Le cycle haussier se prolongera encore longtemps

Emmanuel Garessus

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L’investisseur devrait rester investi et diversifié, de la tech à la santé. Les relais de croissance ne manquent pas, selon John Plassard de Mirabaud.

Après une hausse significative, les actions vont-elles corriger? Faut-il rester investis? A ce stade, une piqûre de rappel est nécessaire, avance John Plassard, spécialiste en investissements auprès de la banque Mirabaud. Sur 150 ans, les actions américaines ont gagné 9,28% par an (dividendes réinvestis), indique-t-il dans une note. Corrigé de l’inflation, le rendement annuel s’élève à 6,94%. La leçon? L’investisseur devrait diversifier son portefeuille et rester investi, recommande-t-il. 

Les soubresauts sont possibles. Mais ces dernières années, l’indice Nasdaq a surperformé et cet indice fortement technologique a gagné 18,5% par an sur 10 ans (dividendes réinvestis). La volatilité est certaine, mais sur 12, 20 ou 30 ans, l’investisseur a toujours gagné de l’argent avec l’indice S&P. John Plassard répond aux questions d’Allnews.

Fort de votre expérience sur les marchés et de votre analyse des performances historiques, quelles règles essentielles faut-il respecter?

La recherche d’un gain immédiat sur les marchés financiers est rarement récompensé. Elle dépend du moment choisi. L’achat de Nvidia, le leader de l’IA, n’est peut-être pas la meilleure idée aujourd’hui, surtout si on compare cette stratégie avec un achat qui se serait effectué au moment de la publication des résultats de l’entreprise. A court terme, tout peut arriver.

A moyen ou long terme, la performance des actions est significative mais tout dépend du cheval de bataille choisi. Par exemple, l’indice des actions japonaises a attendu 40 ans avant de dépasser son niveau de décembre 1989. L’achat des valeurs énergétiques n’était pas non plus une très bonne stratégie jusqu’à récemment, par rapport aux technologiques. 

«Les entreprises témoignent d’une demande en hausse dans la plupart des secteurs.»

Une bonne diversification du portefeuille, telle est la première règle à respecter. Il existe des cycles aussi bien boursiers qu’économiques. On sait que la croissance sera soutenue par l’intelligence artificielle mais j’ignore si ce sera le bon choix d’ici 3 mois. Par contre, je suis persuadé que c’est une bonne idée à 2, 3 ou 10 ans. Une révolution industrielle est en marche avec l’intelligence artificielle et elle est en train de s’accélérer. La demande de puces Nvidia est exceptionnelle, avec une utilisation potentielle dans énormément de secteurs, de la finance à la pharma.

Ne redécouvre-t-on pas les cycles boursiers?

Oui. Lorsque j’étais au collège, à Genève, il y a 40 ans, mon professeur de philosophie disait que tout a été inventé. C’était évidemment une grosse erreur. On a l’impression que les cycles prendront fin et qu’il n’y aura rien de nouveau. Cette perception a été fréquente après le rail, puis les transports aériens. Mais d’autres cycles naissent, malgré des soubresauts, tels que ceux qui ont accompagné le développement d’internet. Il y a 20 ans, Microsoft était la première capitalisation boursière. Le groupe est parvenu à s’adapter et à inciter ses clients à adopter  ses produits. Microsoft fait toujours partie de ce cycle. 

Il est possible de montrer que potentiellement Total ou Exxon font partie d’un nouveau cycle dans les énergies renouvelables. Au-delà de leurs investissements dans les énergies fossiles, elles seront capables de s’adapter et de se développer dans les énergies renouvelables.

Vous dites qu’il faut rester investis, mais de quelle manière?

Il faut être réinvestis avec une bonne diversification. Imaginez que l’économie entre en récession -ce qui n’est pas mon scénario-, certains secteurs seraient à privilégier dans le portefeuille. Et si un redémarrage se dessinait en Europe au 2e semestre et l’année prochaine, il faudrait s’adapter aux cycles économique et boursier. Concrètement, cela signifie la diversification doit être large et comprendre une poche aussi bien technologique que dans la santé. 

Après avoir entendu que le secteur de la santé était mort, la découverte des produits GLP-1 contre l’obésité, la pharma renaît: Novo Nordisk est la première capitalisation boursière européenne. L’Europe est également leader dans le secteur du luxe, avec Hermès et LVMH. 

Il faut avoir une vision à long terme et garder son exposition, mais aussi être assez diversifié.

Est-ce que le cycle haussier des actions va se prolonger encore longtemps?

Oui, je le pense. A très court terme, si les banques centrales, marquées par l’erreur commise en 2022 d’avoir considérer l’inflation comme un phénomène transitoire, n’arrivaient pas à lire le cycle de l’inflation, les marchés pourraient se contracter et consolider. Mais à moyen et long temps, je vois d’importants relais de croissance. Les entreprises témoignent d’une demande en hausse dans la plupart des secteurs.

«Une bonne diversification du portefeuille, telle est la première règle à respecter. Il existe des cycles aussi bien boursiers qu’économiques.»

Sur 10 ans, le Nasdaq a largement battu l’indice S&P 500. Est-ce qu’il faut s’attendre à la fin de cette tendance favorable à la technologie?
Non, je ne le pense pas. Lorsque le leader d’un secteur, en l’occurrence Nvidia, domine tant un marché, la concurrence se construit. Les semi-conducteurs liés à l’intelligence artificielle et les Data Centers constituent le nerf de la guerre. Le cycle ne sera pas infini, mais la demande technologique est telle que le cycle a de beaux jours devant lui. 

Une comparaison est possible avec le métavers. Tout le monde parlait de ce monde virtuel il y a 2 ans. Cette révolution semble s’être éteinte. Je crois au contraire au potentiel de cette technologie, mais le métavers n’a pas transformé tous les secteurs. L’intelligence artificielle provoque des changements dans tous les domaines d’activité, y compris la pharma.

La croissance de l’IA peut se poursuivre, mais la valorisation est-elle excessive?

Si Nvidia parvient à poursuivre sa croissance au même rythme d’ici un an, avec une marge brute de 75%, sa valorisation se justifie. Les deux risques peuvent venir de la réglementation et de l’émergence de concurrents majeurs. Donald Trump, qui a de réelles chances de s’imposer et qui n’est pas un partisan déclaré de l’IA, pourrait renforcer la réglementation.

Dans un monde multipolaire, l’investisseur devrait-il s’exposer significativement aussi à l’Europe et à l’Asie?

La diversification doit aussi être géographique. En Europe, l’indice Stoxx 600 a récemment battu son record historique, avec des leaders appartenant à des branches différentes d’un pays à l’autre, tels que les bancaires en Espagne ou le luxe en France. L’achat de valeurs européennes se traduit par une diversification géographique et sectorielle.

Que faut-il éviter?

On parle trop rarement des fluctuations des monnaies. La hausse de l’indice d’un pays émergent peut être annihilée par l’effet monétaire.
Un deuxième obstacle doit être géré, le risque politique. Le dernier indice PMI des services en Chine est meilleur que prévu et pourrait suggérer que la Chine pourrait surprendre positivement en 2024 tant sur le plan économique que boursier. Plutôt que de s’exposer aux leaders de la cote chinoise, peut-être serait-il plus indiqué de s’intéresser aux groupes européens très présents en Chine pour gérer le risque politique.

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