Stress politique en vue

Salima Barragan

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Selon Andrew Milligan d’Aberdeen Standard Investments, les marchés boursiers seront volatils jusqu’au résultat des élections américaines.

En ce début d’année, cinq personnalités du monde de la finance partagent avec les lecteurs d’Allnews leurs vues sur trois grands thèmes qui marqueront les douze prochains mois: guerre commerciale, politiques monétaires et fiscales, élections américaines. Ils dévoilent aussi quelle sera leur politique d’investissement. Autour de quatre questions clés, l’équipe d’Allnews vous souhaite une heureuse année 2020.

La parole est à Andrew Milligan, stratégiste chez Aberdeen Standard Investments, pour le quatrième volet de cette série sur les grands thèmes de 2020. En ce qui le concerne, la guerre commerciale n’est pas la seule raison expliquant une récession du secteur manufacturier. Il pointe également le resserrement du crédit, les problèmes d'émissions de CO2 auxquels le secteur automobile est confronté ainsi que le ralentissement cyclique de la demande de smartphones à la veille de la généralisation de la 5G. Aussi, s’attend-il à davantage de volatilité sur les marchés boursiers jusqu’au résultat des élections américaines et favorisera la dette à haut rendement

Quel bilan tirez-vous des dommages créés par la guerre commerciale?

Sérieux, mais pas aussi mauvais que beaucoup le pensent. Certes, les tensions commerciales croissantes entre les États-Unis et d'autres pays ont été l'un des facteurs à l'origine de la modeste récession du secteur manufacturier dans de nombreux pays. Cette situation a eu pour effet de miner la confiance des entreprises, l'embauche de personnel et les nouveaux investissements. Cependant, d'autres facteurs ont également affecté le secteur manufacturier. On peut y inclure le resserrement du crédit, les tensions politiques, les problèmes d'émissions de CO2 auxquels le secteur automobile est confronté et le ralentissement cyclique de la demande de smartphones avant la 5G. Dans l'ensemble, la croissance économique mondiale en 2019 a été la plus faible observée depuis la crise de l’Union européenne, et 2020 ne s'annonce pas beaucoup mieux. Les tensions commerciales seront donc probablement un vent contraire à la croissance mondiale, aux bénéfices des entreprises et à la performance des marchés boursiers pendant l’année qui s’ouvre.

Si Trump gagne en 2020, il pourrait y avoir beaucoup plus d'emphase
sur les questions commerciales et les conflits avec la Chine en 2021.
Quel mix de politiques monétaire et de relance pourrait prolonger le cycle économique?

Ce ne sera pas facile ! Les déclarations de la plupart des gouverneurs de banque centrale montrent qu'ils sont de plus en plus préoccupés par la détérioration de l'efficacité de la politique monétaire ces dernières années. En fait, un plus grand nombre d'entre eux font valoir que la politique budgétaire doit prendre le relai de la politique budgétaire pour prolonger le cycle. Des années d'assouplissement quantitatif ayant abouti à des obligations d'État à rendement négatif et ne se sont pas révélées aussi efficaces que le prévoyaient de nombreuses banques centrales. L'activité économique mondiale sera soutenue en 2020 par l'effet décalé des baisses de taux de la Fed en 2019, par une série de mesures d'assouplissement à petite échelle de la Banque populaire de Chine, par la nouvelle vague d'assouplissement quantitatif de la BCE et par la baisse prévue des taux d'intérêt dans une série d'économies de marché émergentes.

Qu'attendez-vous des élections américaines de novembre?

Une volatilité considérable des marchés financiers avant que le résultat des élections ne devienne clair. Il est encore beaucoup trop tôt pour savoir qui seront les candidats à l'élection présidentielle de novembre 2020, alors que l'importance des votes du Sénat et de la Chambre ne devrait pas être ignorée. Les marchés financiers voient déjà se dessiner certaines interrogations. Si Trump gagne en 2020, il pourrait y avoir beaucoup plus d'emphase sur les questions commerciales et les conflits avec la Chine en 2021. Si Elizabeth Warren l'emporte, la réglementation de secteurs clés tels que la technologie, l'énergie et les soins de santé pourrait avoir un avenir très différent. Toutefois, il faudra attendre le printemps pour savoir si Warren, Biden, Sanders, Buttigeig ou un autre candidat remportera les primaires démocrates. Bien qu'une destitution réussie du Président Trump ne soit pas probable, elle ne peut être complètement exclue. Dans l'ensemble, nous restons modérément surpondérés en actions américaines où le gros risque serait une liquidation dans l'important secteur technologique en raison d'une réglementation accrue par le Congrès. Nous préférons les obligations d'entreprises américaines à rendement plus élevé, car nous nous attendons à ce que la croissance des bénéfices reste positive en 2020 en dépit de l’incertitude électorale. Enfin, le stress politique pourrait encourager davantage les fonds à se désengager du dollar américain et à rechercher de meilleures opportunités de valeur dans d'autres pays.

Quelle sera votre stratégie d'investissement en 2020?

Notre stratégie pour l'année à venir demeure semblable à l'approche fructueuse que nous avons adoptée en 2019. Nous continuons de surpondérer les actions mondiales, les titres d'emprunt d'État et de sociétés à rendement plus élevé et certaines opportunités dans le secteur immobilier. En ce qui concerne les actions, nous privilégions particulièrement les actions américaines, les actions des marchés émergents et les actions japonaises. Nous sommes neutres à l'égard des actions européennes, considérant qu'il s'agit davantage d'une opportunité pour les sélectionneurs de valeurs. Les choix sectoriels seront compliqués car il n'y a pas de forte rotation prévue entre la valeur et la croissance. Néanmoins, une série de facteurs sectoriels ou sous-sectoriels reflétant les évaluations, des technologies perturbatrices, des pressions réglementaires ou la disponibilité du crédit exigent une analyse approfondie. Dans l'ensemble, nous nous attendons à ce que les actions cycliques moins chères s'en tirent bien. Nous ne prévoyons pas de récession mondiale en 2020, bien que la lenteur de la croissance économique limite la capacité des entreprises à générer des profits à terme. Dans un monde où l'inflation est faible, les taux d'intérêt resteront en suspens dans la plupart des économies développées ou continueront de baisser dans de nombreux pays émergents. Le rendement reste donc attractif, d'où la préférence pour les marchés de dette à haut rendement.

 

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