les concurrents étrangers.

«Le titre (Roche) devrait profiter des nombreux résultats cliniques attendus ces prochains mois, à la différence de Novartis».

D’autres cas de restructuration vous intéressent-ils?

Comme valeur de restructuration, nous avions Aryzta en 2024. Le processus de réorganisation, lié à des acquisitions mal gérées, est toutefois déjà très avancé. Urs Jordi accumulait jusqu’à la fin de l’année les deux fonctions de CEO et de président du conseil d’administration. Son travail de réorganisation a été remarquable dans un secteur à faible croissance. Le nouveau CEO est un ancien d’Aryzta, qui avait aussi géré les affaires australiennes de Lindt & Sprüngli. La société organisera une journée pour les investisseurs en mai, qui devrait présenter de nouvelles perspectives. La société a su tirer les enseignements des erreurs passées. Elle pourrait profiter de nouveaux contrats obtenus auprès des discounters allemands (Aldi, Lidl).

Dormakaba, dans lequel nous sommes un peu positionnés, est un autre cas de restructuration qui devrait se poursuivre. Le processus s’est avéré très compliqué en raison du manque de coopération de la famille Dorma.

Comment avez-vous géré l’augmentation des droits de douane américains et leurs effets sur les sociétés suisses?

Certaines sociétés suisses sont à risque, comme Landis & Gyr, dont plus de la moitié du chiffre d’affaires est réalisé aux États-Unis et qui ne dispose pas d’un site de production local. Nous évitons ce type de situation dans notre portefeuille. 

La partie santé du portefeuille ne devrait pas être pénalisée par des droits de douane. Si la moitié du chiffre d’affaires de Roche est réalisée aux États-Unis, le groupe dispose toutefois de nombreuses capacités de production dans le pays avec Genentech. A la différence de l’industrie du luxe, la santé n’est pas concernée par les droits de douane, du moins pas pour l’instant. Les sous-traitants automobiles suisses, comme Georg Fischer et Autoneum, sont, eux, pénalisés.

Parmi les gagnants potentiels d’un protectionnisme accru, pouvons-nous citer Holcim, SGS et Kühne + Nagel, lequel pourrait profiter de la modification des chaînes de valeur? Estimez-vous que, à l’image d’une étude bancaire, 10% des actions suisses profiteraient d’une hausse des droits de douane?

A priori, le pourcentage de 10% me paraît très élevé. 

Les chaînes d’approvisionnement pourraient se complexifier et profiter aux groupes de logistique. SGS pourrait tirer profit d’une augmentation des contrôles douaniers, mais cela ne justifie pas en soi l’achat du titre.

Holcim est présent aux Etats-Unis avec une production locale. En l’état, le CEO ne voit pas d’impact négatif sur le groupe cimentier.  Toutefois, le mécanisme est complexe: en ce qui concerne la consommation globale de ciment aux Etats-Unis, une partie doit être importée. Pour les autres groupes concernés, le coût de production est accru si bien que les producteurs locaux pourraient avoir une chance de relever leurs prix de vente. Ce schéma profiterait ainsi à Holcim.

Logitech sera-t-elle victime des droits de douane américains?

La société a indiqué que 60% des ventes américaines étaient le fruit d’importations chinoises et que ce taux devrait descendre à 40% durant ce trimestre. C’est un handicap certain. Le titre faisait partie de ceux qui ont le plus souffert du «Trump Trade».

Quel sera le premier soutien de la hausse des small & mid caps ces prochains mois?

Ce segment de marché est davantage exposé à la conjoncture européenne et domestique. Une poursuite de la reprise des principaux indicateurs conjoncturels des pays européens est en ce sens souhaitée. 

De plus, la baisse des taux d’intérêt pourrait être bénéfique aux valeurs de croissance, à l’image du secteur de la santé. Nous restons bien positionnés dans ce segment (avec notamment Roche et Sandoz) et dans ses sous-traitants, à l’image de Siegfried.

Qu’en est-il de l’industrie?

Nous étions notablement sous-pondérés dans les industrielles en 2024. Les perspectives sont mitigées. La composante des commandes de l’indice PMI est tombée de 48,3 points en décembre à 46 points en janvier. Un recul supplémentaire est-il possible? En Allemagne, les commandes à la construction sont tellement basses qu’elles ne peuvent guère baisser davantage. D’ailleurs, les statistiques de permis de construire s’améliorent un peu. Il est toutefois trop tôt pour espérer une reprise durable. Nous avons ajouté quelques valeurs exposées à l’Allemagne, comme Schweiter. Actuellement, nous sommes légèrement surpondérés aux industrielles parce que le pire semble appartenir au passé. 
La prudence est toutefois de mise. Un produit final allemand est souvent vendu en Chine, où les perspectives restent incertaines. La reprise est sélective dans l’industrie du luxe. L’effet des mesures de soutien en Chine reste limité.

Dans votre rapport de décembre, vous écrivez que vous vous êtes séparés des valeurs technologiques suisses, d’Also à u-blox et Ascom. Pour quelle raison?

Les raisons sont spécifiques à chaque groupe. Par exemple, le potentiel d’Also paraissait limité. Dans la technologie, nous n’avons plus guère de fortes convictions positives à l’exception de Temenos.

Il faut préciser que VAT, que nous avons en portefeuille, appartient  au segment industriel de l’indice. L’afflux de décisions politiques concernant les semi-conducteurs crée beaucoup de volatilité dans ce secteur.

Est-ce que vous avez modifié la composition de votre portefeuille avec l’arrivée de Donald Trump?

Nous avons procédé à quelques petits ajustements. Il est intéressant de noter qu’environ un cinquième du chiffre d’affaires total des sociétés de petites et moyennes capitalisations est généré aux Etats-Unis. Il est ensuite important de connaître le lieu de production de chaque produit: les acteurs produisant localement ne devraient subir que peu l’impact d’un renforcement des taxes.

Que faut-il éviter en 2025?

Du fait de la problématique américaine, mieux vaut éviter Landis & Gyr, ainsi que des titres qui souffrent de la tendance de certaines matières premières, comme Barry Callebaut. 

Nous avons très peu d’actions bancaires, en raison de la baisse des marges d’intérêts, et préférons plutôt Julius Baer, VZ Holding et EFG International. Nous sommes également prudents à l’égard des assurances, de Sunrise assez endettée, et de sociétés dépendantes de la consommation allemande, comme mobilezone.

En 2025, le marché devrait être très volatil. Au niveau actuel, nous sommes d’avis qu’une bonne partie de la performance a déjà été réalisée.

Comment pouvez-vous profiter de cette volatilité?

Notre règlement nous autorise à détenir une poche de cash de 10%. Généralement, nous sommes entièrement investis. Nous préférons adapter le profil du portefeuille et le rendre plus défensif avec des titres de la pharma.

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