PIB romand: où sont passés les candidats?

Communiqué, BCF, BCGE, BCJ, BCN, BCVs, BCV, Forum des 100

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Si la croissance démographique, liée notamment à l’immigration, a permis de répondre à la demande, le marché du recrutement pourrait se tendre durablement avec le départ à la retraite des baby-boomers.

La Suisse romande est confrontée, comme l’ensemble du pays, à une forte pénurie de main-d’œuvre. Sur le plan national, les places vacantes représentent 2,2% du total des emplois, un record depuis deux décennies. Avec un taux de places vacantes de 1,8%, la Suisse romande est moins concernée. Cette situation est une forme de rançon du succès: le nombre d’emplois a augmenté de 24,6% en Suisse et de 33,3% dans les cantons romands entre 2002 et 2022, plus que dans les pays voisins ou que dans la plupart des pays industrialisés. Si la croissance démographique, liée notamment à l’immigration, a permis de répondre à la demande, le marché du recrutement pourrait se tendre durablement avec le départ à la retraite des baby-boomers.

Les difficultés de recrutement sont l’une des principales préoccupations des entreprises. La 16e étude sur le PIB romand, publiée par les six banques cantonales romandes en collaboration avec le Forum des 100 du quotidien Le Temps, se penche sur les implications des plus de 120'000 emplois vacants dans le pays, dont près de 25'000 en Suisse romande.

Les difficultés de recrutement sont l’autre face d’une situation de plein emploi. À 3,0% en septembre en Suisse romande (2,0% en Suisse), le taux de chômage est au plus bas depuis deux décennies.

Secondaire plus touché

Si, en nombre absolu, il y a plus de places vacantes dans le secteur tertiaire (93'000 sur le plan suisse) que dans le secondaire (32'000), cela s’explique par la prépondérance des services, qui occupent environ 70% de la population active. En pour cent du total des emplois, le taux de places vacantes était de 2,8% dans le secondaire au deuxième trimestre 2023, contre 2,1% pour le tertiaire. Il n’existe pas de données régionales sur cet aspect, mais divers indices montrent que la tendance est la même sur l’ensemble du territoire. Dans le secondaire, les branches les plus touchées sont l’industrie manufacturière, en particulier la fabrication de produits électroniques et l’horlogerie (4,0%). Dans le tertiaire, les activités informatiques et services d’information (3,6%), l’hôtellerie-restauration (3,0%) ou l’information et la communication (2,9%) affichent des taux de places vacantes sensiblement plus élevés que la moyenne.

La pénurie de personnel concerne en premier lieu les collaboratrices et les collaborateurs qualifiés (formation professionnelle supérieure, diplôme d’une haute école ou apprentissage). Un quart des entreprises font état de  difficultés à recruter de telles personnes, voire dans certains cas indiquent qu’elles ne les ont pas (encore) trouvées. Les difficultés de recrutement concernent aussi de plus en plus les collaboratrices et les collaborateurs non qualifiés (école obligatoire). Le phénomène n’a pas la même ampleur qu’avec la main-d’œuvre qualifiée, mais concerne 8% des entreprises.

Perspectives peu optimistes

Les départs à la retraite des baby-boomers seront de moins en moins compensés par l’arrivée de jeunes gens sur le marché du travail et l’immigration, selon le scénario démographique de l’Office fédéral de sa statistique (OFS). Ainsi, un net ralentissement de la croissance de la population active se dessine, alors que rien n’indique un renversement de tendance dans les créations d’emplois, qui s'inscrivent ces dernières décennies à environ 1% par an. L’écart entre emplois et population active pourrait continuer de se creuser, pour atteindre d’ici 10 à 15 ans un nombre équivalent à un demi-million de places vacantes dans le pays. En Suisse romande, cela correspondrait à environ 150'000 places vacantes.

Il est cependant probable que, à partir d’un certain nombre de places vacantes, la croissance et les créations d’emplois fléchissent. De plus, d’autres freins à la croissance existent, tels que, à court terme, le ralentissement de la conjoncture mondiale et, à plus long terme, la remontée des tensions protectionnistes et géopolitiques. À l’inverse, la démographie pourrait évoluer de manière plus favorable qu’anticipé, ce qui est régulièrement arrivé par le passé. Ainsi, le nombre de places vacantes pourrait ne pas atteindre le niveau auquel une comparaison entre le scénario démographique et le rythme historique des créations d’emplois peut faire penser.

Cependant, trouver du personnel qualifié ne sera certainement pas plus facile demain qu’aujourd’hui. Ceci, simplement du fait que le départ à la retraite des baby-boomers est une tendance de fond difficile à contrer.

La croissance romande ralentit
La reprise après la crise du Covid-19 a été brève. Après un fort rebond l’année précédente, la conjoncture a de nouveau été freinée en 2022 en Suisse romande comme en Suisse. Sur fond de tensions géopolitiques avec la guerre en Ukraine, de l’envol des prix de l’énergie, de flambée de l’inflation, de remontée des taux d’intérêt et de ralentissement de l’économie mondiale, la croissance est ainsi passée de 5,1% en 2021 dans le pays comme dans la région, à respectivement 2,4% et 2,1% en 2022.

Les vents contraires restent forts, avec notamment une inflation toujours élevée, au-dessus de la cible de 2%, aux États-Unis (3,7% en rythme annuel en septembre) ou dans la zone euro (4,3%), et le Fonds monétaire international (FMI) n’attend qu’une croissance mondiale de 3,0% pour cette année et de 2,9% pour l’an prochain. Les prévisions pour la Suisse et la Suisse romande sont aussi en retrait: 1,3% cette année et 1,2% l’an prochain pour le pays, contre respectivement 1,3% et 1,5% pour la région, selon les estimations de l’Institut QUANTITAS pour l’analyse et la prévision économiques de la HES-SO.

Le degré d’incertitude est élevé. La situation géopolitique s’est tendue avec le conflit au Proche-Orient. Le risque de pénurie d’énergie, l’endettement élevé de certains pays ainsi que, pour la Suisse, la force du franc ou l’incertitude liée à l’évolution des relations avec l’Union européenne constituent également des facteurs de risque.

 

Un indicateur économique essentiel
Le PIB est la mesure de la performance économique d’un pays ou d’un territoire la plus utilisée. Cet indicateur essentiel permet d’analyser l’évolution dans le temps et d’effectuer des comparaisons entre régions. Il fait aussi l’objet de prévisions permettant aux responsables de l'économie privée et aux décideurs politiques de mieux préparer leurs décisions et piloter leurs projets.

Les banques cantonales romandes publient depuis 2008, en collaboration avec le Forum des 100 du quotidien Le Temps, une estimation du PIB romand couvrant un quart de siècle et des prévisions pour l’année en cours et la suivante. Les calculs sont réalisés selon une méthode rigoureuse et transparente par l’Institut QUANTITAS pour l’analyse et la prévision économiques de la HES-SO. Les résultats seront aussi présentés lors du 19e Forum des 100, le 31 octobre 2023.

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