L’économie circulaire promet de mieux performer que l’ensemble de l’économie à long terme. Natalie Falkman, gère le fonds Robeco Circular Economy, qui a été lancé en 2019. Le fonds présente un rendement annuel de 10,39% sur cinq ans (contre 12,08% pour l’indice MSCI (en dollars).
Forte d’une expérience de plus 20 ans sur les marchés boursiers, Natalie Falkman, qui a rejoint Robeco en avril 2022, lorsque les actifs sous gestion du Robeco Circular Economy Fund s’élevaient à environ 120 millions d’euros (390 millions aujourd’hui), considère le fonds comme un investissement global susceptible de bien se comporter par beau temps comme en périodes plus difficiles, et d’être employé en tant que «Core Investment». Cette Suédoise d’origine qui réside à Zurich se rappelle avoir débuté à investir à 16 ou 17 ans par l’achat d’Ericsson. Cette analyste financière a débuté dans le «Sell-Side», en analysant les actions russe, puis les actions scandinaves. Avant de rejoindre Robeco, elle a géré un fonds mondial chez Swedbank Robur en Suède, avec 6 milliards d'euros d'actifs sous gestion, une note de 5 étoiles de Morningstar et une note AAA de Citywire.
La taille du fonds de l'article 9, a progressé sous l’effet de la performance et de l’afflux de fonds, indique-t-elle. A la fin janvier, ses plus grandes positions sont Nvidia, Cavco Industries, Sprouts Farmers, EssilorLuxottica, Compass Group. Natalie Falkman qui entend livrer aussi bien un rendement financier que de la durabilité répond aux questions d’Allnews:
«Les ‘champions’ de l’économie circulaire ne forment qu’un petite partie du fonds.»
Le terme d’économie circulaire est parfois difficile à définir. Quel est votre objectif avec le Robeco Circular Economy Fund?
Durant les trois mois qui ont précédé ma prise de fonction et la gestion du fonds, j’ai étudié la taxonomie parce que celle-ci entend répondre à six objectifs de durabilité, dont l’économie circulaire. J’ai analysé de nombreux travaux qui ont conduit à ce règlement. J’ai réalisé que l’économie circulaire était d’abord le fruit de travaux de recherches approfondis. Venant du secteur privé, j’avais toujours été sceptique sur les cadres réglementaires. J’ai réalisé que cette perception était erronée, du moins à ce sujet. Un grand nombre de recherches ont été mises à contribution. J’ai aussi apprécié que ce cadre se concentrait non pas sur quelques points à satisfaire à court terme mais sur des solutions à long terme. Nous pouvions l’utiliser chez Robeco dans nos lignes directrices pour l'alignement thématique. La taxonomie créera réellement de la transparence et de l’objectivité sur le marché, ce qui contraste avec l’opacité actuelle. Pour nous, elle sert de guide.
En tant que gérante, sélectionnez-vous les meilleures entreprises au monde dans l’économie circulaire ou vous basez-vous sur l’indice mondial et lui ajoutez une pondération d’économie circulaire?
Mon approche est globale et j’aimerais que nos investisseurs détiennent notre fonds durant une longue période. Le fonds d’économie circulaire me permet d’atteindre cet objectif. Les investisseurs peuvent investir dans ce fonds relevant de l’article 9 et qui permet d’obtenir un bon rendement à long terme. Mon but est de battre l’indice MSCI Monde, et bien que nous n'investissions pas dans les actions FAANG, nous visons à atteindre cet objectif et travaillons dur pour y parvenir.
Il est possible d’utiliser les différents caractères du thème ainsi que d’investir dans les mid-caps. Mais nous ne nous contentons pas de sélectionner simplement les meilleurs dans un certain secteur. Nous offrons un fonds aligné sur l’économie circulaire. Tous les modèles d’affaires compris dans le fonds ont une place à prendre dans le monde de l’économie circulaire.
Un exemple?
Prenons l’exemple de la meilleure entreprise au monde dans la «fast fashion», ce modèle d’affaires n’est pas vraiment aligné avec la culture de l’économie circulaire ni avec la taxonomie. Il en va de même avec les boissons en bouteilles. Quand j’ai pris la responsabilité du fonds, mon premier travail a consisté à analyser les modèles d’affaires et par exemple à noter que les articles de sport présentaient un modèle d’affaires trop proche de celui de la «fast fashion». Les modèles d’affaires qui nous intéressent doivent être fonctionnels, robustes et adaptés au monde circulaire du futur. C’est pourquoi nous intégrons ce que nous appelons des «facilitateurs» («enablers») de l’économie circulaire, des entreprises qui permettent à leurs clients d’être plus «circulaires» et efficients à l’égard de leurs ressources. Les «champions» de l’économie circulaire ne forment qu’un petite partie du fonds.
Votre performance est proche de l’indice à long terme. A quel point vous éloignez-vous de l’indice MSCI, sachant que la première position est Nvidia?
Nous détenons un grand nombre de mid-caps si bien que notre «active share» (le pourcentage d’actions du portefeuille qui se distingue de l’indice) est très élevé avec 90%. Mais nous entendons avoir un fonds global attractif. Le tracking-error est inférieur à 6% malgré le biais mid-cap.
Les deux tiers de la capitalisation du fonds sont formés de titres américains. Est-ce que les Etats-Unis seront les leaders de l’économie circulaire?
La part américaine est de 55%, soit en-dessous du pourcentage employé par MSCI, en raison du poids de la Big Tech. Nous avons un processus de sélection d'actions fondé sur des critères solides, l'exposition géographique étant plutôt un output qu'un input. Nous voulons des entreprises solides au bénéfice d’un cash-flow élevé et d’une croissance bénéficiaire supérieure au PIB.
Comme la politique de Donald Trump ne soutient pas l’économie circulaire, n’est-ce pas surprenant d’avoir une forte proportion d’entreprises américaines?
Si vous prenez la taxonomie européenne, la priorité ne porte pas sur le recycling mais sur les premiers stades de développement d’un produit. La Commission européenne a indiqué que 80% de l’impact environnemental d’un produit était défini au stade du design. Dans un monde circulaire parfait, il n’y aurait que très peu de recyclage et de gestion de déchets. Le design permet de mieux gérer efficacement les ressources. L’économie circulaire a du sens sous le plan commercial. Elle se concentre beaucoup sur la gestion efficace des ressources, laquelle est très dépendante de la gestion des coûts. Les changements les plus profonds interviennent dans l’économie s’ils ont un sens au plan commercial.
«Je me concentre sur le cash-flow car le cash est roi, la croissance, la rentabilité des investissements (ROIC) des entreprises et sur leur modèle d’affaires.»
Je ne m’inquiète donc pas des politiques économiques en cours ou des réglementations. J’ai assisté tant de fois à la mise en place de réglementations qui ont ensuite été diluées puis changées. L’attrait de l’économie circulaire est d’ordre commercial et non pas réglementaire.
La taxonomie comprend six chapitres dont l’un porte sur l’énergie efficiente et un autre sur l’économie circulaire. Je me concentre donc sur ce dernier aspect. Les Accords de Paris sont en discussion mais l’économie circulaire est assez peu touchée.
Une politique introduite par Donald Trump lors de son premier mandat est PFAS (sur les produits chimiques difficilement biodégradables). L’économie circulaire cherche précisément à réduire les ressources dommageables et à les remplacer. L’Administration Trump ne semble pas vouloir changer d’avis à ce sujet. La politique visant à rendre les Etats-Unis plus sains va dans le même sens.
Quels sont les secteurs les plus surpondérés?
Le secteur industriel est le plus surpondéré, un secteur il est vrai très large, devant la technologie, les deux représentent près de 60%, puis les matériaux, la consommation et la santé.
Qu’est-ce qui différencie votre fonds de vos concurrents dans l’économie circulaire?
L’une des principales différences réside dans la concentration de nombreux concurrents sur les champions de l’économie circulaire. Nous investissons dans des entreprises dont le modèle d’affaires a toute sa place dans un monde circulaire alors que d’autres fonds sélectionnent des entreprises qui à mon avis n’y ont pas leur place. Nous n’investissons pas dans les FAANG (Meta, Apple, Amazon, Netflix, Alphabet) parce que leur taille les empêche d’être focalisés sur un domaine, et à l’inverse nous avons un biais mid-caps. Les actions financières, telles que les banques et les fournisseurs de paiements, ne font pas partie du fonds, car la plupart d'entre elles n'apportent pas une contribution significative au thème de l'économie circulaire.
Quel a été votre comportement ces dernières semaines, à un moment où des rotations majeures semblent intervenir?
A la fin de l’année dernière, nous avons investi dans des sociétés de qualité européennes dont la valorisation est devenue très attractive, en particulier en comparaison avec les Etats-Unis. Notre définition de qualité suppose une croissance supérieure à la moyenne des secteurs sous-jacents.
Ces deux dernières années, de nombreux marchés finaux cycliques se sont trouvés en récession, à l’inverse des valeurs de forte croissance structurellement motivées. Avec les élections américaines, le sentiment s’est modifié tout en conservant un biais sur la qualité. La composition sectorielle est alors devenue plus équilibrée dans notre fonds.
Beaucoup de stratégistes privilégient les actions européennes dans l’anticipation d’une politique de relance de l’investissement en Europe. Est-ce votre cas?
Non. Il est difficile d’avoir une opinion définitive sur des critères tes que la croissance du PIB. Nous pouvons établir des scénarios, mais il est préférable de privilégier un biais sur la qualité. Cela permet de détenir des entreprises capables de bien se comporter dans tous les cas de figure. Je me concentre sur le cash-flow car le cash est roi, la croissance, la rentabilité des investissements (ROIC) des entreprises et sur leur modèle d’affaires.
Si un investisseur entend investir dans des investissements durables. Pourquoi faudrait-il privilégier un fonds sur l’économie circulaire et pas sur des autres fonds ESG?
J’espère d’abord présenter un rendement attractif pour nos investisseurs à travers les cycles, et devenir un «core holding» auprès de l’investisseur. Je crois beaucoup aux mérites des intérêts composés et, dans ce cas, aux rendements composés. Et j’aime investir à long terme. Il est toujours possible que l’investisseur y ajoute d’autres fonds avec des biais particuliers, cycliques ou autres.