L’élection de Donald Trump réduit le risque géopolitique

Emmanuel Garessus

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Avec Donald Trump, la visibilité des perspectives géopolitiques va s’accroître et le risque de choc pétrolier diminuera, selon Arthur Jurus, chez ODDO BHF.

Les marchés des actions américaines apprécient la victoire de Donald Trump. Mais en Europe les gains initiaux se sont érodés dans la journée. Le dollar bondit et le franc s’apprécie face à l’euro. Mais ces réactions à court terme se prolongeront-elles? Quelles classes d’actifs bénéficieront-elles de l’élection de Donald Trump? Arthur Jurus, Head of Investment Office de la banque privée suisse ODDO BHF, répond aux questions d’Allnews:

Après le rallye boursier de ce mercredi, les marchés poursuivront-ils leur hausse?

Oui, nous pensons que la tendance positive des marchés se prolongera. Ce résultat politique conduira à une baisse de la pression fiscale sur les entreprises américaines. Cela permettra une augmentation des bénéfices par action. Les marchés sont rassurés par le prolongement des baisses d’impôts sur les entreprises introduites en 2017.

Quel est le potentiel de l’indice des actions américaines?

Leur hausse atteint historiquement 5% par an en moyenne. Du point de vue tactique, les actions constituent la classe d’actifs la plus intéressante dans le contexte actuel par rapport aux obligations et à l’or. 

Le programme de Donald Trump est en effet inflationniste et conduit à une hausse des taux d’intérêt, ce qui pénalise les obligations américaines.

«A court terme, la BNS aura moins besoin d’intervenir sur le marché des changes pour défendre le franc suisse».

A l’inverse de nombreux commentaires, nous pensons que l’élection de Donald Trump réduit le risque géopolitique. L’or continuera à progresser sous l’effet des achats d’or physique par les banques centrales, mais moins en raison des incertitudes géopolitiques.

Pourquoi est-ce un facteur positif sous l’angle géopolitique?

La visibilité des perspectives géopolitiques va s’améliorer. L’arrivée de Donald Trump devrait calmer les ardeurs de Xi Jinping à l’égard de Taïwan. La volonté du président républicain d’arrêter le financement  de la guerre en Ukraine devrait également contribuer à réduire l’opacité géopolitique. Et au Moyen Orient, le président entend restaurer la paix en s’appuyant sur Israël et les accords d’Abraham intervenus en 2020.

Peut-on déjà imaginer les conséquences de l’élection sur l’énergie?

Les électeurs ont choisi Donald Trump, donc un défenseur des énergies fossiles, et non Kamala Harris, qui privilégiait les énergies vertes. 
Avec Donald Trump et un Congrès républicain, nous assisterons à une accélération de la capacité américaine à être plus indépendante et à exporter son énergie. Je rappelle que les Etats-Unis sont devenus des exportateurs nets de pétrole ces dernières années. 

Sur les marchés pétroliers mondiaux, le rôle de l’Opep diminuera en termes relatifs et la volatilité du baril devrait se réduire. L’escalade du conflit entre Israël et l’Iran a valeur d’exemple. Elle aurait théoriquement dû conduire à une hausse du prix du pétrole, mais ce scénario ne s’est pas vérifié parce que les Etats-Unis ont accru leur production. 

Les Etats-Unis et leurs entreprises seront encore plus compétitifs sur le marché de l’énergie et la volatilité du prix de l’essence diminuera, même en Europe. Le risque de choc pétrolier diminuera en raison du rôle de leadership des Etats-Unis dans l’énergie.

«Les Etats-Unis et leurs entreprises seront encore plus compétitifs sur le marché de l’énergie».

Est-ce que les taux européens pourront se soustraire à une hausse des taux américains?

Techniquement, avec un assouplissement quantitatif (QE), la BCE pourrait y parvenir. En pratique, la BCE prend la direction inverse. Nous avons récemment enregistré une nette hausse des taux obligataires européens avant tout en raison des déficits budgétaires européens. Mais la corrélation entre les marchés obligataires américain et européen est significative et ne s’affaiblira pas. Le marché des taux en dollars US est très important. Il représente plus du quart du marché obligataire mondial. 

La connexion avec l’Europe passe par le marché pétrolier. Les anticipations d’inflation se nourrissent de l’évolution du cours du baril, donc des Etats-Unis. Par conséquent, le prix du baril de pétrole influence les anticipations d’inflation européenne qui, elles, impactent les taux européens. Si les taux montent aux Etats-Unis, il serait périlleux d’attendre de nombreuses baisses des taux en Europe.

Est-ce que cela signifie une remise en cause du scénario de plusieurs baisses de taux?

Effectivement, le sujet primordial après les élections portera sur la réaction de la Fed à une politique théoriquement inflationniste. Comme Donald Trump n’entrera en fonction qu’en janvier, il faudra donc attendre plusieurs mois avant de connaître les contours exacts de sa politique. 

Les marchés anticipent déjà une hausse des taux longs. Ces développements signifient que la baisse des taux courts qui est anticipée pourrait être moins forte qu’attendu. 

Mais la tendance reste à la baisse des taux, en raison du processus global de la désinflation.

Le dollar est très fort aujourd’hui. Poursuivra-t-il sa hausse?

La réaction du dollar est rationnelle. La hausse du billet vert accompagne l’augmentation des taux américains. Cet effet ne devrait pas dépasser une à deux semaines, avant que les marchés ne reviennent aux fondamentaux. Ce seront les anticipations des taux de la Fed à 12 mois qui détermineront ensuite le cours du dollar. A moyen terme, le dollar reste surévalué. La diminution des risques géopolitiques diminuera la demande de dollars. A moyen terme, le dollar est susceptible de se déprécider.

Le franc suisse continuera de s’apprécier pour des questions de compétitivité. A court terme, la BNS aura moins besoin d’intervenir sur le marché des changes pour défendre le franc suisse. 

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