La notion de «Swissness», l’accès au marché de l’Union européenne (UE) ainsi que la compétitivité de la place financière suisse en comparaison internationale ont été quelques-uns des thèmes abordés à l’occasion du Private Banking Day, un événement organisé conjointement par l’Association de Banques Suisses de Gestion (ABG) et l’Association de Banques Privées Suisses (ABPS) qui s’est tenu fin mai à Zurich. Le point sur ces différents aspects avec Giorgio Pradelli, CEO d’EFG International et président de l’Association de Banques Suisses de Gestion (ABG).
Lors de la présentation que vous avez effectuée mardi, vous avez déclaré que le concept de «Swissness» allait bien au-delà des seuls aspects de stabilité et de solidité. Que signifie le «Swissness» dans le contexte de la banque privée?
Dans le private banking, le «Swissness» a pour moi à voir avec l'excellence. Ce qui est bien en Suisse - pas seulement dans le private banking mais aussi en général -, c'est cette idée qu'on cherche toujours à atteindre l'excellence. L’excellence n'est pas une question comparative, c'est toujours une notion absolue. En général, on veut fournir un service qui est le meilleur possible que l’on puisse trouver sur le marché.
«La Suisse est un pays petit, mais ouvert. Il est clair qu'il faut naviguer à travers toutes sortes de situations et affronter différents défis.»
L’innovation, considérée au sens large, est aussi très importante. L’innovation, c'est non seulement l’excellence mais c'est aussi la flexibilité, l'adaptation. La Suisse est un pays petit, mais ouvert. Il est clair qu'il faut naviguer à travers toutes sortes de situations et affronter différents défis. Pour y parvenir, il faut faire preuve de flexibilité et s'adapter rapidement.
Je compléterais les notions de stabilité et solidité par celle de résilience. Et je pense que ce sont les ingrédients qui font le «Swissness» pour nous – à la fois en tant que banque, comme association ainsi qu’en tant que système bancaire et place financière.
En matière de concurrence, vous avez souligné que la position de leader de la Suisse dans le domaine de la gestion de fortune n’était pas garantie pour toujours. Est-ce que vous pensez surtout à la concurrence des places financières proches de la Suisse, comme Londres, Francfort, Paris ou Milan? Ou est-ce que vous redoutez plutôt la concurrence de places financières plus lointaines comme Singapour, Hongkong ou Dubaï?
Il y a des cabinets de conseil qui font des prévisions quantitatives affirmant d’habitude que Hong Kong ou Singapour deviendront la place financière mondiale la plus importante pour le private banking international. Cela ne s’est toutefois pas réalisé jusqu'à présent. D'autres places financières comme Londres, Hong Kong et Singapour tentent de prendre la place de la Suisse grâce à un soutien institutionnel.
Au niveau de l'Europe continentale, le Luxembourg et Monaco sont également très déterminés à développer leurs places financières.
En dehors de l'Europe, les Etats-Unis sont aussi devenus un concurrent important, notamment pour les clients d'Amérique latine. Miami est ainsi devenue une place financière importante pour l'Amérique latine.
Au Moyen-Orient, Dubaï est un autre centre qui croît et se développe très rapidement. Pour résumer, on peut donc dire qu'il y a une grande concurrence entre les centres financiers pour attirer nos clients.
«Les clients de l'Union européenne considèrent que ce que les banques suisses offrent a de la valeur. C’est pourquoi l'accès au marché européen est très important pour nous.»
L’accès au marché de l'UE a également été un aspect largement discuté lors du Private Banking Day, notamment lors de la présentation effectuée par le ministre de l’Economie Guy Parmelin. En parallèle, il y a aussi eu l’accord qui a été conclu avec le Royaume-Uni, appelé «Bern Financial Services Agreement» par les Britanniques (ndlr: accord de reconnaissance mutuelle dans le domaine des services financiers). L’accord signé avec le Royaume-Uni pourrait-il servir de modèle pour d’autres pays européens? Est-ce un modèle réplicable ailleurs ou est-il spécifiquement conçu pour le Royaume-Uni?
Il faut garder à l’esprit que 60% de la clientèle dont l'argent est ici en Suisse, est étrangère. Les banques constituent dès lors une industrie d’exportation importante.
Presque la moitié de ces 60% sont des clients qui proviennent de l'Union européenne. C'est-à-dire que les clients de l'Union européenne considèrent que ce que les banques suisses offrent a de la valeur. C’est pourquoi l'accès au marché européen est très important pour nous.
Maintenant, au niveau technique, ce que nous avons proposé, en tant que banquiers, comme solution, c’est celle de l’approche spécifique aux établissements. Pratiquement, les banques intéressées par l'accès au marché de l'Union européenne devraient être prêtes à se soumettre à la supervision des autorités européennes. C'est un mécanisme d’«opting-in».
Une telle solution pourrait constituer un modèle, mais il est clair que ça doit s’inscrire dans un cadre plus général en accord avec l'Union européenne. Il s'agira maintenant de discuter à propos de cette approche dans le cadre du dialogue sur la réglementation des marchés financiers avec l'Union européenne. La route sera assez longue mais les instruments sont là.
A l’ABG, en tant qu'association, est-ce que vous avez une vue spécifique au sujet de la question des fonds propres exigés de la part des banques d’importance systémique?
Je suis aussi membre du conseil d'administration de l’Association suisse des banquiers (ASB) ou Swiss Banking. Pour les questions liées au dossier «Too big to fail» le Conseil fédéral a proposé 29 points. Swiss Banking et nous à l’ABG avons pu nous exprimer sur ces points lors de discussions. Maintenant, ce qui reste essentiel, c'est que, pour toutes ces mesures, le principe de proportionnalité soit respecté. Pour plus d'informations, il faut attendre que les points essentiels soient publiés par le Conseil fédéral, vraisemblablement, le 6 juin.