Les actions européennes se négocient avec une forte décote par rapport aux valeurs US

Yves Hulmann

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Blake Crawford chez J.P. Morgan, observe que les écarts de valorisations entre les titres des deux régions sont nettement plus prononcés qu’en moyenne historique.

Moins chères que les actions américaines, les valeurs européennes sont-elles pour autant plus attrayantes actuellement? Le point sur la situation avec Blake Crawford, gérant de portefeuille International Equity Group chez J.P. Morgan Asset Management et co-gérant de plusieurs fonds en actions européennes, qui s’exprimait à l’occasion d’une rencontre avec différents médias internationaux organisée par la banque américaine en mars à Londres.

Il y a beaucoup de discussions actuellement pour savoir si la hausse des marchés observée depuis 2023 peut se poursuivre à un tel rythme ou non. À cet égard, il est frappant d’observer que les actions européennes, à l’exemple de l’indice Euro Stoxx 50 (+17,8% sur un an, à fin mars), ont sensiblement moins progressé au cours des 12 derniers mois que les actions américaines de l’indice S&P 500 (+32,3% sur un an, à fin mars), sans même parler des valeurs technologiques incluses dans l’indice Nasdaq 100 (+44,8% sur un an, à fin mars). Peut-on affirmer que les actions européennes restent, comparativement, meilleur marché que les actions américaines?

Il y a plusieurs critères dont il faut tenir compte pour évaluer si un marché apparaît cher ou non. Il est bien sûr possible d’observer les ratios cours/bénéfices (P/E) qui sont affichés par différents indices, puis de comparer lequel affiche le ratio le plus élevé. Alors que les actions européennes se traitent historiquement avec un discount par rapport aux actions américaines, les valeurs du Vieux Continent se négocient actuellement avec une décote de plus de 30% par rapport à celles des Etats-Unis, ce qui est significativement davantage que les niveaux historiques situés aux environs de 15%. Cette décote ne peut pas s’expliquer par la seule composition de l’indice, car même si vous comparez les niveaux de valorisation séparément pour chaque secteur, les actions européennes se négocient avec une décote significative par rapport aux titres équivalents aux Etats-Unis. 

«Les actions européennes se négocient actuellement avec une décote de plus de 30% par rapport à celles des Etats-Unis, ce qui est significativement davantage que les niveaux historiques situés aux environs de 15%.»

Un autre aspect important mérite d’être relevé: les actions européennes se négocient actuellement avec un discount considérable aussi par rapport à leur propre moyenne historique. C’est un point d’ancrage utile pour évaluer si les actions européennes sont chères ou non.

Les économies de la zone euro affichent toutefois aussi des taux de croissance faibles en comparaison avec d’autres pays comme les Etats-Unis ou certains marchés émergents, à l’exemple de l’Inde. Pour les investisseurs en actions européennes, s’agit-il d’un environnement favorable – car cela ouvre la porte à des taux plus bas à l’avenir – ou au contraire défavorable, car la croissance atone dans l’UE représente un frein à la croissance des bénéfices futurs des entreprises européennes?

Les sociétés cotées en Europe réalisent le plus souvent au moins 50% de leurs revenus en dehors de l’Europe, ce qui fait qu’elles ont une exposition globale à la croissance mondiale. Par exemple, le groupe de semi-conducteurs néerlandais ASML est coté en Europe mais il génère la majorité de ses bénéfices en dehors de l’Europe. En plus de cela, les économies de la zone euro devraient bénéficier d’un vent arrière au fur et à mesure que le fonds de relance pour l’Europe sera déployé et qu’une inflation plus basse améliorera le pouvoir d’achat des ménages.

Quels sont les secteurs que vous favorisez actuellement ou que vous évitez au contraire?

Nous ne cherchons pas à éviter certains secteurs en tant que tels mais réfléchissons plutôt en termes de préférence relative pour certaines branches. Nous sélectionnons toujours les sociétés avec une approche allant du bas vers le haut. 

Actuellement, nous suivons de près le secteur de la consommation qui évolue de manière plus favorable que prévu et qui se montre plus résilient qu’attendu. Les consommateurs disposent encore de certaines économies accumulées durant le Covid et la baisse graduelle de l’inflation redonne un peu de pouvoir d’achat à la population. Il y a aussi certains facteurs liés à la réouverture de l’économie, après la fin des restrictions imposées lors de la pandémie, qui continuent à favoriser certains acteurs de la branche de la consommation, comme le groupe espagnol Inditex par exemple. Ryanair continue de bénéficier de la reprise du trafic aérien qui profite à une partie de ses points de vente. Le groupe autrichien DO & CO, actif dans le catering pour le secteur aérien, bénéficie aussi de cette reprise. Ces différents exemples montrent que la thématique de la reprise de la consommation peut toucher des entreprises de nature très diverses.

La France est plutôt surreprésentée au sein d’un fonds de J.P. Morgan dédié aux actions européennes. Est-ce un choix volontaire ou cette surpondération résulte-t-elle de certaines positions spécifiques dans le fonds?

La deuxième explication est correcte. Notre approche d’investissement va du bas vers le haut – nous n’avons ainsi pas décidé de sous- ou surpondérer l’économie française en tant que telle. Nous avons investi dans des entreprises françaises en raison de la qualité de leur profil, à quoi s’ajoutent des niveaux de valorisation plutôt intéressants actuellement. 

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