Les stratégies de momentum souffrent des hésitations du marché

Fabio Alessandrini, BCV

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Alors qu’elles avaient permis d’amortir la chute de l’an dernier, les stratégies de momentum peinent en cette période de transition. Demandant ainsi patience et… diversification.

Après une année 2022 favorable, les stratégies d’investissement de momentum souffrent depuis le début de l’année. En cause, l’absence de tendance souvent observée sur les marchés, qu’elle concerne les classes d’actifs ou les secteurs. Une situation typique d’une période de transition, donc provisoire.

L’an dernier, dans la foulée de la hausse rapide des taux directeurs, la majeure partie des classes d’actifs prenaient la même direction. Une baisse généralisée qui a marqué les détenteurs de portefeuilles. Cette tendance globale a permis aux stratégies de momentum, ayant pris des positions baissières tant sur les actions que sur les obligations, de réaliser de bonnes performances, remplissant leur rôle dans une stratégie de placement.

Le principe de base de ces approches repose en effet sur un constat éprouvé qui veut que les marchés évoluent avec des tendances s’étendant dans le temps. Particulièrement populaires, notamment en raison du fait qu’elles ne demandent pas une connaissance approfondie des notions de macroéconomie ou de l’évolution des branches économiques, elles ont été largement auscultées par les milieux académiques. De nombreux articles de recherche sur une période de plus d’un siècle analysent leur potentiel de performance sur la durée.

Tous les actifs concernés

Concrètement, opter pour une stratégie de momentum revient, globalement, à acheter les titres qui ont progressé dans un passé récent et à vendre ceux qui ont perdu du terrain. Ces approches peuvent être applicables tant à des portefeuilles comprenant des seules actions qu’à des portefeuilles multiactifs. Dans leur forme la plus pure, celle ne capitalisant que sur l’effet de momentum, ces stratégies visent à immuniser le portefeuille contre les fluctuations du marché en achetant des gagnants et en vendant simultanément des perdants.

Dans le cas d’un portefeuille multiactif, les prises de position visent à faire varier les pondérations des différentes classes d’actifs en achetant ou surpondérant les plus performantes et en vendant ou sous-pondérant celles qui connaissent les moins bonnes performances. Cela peut se faire évidemment dans les actions et les obligations, mais aussi dans les matières premières ou les devises, voire dans les cryptomonnaies. Le recours à ces stratégies permet ainsi de se positionner sur des tendances cycliques liées aux classes d’actifs. Dans un format «long-short» pratiqué par les hedge funds, cette stratégie est connue sous le nom de CTA ou Trend following. Appliquée à des titres individuels, elle vise aussi de se positionner sur des mouvements plus structurels ou thématiques, dont profitent ou pâtissent certains secteurs.

Tendance obligatoire

Aussi intéressantes soient-elles, ces stratégies ne sont évidemment pas pour autant sans risque. Par définition, elles ne fonctionnent que quand des tendances existent. C’était notamment le cas en 2020 sur le marché des actions. Les changements structurels engendrés par le COVID ont tracé des tendances claires, comme acheter des titres liés au travail à domicile et vendre des titres sensibles au ralentissement de l’économie. Lorsque les tendances se modifient, forcément ces stratégies souffrent. Cette année en est la preuve. Le marché des actions a rebondi après la forte baisse de 2022, mais reste attentif au ralentissement économique. Les marchés obligataires hésitent encore quant à la fin du cycle de restriction monétaire. Les matières premières sont également sans tendance claire. Résultat: les stratégies de momentum se retrouvent constamment à contre-pied. L’indice SG Trend, qui avait gagné plus de 25% en 2022, s’affiche en baisse d’environ 2% sur l’année à fin juillet.

L’exemple technologique

L’absence de tendance s’observe également lorsque les marchés des actions sont abordés sous l’angle thématique. À fin 2022, l’indice MSCI Momentum USA contenait moins de 2% de valeurs du secteur technologique. Une approche alors logique, puisque ce secteur était un des grands perdants des 18 mois précédents. C’était sans compter avec le retournement de marché engendré par l’engouement soudain pour l’intelligence artificielle, qui a remis nombre de valeurs technologiques au cœur du marché. L’indice n’en a pas profité immédiatement. En fait, une des clés de l’approche momentum réside dans la patience. Le repositionnement devient réalité au fur et à mesure que la tendance s’impose. Ainsi, lors de son dernier rebalancement au printemps, le même indice MSCI Momentum USA a inclus les titres technologiques de manière massive. Le poids du secteur a explosé à plus de 20% du portefeuille, en prenant des positions importantes dans des titres tels que Microsoft, Meta ou Nvidia. Si la tendance persiste, la stratégie peut être bien placée.

Leur talon d’Achille?

Cette année confirme ainsi un point central pour les investisseurs et investisseuses privilégiant les stratégies de momentum: les phases de transition constituent leur talon d’Achille. L’indice MSCI Momentum sous-performe largement, alors qu’il a mieux résisté que le marché durant la difficile année 2022. Bénéficier potentiellement de l’effet momentum sur le long terme implique de savoir ronger son frein dans ces périodes avec moins de visibilité.

Dans une perspective plus large, le momentum n’est cependant qu’une des pièces de la stratégie plus globale liée aux investissements sur les facteurs. Parmi ces derniers, d’autres tendent à réagir bien mieux dans ces mêmes périodes, comme le Value. Une fois encore, la solution réside dans une recette que les investisseurs connaissent bien, celle de la diversification.

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